Home Comunidade Américo et António Afonso, Résistants en Corse : la libération du premier village français de l’occupation AllemandeAntónio Marrucho·31 Julho, 2025Comunidade Américo Afonso et António Afonso ont fait partie de la Résistance en Corse, chacun avec un parcours distinct. Après leur naturalisation en 1935 et 1936 respectivement, ils francisèrent leur nom de famille en Alphonso (également orthographié Alfonso). Ils ont contribué à leur manière à la libération des Allemands des premiers villages de France, dont le premier est Levie, en Corse du Sud. . Américo Afonso Américo Afonso est né le 28 octobre 1910 et baptisé le 30 du même mois, au lieu-dit de Lordelo, village de Serafão (1), paroisse de São Julião, fils de José Joaquim Afonso et d’Antónia Maria Rodrigues. Il meurt le 15 septembre 1943 des suites de blessures à Santa-Maria-Siché. Marié à Julie Nicolai et père de trois enfants, il habitait rue de la République à Levie (2). Malheureusement, il verra peut grandir ses enfants, notamment son dernier-né, Antoine, né le 21 avril 1943, et décédé le 12 mai 2012 à Sarrola-Carcopino, également en Corse. Reconnu pour son courage, Américo Afonso a effectué plusieurs parachutages et transporté des armes pour la Résistance. Il a été membre du Front National du 1er janvier 1943 au 16 septembre 1943, sous le commandement de Collanna d’Istria, Résistant corse du Front National et des FFI. Il est nommé Caporal à titre posthume dans le Journal Officiel du 12 novembre 1947. . Les circonstances de sa mort Les archives – notamment le site Le Maitron – évoquent plusieurs récits autour des circonstances de sa mort. Voici ce que l’on y apprend : Les Allemands, qui n’avaient initialement pas de visées sur l’île, y étaient présents depuis juin 1943. La brigade SS Reichsführer fut déployée dans le Sartenais pour appuyer une éventuelle traversée de la 90ème Panzer de la Sardaigne vers la Corse. Le débarquement allemand commença le 10 septembre 1943 à Bonifacio. Les Résistants s’emparèrent du dépôt de carburant de Quenza, auparavant tenu par les SS, et multiplièrent les barrages sur la route entre Porto-Vecchio et Sartène, via Levie, une voie stratégique qui menait aussi à Ajaccio, port clé pour les secours venus d’Alger. . Le jour et les circonstances du mariage entre Américo Afonso et Julie Nicolai Dans acte de mariage entre Américo Afonso et Julie Nicolai, nous pouvons lire : «le treize septembre mille neuf cents quarante-trois, à quinze heures, nous nous sommes transportés avec un certificat de Monsieur Casanova, docteur médecin, pour procéder au mariage d’Alfonso Américo, cultivateur,… et de Julie Nicolaï, sans profession, née à Porto-Vecchio le vingt et un mai mille neuf-cent sept, domicilié à Levie… Nous avons fait ouvrir les portes et fenêtres en vue de célébrer publiquement ledit mariage… en présence de Luciani François, et de Luciani Angels… et nous Don Charles Trajan Peretti». Documents signés par les deux témoins, le Maire et épouse. Étonnante date de mariage : la veille de l’opération qui conduira à ce qu’Américo soit blessé et qu’il vienne à décéder de ses blessures quelques jours après. Action jugée dangereuse, c’est pour cela qu’Américo a voulu se marier ? Pourquoi fait-on référence à un docteur ? Quel a été l’endroit où a eu lieu le mariage ? Pourquoi ouvrir les portes et les fenêtres pour effectuer le mariage ? Pourquoi pas de signatures sur l’acte de mariage du marié, Américo ? Pourquoi se marier si tardivement alors qu’Américo était français naturalisé, son épouse ne perdant pas sa nationalité et ses droits sociaux ? Le couple Américo Afonso et Julie Nicolaï aura trois enfants nés avant mariage : Antoine, José et Antoinette. Julie Nicolai, épouse d’Américo Afonso décédera le 17 mai 2005, dans le 9ème arrondissement de Marseille. . L’opération et sa mort Le 14 septembre 1943, avec quelques camarades, Américo Afonso eut pour mission d’avertir les Résistants aux barrages, de laisser passer les Italiens ralliés à la cause alliée. Leur camion fut pris sous le feu allemand près du plateau de Carbini, où les SS étaient retranchés. Ceux-ci ignoraient que leur officier venait de signer sa reddition. Américo Afonso fut grièvement blessé dans cette attaque. Il meurt le 15 septembre à l’hôpital temporaire de Santa-Maria-Siché. Cinq autres Résistants périrent également : Nicolas Canarelli, François Cucchi, Nicolas Dominati, Antoine Malfatti et Jeannot Pandolfi, âgé de seulement 16 ans. Un seul réussit à s’échapper. Reconnu «Mort pour la France» (dossier AC 21P 7035), Américo Afonso fut homologué FFI (GR 16 P 11090). Son nom figure sur plusieurs monuments aux morts, à Bastia, à Levie – sous l’orthographe Alphonso Américo – et sur une stèle à l’entrée du cimetière de Carbini. . Témoignages et reconnaissance Le Président du Comité local de la Résistance et ancien Maire patriote de Levie, Peretti Don Charles Trajan, déclara : «Il faisait partie du groupe dès janvier 1943 et fut un précieux collaborateur de la Résistance. Le 13 septembre, il demanda à participer à l’attaque contre les Allemands retranchés au lieu-dit Peatamonte. Blessé, il succomba à ses blessures à l’hôpital de Santa-Maria-Siché, où il fut enregistré comme Mort pour la France». Les Capitaines Peretti Jacques Alphonso et Lieutenant Paul Nicolai, responsables militaires du Front National à Levie, confirmèrent : «Américo Afonso a fait partie du groupe de Résistance de Levie et participe à l’opération militaire de septembre 1943 en exerçant des fonctions équivalentes au grade de caporal». L’instituteur Marcel Maestrali déclara : «Il a eu une conduite héroïque et toujours volontaire pour les missions périlleuses». L’adjoint au Maire, Padou Peretti, 64 ans, ajouta : «Je connaissais parfaitement Américo Afonso, qui est tombé glorieusement lors de la libération de Levie, le 13 septembre 1943». . Hommages et décorations Le 20 février 1952, son épouse reçoit une notification officielle confirmant son appartenance aux FFI. Par décision du Général d’Armée Henri Giraud, publiée au Journal Officiel du 17 février 1946, Américo Afonso reçoit la Médaille militaire, la Croix de Guerre avec Palme, tout comme neuf autres compagnons pour leur action dans la libération de la Corse. Citation : «Patriotes ardents, soldats vaillants de l’armée clandestine, artisans actifs de la libération de la Corse, tombés sur leur terre natale, les armes à la main, au cours des combats du 9 septembre au 4 octobre 1943». Le Président François Hollande, lors du 70e anniversaire de la libération de la Corse, rend hommage le 4 octobre 2013 aux 23 patriotes du canton de Levie morts pour la liberté : «C’est ici, à Levie, que la Corse brisa ses chaînes. Pour elle-même, pour la France. Levie, c’est la référence, le symbole. La Corse qui libère toute la Nation». Il conclut : «Je pense à Dominique Lucchini, né tout près d’ici. Le Général de Gaulle le décrivait ainsi dans sa citation de la Croix de Guerre : ‘Lucchini est sans doute le plus héroïque et le plus glorieux des patriotes corses de 1943’». . António Afonso Frère aîné d’Américo, António Afonso est né le 8 septembre 1898. Naturalisé en 1936, il vivait à Petreto-Bicchisano, en Corse-du-Sud (3), village qui comptait alors 1.550 habitants. Il a rejoint le Front National du 1er mai au 5 octobre 1943, sous le pseudonyme de Zemké Robert, avec le grade de 2ème classe. Il opérait depuis le maquis de Cargiaca, sous le commandement du Capitaine Dominique Lucchini, dit «Rebello». Spécialiste du matériel, António participait aux parachutages, à l’entretien des équipements et au transport d’explosifs. Il a notamment contribué à la destruction d’ouvrages ennemis, comme le pont de Scopamène, à Cargiaca. Un certificat établi à la demande de son ex-Capitaine, Dominique Lucchini, daté du 15 juin 1947, atteste de son appartenance aux FFI. . Américo et António Afonso, deux frères portugais devenus Français, ont courageusement pris part à la Résistance en Corse. Si l’un est tombé au combat, l’autre a survécu, mais tous deux ont marqué l’histoire de la libération des premières terres françaises occupées par l’ennemi nazi. Ils demeurent des héros de la mémoire corse et nationale. . Notes (1) Serafao est un village faisant partie du canton de Fafe et situé au nord-ouest de celui-ci, il possède 1.000 habitants. Depuis 2013 Serafao fait partie d’une nouvelle composition administrative qui réunit deux anciens villages : União de Freguesias de Agrela e Serafão. Au XIX siècle, l’écrivain Pinto Leal écrivait sur Serafao : «c’est une terre très fertile avec beaucoup de qualité dans la production de bétail, beaucoup de bovins bien gras ont été exportés vers la Grand-Bretagne». (2) Levie est un village de 675 habitants, situé dans le département de la Corse du Sud, capitale de la micro-région de l’Alta Rocca et de la piève (paroisse), le village abrite le musée départemental de l’Alta Rocca (3) Dans ce village, le 01 septembre 1981, par manque de visibilité, appareils en panne, un avion de la compagnie yougoslave Inex-Adria s’écrase dans la montagne environnante, provoquant la mort de 180 personnes. En 1943, 38 personnes furent arrêtées dans le village. Petreto-Bicchisano est avec Bastia et Levie, le village où habitait le frère d’António, Américo, les seules trois localités à recevoir, en Corse, la Croix de Guerre, Étoile Rouge en 1950.