Home Cultura Katia Guerreiro au Trianon, serenite, ironie, plenitude, brio: magique!Jean-Luc Gonneau·27 Março, 2019Cultura La veille de son concert parisien, Katia Guerreiro nous rejoint à son hôtel, détendue malgré un léger mal de dos, souriante, accueillante même, heureuse de retrouver Paris, pour nous parler de son concert et de son dernier CD, que nous avons chroniqué voici quelques semaines et qui est maintenant disponible en France. Elle insistera sur sa rencontre avec José Mário Branco, directeur musical de son CD, et, finalement de son concert, centré principalement sur les thèmes du CD, enrichis de quelques rappels de ses succès précédents. «On verra ce que le public me demande». Elle avait auparavant travaillé avec José Mário Branco sur un projet de film et découvert ses capacités d’analyse, de proposition, d’intuitions aussi: «un exemple, mon personnage dans le film était celui d’une femme enceinte, qui devait chanter un fado, José Mário me donne ce conseil: tu ne chantes pas pour un public, ou pour des spectateurs de cinéma, ou pour le metteur en scène, tu chantes pour le bébé que tu as en toi. Le fado, c’est peut-être ça, tu chantes pour ce que tu as en toi et que tu veux transmettre». Elle ajoute «José Mário avait écrit des horreurs sur le fado avant et après le 25 Avril. Il a depuis effectué un profond travail sur le fado, ses origines, ses structures musicales». Puis «j’avais conscience que chaque nouvel album ne devait pas seulement être ‘un de plus’, mais marquer une étape, sortir des habitudes, et José Mário m’y a aidé». Elle parle aussi de sa complicité avec Hélder Moutinho – «qui est devenu un peu une sorte de manager musical» -, qui lui a offert un titre de son CD, et avec l’actrice et poétesse Manuela de Freitas, qui signe trois titres de l’album. Elle nous dit aussi sa vision du fado aujourd’hui, consciente ô combien qu’il ne doit pas s’enfermer dans la tradition, mais pas pour cela la renier ou la trahir, que l’un des dangers qui menacent le fado, mais pas seulement lui, c’est l’importance que prend de plus en plus le marketing dans le choix des répertoires. «Le public ne consomme pas du fado, il y adhère ou pas, en toute liberté». Le concert, maintenant. Une première partie est offerte aux guitares. Pedro de Castro, l’un des spécialistes les plus en vue de la guitare portugaise, y montrera sa virtuosité et sa sensibilité accompagné par André Ramos (viola) et Francisco Gaspar (viola baixo), autres musiciens de renom, qui seront, pour accompagner Katia, rejoints par le jeune et prometteur David Ribeiro (guitarra) et le fidèle et débonnaire João Mário Veiga (viola). Après l’entracte, Katia apparaît, robe argentée, avec le prologue de son CD dédié au fado enchaîné avec le fado titre de l’album, «Sempre». Un début de concert maîtrisé, comme toute la suite, qui nous offre une Katia sereine, moins encline que lors de ses précédents concerts à mettre en valeur sa puissance vocale, qu’elle ne rappellera qu’à la fin du spectacle, plus en retenue, en délicatesse, en émotions et, chose un peu nouvelle dans son répertoire comme dans son attitude, teintée de traits d’ironie de belle venue, dans des titres comme «Quem diria» – qu’on peut traduire comme «qui l’eût cru» – histoire drôlatique d’une rencontre improbable – «un peu comme celle que j’ai faite avec l’austère José Mário Branco, moi qui suis plutôt extravertie» -, «Fado Pessoa», aimable caricature du grand poète, ou plus encore «Dia não», «un jour sans», où l’accumulation de catastrophes dans la journée d’une jeune femme finit par devenir comique. Katia prendra d’ailleurs soin, pour le public non lusophone, de raconter en français les épisodes calamiteux de cette journée avant de les interpréter. Présenter en quelques mots en français la plupart des fados du concert sera à ce sujet l’une des nouveautés, fort appéciée, de sa prestation scénique. Il est difficile de distinguer dans ce concert tel ou tel titre tant la qualité vocale, musicale, émotionnelle est constante. A la fin, Katia rendra un double et étourdissant hommage à Lisboa, enchaînant le bien connu «Lisboa antiga» chanté par Amália avec le moins connu «Lisbonne» de Charles Aznavour et, en rappel, un formidable «Amor de mel amor de fel», qui fit se lever un public déjà conquis tel mon voisin, portugais, qui lui lança, d’une voix de stentor «Katia, tu es magique!». Et il eut bien raison.