João Martins Pereira : Entre France et Portugal, un même combat pour la gaucheEmanuel Guedes·Política·22 Julho, 2025 Franco-portugais, militant infatigable et profondément attaché aux valeurs de la gauche, João Martins Pereira est membre à la fois du Parti Socialiste français et du Partido Socialista portugais. À 28 ans, il incarne une jeunesse politique européenne engagée, à la croisée des cultures et des combats progressistes. Dans cet entretien, il revient sur la situation des deux formations dont il est issu, entre recomposition stratégique en France et nécessité de reconquête au Portugal. Avec un regard lucide mais résolument combatif, il appelle à reconstruire, rassembler et convaincre. . Le Parti socialiste en France connaît une situation particulière. Quelle lecture faites-vous de la période actuelle ? On sort d’un moment politique important pour notre parti : le Congrès. C’est un exercice interne parfois peu compris, mais fondamental. Il a permis de trancher sur une ligne politique claire, de définir une méthode de travail, et de rassembler une équipe autour d’Olivier Faure. C’est un point de stabilité et de clarification. Aujourd’hui, je vois un Parti Socialiste qui joue pleinement son rôle d’opposition sérieuse face à Emmanuel Macron, à son Gouvernement et parfois même à ses alliés objectifs de l’Extrême droite. Mais au-delà de l’opposition, nous devons surtout construire une alternative crédible, proposer un avenir meilleur aux Françaises et aux Français. Le PS a tracé une feuille de route claire. D’abord avec les municipales, où l’objectif est de conserver nos responsabilités locales et d’en conquérir de nouvelles. Puis, bien sûr, se préparer à l’échéance majeure de 2027. Cela passe par un dialogue ouvert avec l’ensemble des forces de gauche – écologistes, communistes, Génération’s, socialistes, et d’autres – pour construire une candidature commune à la présidentielle. Nous sommes dans un moment décisif : notre Parti démontre qu’il travaille sérieusement, et ce travail se concrétise. D’ici la fin de l’année, nous allons poser les bases de notre programme présidentiel. L’objectif est clair : ne pas laisser le choix, en 2027, entre une Droite libérale, conservatrice, ou une Extrême droite au pouvoir. Il faut proposer une vraie alternative de Gauche capable de rassembler et de l’emporter. . Est-ce que pour vous, une alliance de gauche est une solution pour 2027 ? Il y a deux choses. On entend souvent que le Nouveau Front Populaire n’a pas fonctionné, mais il faut rappeler que c’est lui qui est arrivé en tête aux élections législatives. Malgré cela, Emmanuel Macron a refusé de nommer un Premier Ministre de Gauche. Donc oui, le NFP a des limites, mais c’est quand même la première force à l’Assemblée. Après, c’est vrai qu’il y a eu des problèmes politiques, et il faut les reconnaître. Maintenant, il y a aussi la réalité du mode de scrutin de la présidentielle. Et sur ce point, si on veut éviter une nouvelle fois l’absence de la gauche au second tour, comme en 2017 et en 2022, il faut clairement éviter la dispersion. Je mets de côté Jean-Luc Mélenchon dans cette réflexion, parce qu’il est déjà candidat, et il y a un certain nombre de choses qui nous séparent. Mais avec d’autres forces : les communistes, les écologistes, Génération’s, les socialistes. Je pense qu’on peut travailler ensemble à une candidature commune. C’est une nécessité si on veut vraiment peser et gouverner. Sinon, on risque encore une fois de se contenter de candidatures de témoignage, avec chacun son petit score, et on restera spectateurs. On l’a déjà vécu deux fois. Il faut que ça change. . Vous avez une double culture franco-portugaise. Lors des dernières élections législatives portugaises, le Parti Socialiste a connu une défaite marquante face à la Droite et à l’Extrême droite. Quel regard portez-vous sur cette situation ? C’est un sujet qui me touche personnellement, car je suis membre du Parti Socialiste portugais. En tant qu’homme de Gauche, voir le PS arriver seulement en troisième position à l’Assemblée nationale interroge forcément. C’est une situation difficile. Il ne faut pas sous-estimer l’usure du pouvoir : le PS a gouverné de façon continue pendant plusieurs années, avec à la fin une majorité absolue. Cette usure, combinée à une campagne marquée par la désinformation et les fake-news, a sans doute pesé. Mais surtout, je pense qu’il y a eu une forme de déconnexion avec certains territoires, où le Parti n’a pas su parler directement aux citoyens. Or, avec le mode de scrutin portugais, il faut être présent partout. Cela dit, je reste confiant. Le PS reste la principale force d’opposition de Gauche et un acteur central de la stabilité institutionnelle au Portugal. Il faut désormais se remettre au travail, aller à la rencontre des citoyens, au Portugal mais aussi dans les Communautés portugaises à l’étranger, pour entendre leurs préoccupations et regagner leur confiance. J’ai confiance en José Luís Carneiro et son équipe pour mener ce travail. Les prochaines élections municipales seront une étape essentielle pour reconstruire et redevenir la première force politique locale, sur le terrain. . Le Portugal est un pays historiquement de Gauche. Comment percevez-vous la montée de l’Extrême droite ces dernières années ? C’est vrai que le Portugal, historiquement, quand on regarde le nombre d’années où le Parti Socialiste a été au pouvoir, on peut se dire qu’il y a une certaine inclinaison vers la Gauche. Mais il ne faut pas non plus tomber dans l’idée que le PS a été seul à gouverner depuis 1974. Il y a eu de l’alternance, et il fallait bien s’attendre à ce que le Parti Social-Démocrate (PSD) revienne un jour aux manettes. Quant à la montée rapide de l’Extrême droite, je pense qu’on a longtemps cru que le Portugal était isolé du reste du monde. C’était peut-être se bercer d’illusions, parce que ce phénomène touche toute l’Europe, et même au-delà. J’ai du mal à voir pourquoi le Portugal en aurait été épargné. C’est un discours qui fonctionne parce qu’il est simple, voire simpliste. Il suffit de désigner des boucs émissaires : un coup ce sont les immigrés, un autre la classe politique. Mais ce discours n’apporte pas de vraies solutions aux problèmes du quotidien : le coût de la vie, l’accès à l’emploi, à des conditions de travail dignes, ou encore la crise du logement. Et il y a aussi, à Droite, une responsabilité : celle d’avoir parfois couru derrière ces idées et propositions de l’Extrême droite. Comme en France, on voit cette frontière poreuse entre une Droite conservatrice et une Extrême droite de plus en plus normalisée. Au Portugal, c’est pareil. Il y a eu des votes communs entre le PSD et Chega, ce qui montre une forme d’alignement.