Lusa / Tiago Petinga

Le CD posthume de Carlos do Carmo est sorti au Portugal: une dernière leçon de fado

[pro_ad_display_adzone id=”46664″]

 

En février 2019, Carlos do Carmo, dont la santé est vacillante, annonce la fin de sa carrière en public, qu’il conclura le 9 novembre de la même année au Coliseu de Lisboa. L’un des CD’s du coffret posthume en propose l’intégralité (et la version vidéo dans son édition de luxe). On y retrouve un florilège émouvant des principaux succès de sa longue carrière. Le 1er février 2021, Carlos do Carmo nous quitte.

Durant les deux dernières années de sa vie, il travaille à un ultime CD de chansons originales. Il cherche (ou demande) des textes de poètes qu’il n’a jamais chanté, il demande à des compositeurs des musiques originales, ou puise dans les ressources du fado traditionnel. C’est le guitariste José Manuel Neto (qui sera son dernier accompagnateur associé à Carlos Manuel Proença et Marino de Freitas) qui orchestrera le tout.

Le premier poète choisi est Humberto Helder, l’un des grands auteurs de la poésie portugaise, dont Carlos do Carmo connaît toute l’œuvre. Ce sera dans l’album Poemas Canhotos: “Esses poemas que avançam / No meio da escuridão / A não ser e mais nada / Que lapiz, papel e mão…”, mis en musique par António Vitorino de Almeida.

Carlos do Carmo demandera un poème à Helia Correia, auteure couronnée de nombreux prix. Elle lui donne le suberbe Sombra: “E dizem que a voz não vem / De particular garganta / Que não sabemos quem canta / Sempre que em nos canta alguém…”, sur la musique du fado menor de Porto créé au début du siècle dernier par João Black, fadiste militant proche des anarchistes.

Autre monument de la littérature portugaise, Sophia de Mello Breyner Andresen figure dans l’album avec son poème Canção 2 : “Clara uma canção / Rente à noite calada / Cismo sem atenção / Com a alma velada…”, sur une musique demandée par Carlos do Carmo au guitariste Mário Pacheco. Avec Jorge Palma, auteur, compositeur, interprète, c’est une autre histoire. Voilà vingt ans que Carlos do Carmo lui avait demandé un poème, demande réitérée lors de chacune de leurs rencontres. Elle finira par aboutir à Canção da vida: “Mas que tão bem sabes aconchegar Aquele que eu sou, / Talvez nalgum instante, ao olhares-me, / Consigas simplesmente, sem pudor, rever-te em mim / Talvez de vez em quando, ao olhares-me, / Consigas simplesmente, sem pudor, rever-te em mim…” sur une musique de l’auteur.

Des poèmes sur la vie qui passe, parfois sombres. Mais la cueillette poétique de Carlos do Carmo contient aussi des petits chefs d’œuvre d’ironie, tel le Bem disposto, então vá, de Júlio Pomar, l’un des grands peintres portugais du siècle et poète à ses heures, cruel portrait de ceux qui, 25 Avril lointain, n’ont plus envie de manifester ou s’indigner et ne rêvent que de vie «pépère», et Mariquinhas 3.0, où Vasco Graça Moura, grand poète du fado s’amuse à évoquer la figure légendaire de Mariquinhas à l’heure d’internet et de la prostitution en ligne, deux textes mis en musique allègrement par Paulo de Carvalho.

Ajoutons y le texte de José Saramago, seul écrivain portugais ayant remporté le prix Nobel, qui énumère, dans Jogo do lenço, les multiples avantages de son petit mouchoir de soie, bien commode dans tous les moments de la vie, pour s’essuyer le front ou les yeux, dire adieu, etc., sur la musique du fado pechincha créée jadis par Joaquim Campos.

L’album commence par une courte, suave, lumineuse coulée de notes de la guitare de José Manuel Neto et se termine avec la suite de cette musique, encore plus courte, qui entoure ces quelques mots écrits par le mozambicain Mia Couto, l’un des auteurs contemporains les plus réputés de la lusophonie: «Cantar, dizem, é o afastamento da morte. A voz suspende o passo da morte e em volta tudo se torna pegado da vida».

Nous l’aurons compris, du moins je l’espère, qu’il s’agit d’un magistral testament. Malgré la santé défaillante, la voix demeure sans faille, l’émotion est intacte, la musique est magnifique, les textes de haute qualité. Si la mort plane, elle ne triomphe pas. Car le message que nous transmet Carlos do Carmo, à nous autres vivants, c’est justement: vivez! Il nous y a aidé bien des fois au long de sa carrière. Il nous y aide encore avec ce témoignage exceptionnel. Il nous y aidera encore, tant que nos forces nous permettront de l’écouter.

Obrigado, Carlos!

 

[pro_ad_display_adzone id=”37509″]

LusoJornal