Jean Correia, éleveur de Lusitaniens à Clermont-Ferrand : quand un cheval olympique se dresse

Jean Correia est un lusodescendant qui élève plusieurs chevaux à Ennezat, près de Clermont-Ferrand (63), sa ville natale. Cet amoureux du sport équin est heureux que sa race préférée, à savoir le Lusitanien, participe aux jeux olympiques de Paris’24. LusoJornal est allé à sa rencontre pour en savoir un peu plus sur cet homme et un sport olympique : le Dressage.

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Jean Correia est Français né de parents portugais et arrivé au Portugal à l’âge de 10 ans, où il est tombé amoureux des chevaux lusitaniens, la race portugaise. «J’ai eu la facilité de côtoyer beaucoup de gens du monde du cheval grâce à mon père et je côtoyais beaucoup de personnes du monde de la tauromachie, puis, à l’âge de 16 ans je suis revenu en France. À 23 ans, en revanche, je suis reparti à nouveau au Portugal, où j’ai ouvert un bar à Pombal et j’ai acheté mon premier cheval dès que j’ai pu. J’ai par la suite créé un petit élevage qui a duré à peu près 10 ans».

Après cette période, le cavalier a ainsi ramené 5 de ses chevaux jusqu’à Clermont-Ferrand, sa terre natale et a pu continuer sa passion et son amour des chevaux lusitaniens, un cheval qui est «très polyvalent», selon lui.

Un cheval olympique

Le Président du Musée vivant du Cheval à Chantilly, Yves Bienaimé a porté la flamme olympique sur un cheval Lusitanien le 18 juillet dernier. «J’ai, en effet, entendu parler du relais du doyen du Musée vivant du Cheval, puisque je l’ai vu dans les médias et je pense qu’il a fait un très bon choix, puisque c’est sur le dos d’un lusitanien qu’il l’a fait. C’est un cheval qui le mérite, déjà parce qu’il est très connu dans le monde entier, car ce type de cheval a une volonté gracieuse par sa force, son mental et sa beauté physique. C’est un très bon choix de la part d’un tel cavalier ! Cela est vraiment dommage que relativement à des problèmes de santé, je ne puisse plus monter mes chevaux aussi souvent qu’avant» nous confie le clermontois.

Un festival équin

Dans le monde du cheval, il existe la Foire nationale du cheval, à Golegã, au Portugal. Cette foire est mondialement connue et accueille en novembre de chaque année des chevaux du monde entier. «Quand je vais au Portugal, c’est aussi pour visiter des amis du monde du cheval, des toréadors que je connais, des élevages que j’aime et c’est ce que je fais principalement quand je vais au Portugal. Parce que c’est une des plus grandes fêtes du monde qui dure 10 jours et réuni plus de 2.000 chevaux de races différentes».

Jean Correia est très lié à cette foire, puisqu’un de ses chevaux y a participé à la suite d’un épisode douloureux. «Mon étalon, Ribatejo, a eu un grave accident à Paris, il y a quelques années, et depuis, je nous ai promis, à tous les deux, que s’il guérissait, on participerait à cette fête qui a eu lieu, peu avant la pandémie».

L’éleveur nous raconte que son cheval de cœur a passé plus d’un an dans la Marne, chez un éleveur d’une cinquantaine de chevaux, Nuno Pereira, qui est aussi un ami, afin que l’étalon Lusitanien puisse guérir le mieux possible, avant de l’amener à Golegã.

Un cheval plébiscité, mais peu connu

Jean Correia déplore beaucoup la méconnaissance du cheval lusitanien en Auvergne, «puisqu’ici on pratique beaucoup plus de saut d’obstacles et la course pure, que des épreuves de dressage à proprement parler». Il explique que le Lusitanien est à la fois un cheval docile et robuste, ce qui est «dommage» de s’en passer. «Mais je peux comprendre que le prix d’un cheval Lusitanien préparé, puisse faire douter les gens, alors qu’un cheval de course réformé est beaucoup plus accessible, surtout pour ceux qui veulent faire uniquement de la balade».

La fête de la Saint Jean

Lors de la traditionnelle fête de la Saint Jean, organisée par l’association Os Camponeses Minhotos, à Clermont-Ferrand, Jean Correia y a exposé 3 chevaux, à savoir : Ribatejo et ses 2 descendants. «Le plus jeune était monté par mon fils, qui était, lui aussi le plus jeune des cavaliers, et ensuite, j’ai laissé Monsieur de Azevedo monter Ribatejo, étant mon ainé, et j’ai pris le dernier».

Le rêve avorté

«Quand j’avais la trentaine, j’ai eu l’intention d’ouvrir une école d’équitation au Portugal et j’ai eu tout un tas d’obstacles, que je n’ai pas pu affronter comme mes chevaux pourraient le faire. J’ai ainsi abandonné ce projet, pour maintenir ce que j’aime, à savoir, voir grandir mes chevaux et les éduquer. J’ai donc ramené 5 chevaux du Portugal, dont la mère de Ribatejo, qui était enceinte à ce moment précis et qui a mis bas en France» dit-il au LusoJornal. «J’ai fait le choix de rester à Clermont-Ferrand et de ne pas monter à Paris, parce que je suis bien dans ma ville natale et je n’ai pas non plus besoin de me faire connaître, puisque je suis très bien avec mes chevaux. Cela me suffit».

Une épreuve difficile

Le cinquantenaire a également une pouliche prometteuse de 4 ans, qui s’appelle Princesse et qui est d’ailleurs enceinte de Ribatejo. «Elle devra normalement passer, au mois de septembre, devant un jury de la Fédération Française du cheval Lusitanien. Je devrais ainsi, la présenter sous 3 allures : au pas, au trot et au galop. À eux de décider, s’il s’agit d’une race pure».

Jean Correia nous confie que le jury composé de portugais et de français est très exigeant, «ce qui n’était pas forcément le cas il y a 20-30 ans».

Un cheval pas vraiment impulsif

«Les gens pensent que les étalons sont plus impulsifs, ce qui est vrai, mais un mâle lusitanien ne l’est absolument pas, puisque Ribatejo n’a cassé aucune barrière, n’a blessé personne jusqu’ici. Il me respecte, puisqu’en le traitant avec dignité, le cheval obéit. Il existe bel et bien des écuries qui n’acceptent pas d’étalons à cause de l’impulsivité des races telles que des pur-sang arabes».

Un accueil de choix

Jean Correia accueille d’autres chevaux dans ses murs. En revanche, c’est uniquement pour les faire saillir (se reproduire). Des clients viennent de toute la France, de Bordeaux à Paris, et même de Normandie, «parce que Ribatejo est d’une taille exceptionnelle et sa descendance l’est tout autant, puisque ses documents officiels le montrent très bien».

C’est totalement dans l’air du temps. «Ce que l’on cherche aujourd’hui, c’est la performance à travers la taille, la force et l’amplitude. Il y a un paradoxe fou, à vouloir des chevaux de promenade dans les réformés des courses ou d’obstacles. Quand vous vous promenez vous voulez quelque chose de confortable pour votre postérieur et le Lusitanien le fait à merveille».

Selon l’éleveur «ainsi va le jeu de la demande, la plupart des gens se tourneront toujours vers le moins cher, mais le moins cher il est réformé, parce qu’il n’a pas été performant dans toutes les disciplines possibles et inimaginables. Cela dit, c’est compréhensible, puisque si vous voulez que le cheval ait le rôle purement d’un animal de compagnie, vous ne voulez pas que ce soit trop cher non plus».

Un cheval encore méconnu

Jean Correia nous éclaire : «en France, c’est vrai que le Lusitanien est assez méconnu, mais c’est surtout en Auvergne, parce que si vous allez dans le Sud ou dans le Nord, chez mon ami Nuno Pereira, c’est autre chose !».

L’économie autour de ce cheval n’est pas centrée sur les courses hippiques, comme cela peut l’être pour des pur-sang ou des trotteurs français. Le Lusitanien, lui, est surtout centré sur le Dressage, puisque c’est une discipline olympique issue de l’équitation classique.

Lors des derniers jeux olympiques de 2021 à Tokyo, la grande championne était l’allemande Jessica von Bredow-Werndl, sur son Trakehner (race allemande).

Le Lusitanien est un cheval très polyvalent, que ce soit en dressage ou en attelage. «On peut ainsi pratiquer l’équitation de travail, en dressage dans un carré avec des déplacements latéraux ou du piaffé (frapper la terre sans avancer), par exemple. Le tout doit être juste, fluide et élégant». Selon ces critères, le jury note l’exécution par l’entremise des capacités du cheval, ainsi que sur la complicité entre le cavalier et sa monture. «Pour l’instant ce sont les allemands qui dominent cette discipline, mais pour combien de temps ?» questionne l’éleveur français.

LusoJornal