Home Comunidade 108 ans après le premier voyage à l’étranger d’un président portugais : le périple historique de Bernardino MachadoAntónio Marrucho·25 Outubro, 2025Comunidade Il y a exactement 108 ans, le 25 octobre 1917, Bernardino Machado rentrait au Portugal après avoir accompli le premier voyage à l’étranger d’un Président de la République portugaise. Ce périple de 18 jours, entrepris entre le 8 et le 25 octobre 1917, mena le Chef d’État à travers quatre pays européens, principalement en train, un exploit à l’époque de la I Guerre mondiale. À son retour, une foule immense l’attendait entre la gare et le Palais de Belém, résidence officielle de la présidence. L’accueil populaire fut sans précédent, symbole de la fierté nationale suscitée par ce voyage historique. . Un Président dans la tourmente d’une époque instable Élu le 6 août 1915, Bernardino Machado devenait le troisième chef d’État de la Première République, proclamée le 5 octobre 1910. Son élection incarnait l’espoir d’une stabilité démocratique dans un contexte politique particulièrement instable, alors que le Portugal s’apprêtait à entrer en guerre aux côtés des Alliés. Bernardino Machado allait exercer deux mandats présidentiels, tous deux interrompus par des révolutions. Mais son unique voyage officiel à l’étranger, en octobre 1917, demeure l’un des épisodes les plus marquants de son parcours. . Un périple diplomatique à travers l’Europe en guerre Parti le 8 octobre 1917 de la gare du Rossio, à Lisboa, le Président prit la direction de la France, via Vilar Formoso. Sa première halte eut lieu à Saint-Sébastien (Donostia), où il fut reçu par le roi d’Espagne Alphonse XIII. Il poursuit ensuite son voyage vers la France, arrivant le 10 octobre à la gare de Sommeilles-Nettancourt, accueilli par le Président français Raymond Poincaré. Ce même jour, Bernardino Machado visita Verdun, ville symbole de la résistance française. Dans une cérémonie solennelle, il remit à la cité meurtrie la plus haute distinction portugaise, la Croix de la Tour et de l’Épée, en présence du Président Raymond Poincaré, du Ministre d’État Louis Barthou, du Chef du Gouvernement portugais Afonso Costa et du Maire de Verdun, Prosper Regnaud. Dans un français impeccable Bernardino Machado dira : «Monsieur le Maire, au nom du Gouvernement et de la Nation portugaise, j’ai l’honneur de remettre à la ville de Verdun la Croix de la Tour et de l’Épée. Cet acte est un témoignage de reconnaissance nationale envers les soldats sublimes qui, autour de cette ville immortelle, ont défendu la civilisation contre le plus grand péril que l’humanité ait jamais connu». Le 10 octobre, il visite également la cathédrale de Reims, puis dîne le soir avec le Président Raymond Poincaré à Avenay. Les jours suivants furent tout aussi intenses : le 11 octobre, il rencontra le Général Philippe Pétain à Compiègne, se rendit à la Ferme de Quennevières, visita le front et les hôpitaux militaires portugais à Lillers, Merville et Fauquembergues. Dans l’après-midi, il visite Lillers et part en direction du quartier général du Corps expéditionnaire portugais (CEP) à Saint-Venant. Dans la soirée, le Président Bernardino Machado a offert un dîner à son homologue français à Witternesse. Le 12 octobre, il part pour Arras, où il voit la cathédrale d’Arras détruite. Le 13 octobre, il s’est de nouveau rendu au siège du CEP et a rencontré le Commandant en chef, le Général Tamagnini de Abreu ; il visite également l’hôpital de Merville, où il accueille chaque patient. Ce même jour, 45 membres du CEP sont décorés dans les jardins du château de La Morande, où le Président, accompagné de sa délégation, dans une quinzaine de voitures, et du Commandant du CEP, Fernando Tamagnini de Abreu, est accueilli par de nombreux soldats en formation. Le 14 octobre, il visite l’hôpital de Fauquembergues et le camp d’entraînement, quittant le secteur portugais du front occidental. Le 15 octobre, Bernardino Machado visite le champ de bataille de Messines, en Belgique, avant de regagner la France. Le 17 octobre, il embarqua à bord du destroyer britannique HMS Phoebe pour rejoindre le Royaume-Uni, où il fut reçu à Londres par le Premier-Ministre David Lloyd George, puis par le roi George V au palais de Buckingham. Le 19 octobre, il visite les camps d’entraînement des soldats portugais à Hazeley Down et Horsham. Le 22 octobre, il fut accueilli en Belgique par le roi Albert Ier au château de Sainte-Flore, à La Panne, résidence royale pendant l’occupation allemande. Le lendemain, le 23 octobre, il déjeune à l’Élysée avec Raymond Poincaré, avant de reprendre le train pour Lisboa. . Un retour triomphal à Lisboa avant une destitution Le 25 octobre 1917, à 13h20, le train présidentiel entre en gare de Lisboa. Des milliers de Portugais acclament le Président, dont le voyage, inédit par sa durée, son ambition et sa portée symbolique, fut perçu comme un moment d’unité nationale. La Junte révolutionnaire de 1917, à la suite du coup d’État de Sidónio Pais, provoquera le 5 décembre 1917 la destitution de Bernardino Machado. Ce dernier occupera un deuxième mandat de Président de la République du 11 décembre 1925 au 31 mai 1926, mandat de nouveau interrompu par la Révolution du 28 mai 1926. Il passe des années en exil, séjournant en Galice et en France, avant de rentrer au Portugal en 1940. À la suite de l’invasion de la France en 1940, Bernardino Machado est autorisé à rentrer au Portugal où il meurt en 1944 en résidence surveillée. Le voyage de Bernardino Machado restera dans l’histoire, depuis, un Chef d’État portugais n’aura été accueilli avec un tel enthousiasme à son retour d’un déplacement à l’étranger. . Sources : Museu da Presidência da República Portugal et La Contemporaine (album Valois).