Note d’écoute: Manga, le nouveau CD de Mayra Andrade

Avec ce cinquième album intitulé Manga (son fruit préféré et la référence à l’exotisme), la chanteuse Mayra Andrade concrétise un virage important, non seulement dans sa musique mais aussi dans sa vie.

Elle a vécu les dix premières années de sa vie dans son pays, le Cap-Vert, puis s’est installé à Paris en 2003 (pour son cosmopolitisme, dit-elle). Après douze ans passés en France, elle fait le choix de s’installer à Lisboa, en 2015. « C’est une ville qui m’a reconnectée avec la lusophonie, notamment la lusophonie africaine ».

Puis, le déclic de son virage musical se produit à Accra, capitale du Ghana, où elle est invitée à chanter. Elle y découvre et ressent très fort, les rythmes de l’afro-beat d’aujourd’hui. Cela lui permet aussi de s’affranchir des structures de la musique traditionnelle de son pays, pour s’ouvrir à ces nouvelles sonorités.

Nous sommes loin de son premier album de 2006 – « Navega » – dans lequel a joué le bassiste de jazz Etienne Mbappé et dans lequel elle interprétait plusieurs textes d’Orlando Pantera, auteur capverdien de référence, s’il en est.

Aujourd’hui, le résultat de cette évolution personnelle donne un disque à la fois inattendu et dynamique.

« Manga » est représentatif de cette culture métissée entre le monde lusophone du Cap-Vert, celui de Lisboa, mais aussi des musiques modernes de l’Afrique de l’ouest ou sub-saharienne, d’où sont issus les musiciens qui l’accompagnent sur ce disque, dont certains sont connus dans cet univers : Momo Wang (basse, synthés et programmation), 2B (batterie programmée) et d’autres également connus sur des instruments plus conventionnels (son habituel Kim Alves à la guitare acoustique et Akatché aux claviers et synthés).

La musique est donc marquée par deux éléments : d’une part les percussions modernes et d’autre part la musique synthétique et / ou programmée. Ce qui peut déranger les fans habituels de Mayra Andrade, mais donne une ambiance dynamique à l’ensemble.

Pour autant, ce disque est intéressant et dansant. Le morceau d’introduction « Afeto » en est très représentatif avec les percussions dominantes, la basse ronde et rythmique, le piano électrique et la guitare. Il n’y a pas de batteur dans le disque, juste une batterie programmée dans certains morceaux. La voix douce et sensuelle de Mayra fait le reste, en rappelant un peu celle de Gal Costa jeune.

Le morceau qui donne son titre à l’album, « Manga », laisse passer dans la musique, une légère sonorité de musique brésilienne. « Pull up”, qui sent le tube à plein nez, est magistralement suivi de « Vapor di Imigrason », l’un des morceaux les plus réussis de l’album avec des voix en chorus en second plan. L’auditeur trouvera aussi trois belles ballades “Segredu », « Badia » et surtout la mélancolique « Terra da Saudade » avec chorus de voix et accompagnement au cavaquinho, ancêtre du célèbre ukulélé. L’album se referme brillamment sur un morceau hommage à Santiago, son île du Cap-Vert, et qui s’intitule « Festa de São Santiago ».

Les textes et les musiques sont en large majorité écrits par Mayra Andrade, même si des auteurs compositeurs relativement connus lui offrent des morceaux, comme « Guardar mais ») que l’on pourrait résumer par « Que Dieu te garde », de Sara Tavares et « Festa de Santiago » de Tibau Tavares.

Il est à noter aussi, que le look de Mayra s’est africanisé (tresses, robes) et qu’elle chante en portugais ou en créole capverdien.

Le livret intérieur est dominé par un jaune d’or. Il contient de belles photos montrant Mayra Andrade dans son nouvel aspect physique, les textes sont traduits en anglais (le blanc sur fond jaune n’est pas très facile à lire) et j’émets une douce critique, à savoir que pour une artiste ayant passé au moins douze ans à Paris, nous aurions pu disposer des textes en français, car, qui mieux qu’elle, aurait pu les traduire. En plus, il y a largement la place pour les inclure dans ce livret.

En conclusion, « Manga », le dernier né des CD de Mayra Andrade, est une jolie surprise, qu’il faudra confirmer, pas forcément dans le même registre, mais avec toujours autant d’engagement et de talent au service d’une belle voix, jamais forcée. Ce CD a été enregistré à Abidjan et à … Paris.

 

CD “Manga”, de Mayra Andrade (Sony Music France, 2019).

 

LusoJornal