Gaspar da Silva

Pompeu Gomes, un maître de la «viola do fado» prend sa retraite

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Pompeu, cela faisait deux ans – moment de sa retraite de son autre métier – que ça lui trottait dans la tête: repartir au Portugal pour y couler des jours tranquilles avec son épouse, Luisa Reis – elle aussi fadiste -, dans leur maison près de Fátima, qui les attendait (la maison, pas Fátima).

Le récent décès de Luisa lui a finalement fait prendre la décision de finir ses jours au Portugal. C’est une lourde, très lourde perte pour le fado en France, même si nous savons qu’il reviendra de temps en temps voir sa famille, née ici, et ses nombreux amis. Sa carrière nous permet de parcourir quelques décennies de l’histoire du fado à Paris.

 

Pompeu Gomes Coelho, pour l’état civil, Pompeu Gomes pour les affiches des soirées de fado, ou Pompeu tout court pour tous ses amis, est arrivé en France en 1973 à l’âge de 17 ans, après une enfance qu’il qualifie de pauvre, mais heureuse auprès de sa mère adorée et de son frère ainé. Il s’initie dès l’âge de 9 ans à la guitare et fera ensuite partie d’un groupe qui animera des bals dans la région.

Fuyant alors une convocation de l’armée alors que les guerres coloniales continuent (elles cesseront l’année suivante, conséquence de la Révolution des œillets).

Arrivé à Paris, il enchaîne les «petits boulots» mais demeure passionné par la guitare. Dès qu’il le peut, il prend des cours de guitare classique. «Ça m’a beaucoup apporté, techniquement et musicalement. J’en ai gardé un grand amour pour la musique classique, que j’écoute souvent. A l’époque, je n’aimais pas le fado, je trouvais que pour la viola, c’était juste zim boum zim boum, je préférais le rock, les Beatles. Ce n’est que deux ou trois ans plus tard que j’ai rencontré José Ramos, un très bon musicien (guitarra) qui m’a montré la richesse du fado et connaissait tout le milieu du fado à Paris». Pompeu commence alors à jouer épisodiquement avec lui, puis plus régulièrement. «Un autre musicien a été important pour ma compréhension du fado: José Machado, violiste et chanteur. J’ai gardé beaucoup de reconnaissance pour ces deux personnes malheureusement disparues».

A partir des années 1980, Pompeu, désormais détenteur d’un emploi stable et ayant fondé une famille avec sa chère Luisa Reis, va devenir très présent sur la scène fadiste jouant notamment au «Saudade» de Versailles (où il jouera avec Francisco Carvalhino, l’une des fines gâchettes de la guitarra à Lisboa), à «L’Express», rue Cardinet, à Paris, avec le guitarrista Alberto Maia, au plus éphémère «O Fado», à Paris aussi (tous ces lieux présentaient alors du fado tous les jours de la semaine: une sorte d’âge d’or), et sera le partenaire le plus présent de Manuel Miranda lors des 25 années de vie de son «Coimbra do Choupal», à Pavillons-sous-Bois. Manuel Miranda qui l’embarquera aussi dans l’émission «Só fado» de Radio Alfa, toujours présente sur les ondes. Il sera aussi pendant quelques années, avec Luisa Reis, membre du groupe de fado «Tudo isto é fado» dirigé par le regretté Carlos Neto.

Ces dernières années, Pompeu est devenu le partenaire privilégié du guitarrista Filipe de Sousa lors de nombreux concerts, tout en continuant à travailler avec les autres guitarristas de la scène parisienne. Il sera présent dès le début des soirées du «Coin du Fado» (au disparu «Sur un R’ de Flora», puis aux «Affiches»), succédera à Nuno Estevens en 2018 pour les soirées bimensuelles du «Portologia».

Il est donc une des figures centrales du fado en France depuis un peu plus de quatre décennies. Centrale, mais modeste: Pompeu est estimé de tout le milieu fadiste, loin de toutes les rumeurs qui, comme tout milieu artistique, peuvent le traverser. C’est aussi un musicien curieux de toutes les musiques, capable de s’adapter à la nouveauté, ce qui n’est pas si fréquent dans un monde fadiste qui demeure attaché à la tradition.

C’est dire que son départ de notre scène musicale crée un vide dans le petit monde des violistas.

Certes, ses contemporains Casimiro Silva et Adriano Dias sont fidèles au poste, le français Dominique Oguic, les plus jeunes Filipe Vieira (issue de la défunte «Académie de fado») et Helder Jardim arrivent. Pompeu en est conscient et ajoute à cette liste un nouveau venu, Fabrice Abrunhosa, «capable de tout jouer, formé au jazz manouche et adorant le fado».

Nous aurons l’occasion de lui témoigner de notre amitié lors de l’une de ses dernières soirées fadistes parisennes avant son départ, le vendredi 4 novembre, aux Affiches, et espérons que de nombreux amis du fado, et donc de Pompeu, pourront s’y joindre.

 

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LusoJornal