Le Kristang, une langue qui a ses origines dans le portugais


Ki bos ta fazeh agora ? En langue Kristang, qu’on pourrait traduire par «qu’est-ce que tu fais maintenant ?».

Nous lire ?

Voici la suite : Buonos dies, amigos an Pertual i Francia. Zassiete de Setembre, feliç die de la lhéngua Mirandesa. Um tesouro a divulgar e defender… Ainsi commençait un message que nous avons reçu sur notre portable, de la part de l’ami César Tavares.

Peut-être avez-vous réussi à traduire : «Bonjour, amis portugais et français, dix-sept septembre, heureuse journée de la langue Mirandaise», après quoi, César ajoute : «un trésor à faire connaître et défendre».

Francis Cabrel, grand défenseur des langues régionales, apparaît au générique du documentaire de 52 minutes «Une langue en plus» diffusé tout récemment sur France TV. Le chanteur vient de dévoiler, ce jeudi 18 septembre, un tout nouveau morceau de musique, mélangeant différentes langues régionales intitulé «Un gramme de terre», qui a la particularité de réunir, autour de Francis Cabrel, 9 artistes chantant dans leur langue régionale.

Autant de voix qui font résonner le basque, le breton, l’occitan, le catalan, le créole, le corse, l’alsacien.

LusoJornal vient de commencer à publier les programmes des candidats à la Présidence de la République Portugaise, partie concernant le thème des Communauté portugaise à l’étranger. Le candidat à Belém pour début 2026, Luís Marques Mendes, rappelle avoir été celui qui a permis le lancement de la RTPi dans les années 1990. Dans son programme, il dit vouloir renforcer la culture, la langue et l’enseignement du portugais en dehors du Portugal.

Voilà quelques raisons qui nous ont amené à nous questionner sur quelques particularités de la langue portugaise à l’étranger au niveau historique.

Dans ce domaine nous vient le cas, des Kristang.

Les Kristang sont des lointains descendants portugais vivant surtout autour de Malaka, autrefois portugaise. Ils ont continué de vivre dans la tradition de leurs lointains ancêtres. Ils sont chrétiens et parlent une langue directement issue du Portugais, le créole kristang.

Le nom «Kristang» a ses origines dans le mot portugais «cristão», chrétien. Il est aussi connu sous les noms de «Portugis di Melaka», Portugais de Malaka.

En 1511 les Portugais arrivent à Malaka. Ils vont gouverner la ville pendant 130 ans, jusqu’à l’arrivée des Hollandais en 1641. Malgré les persécutions religieuses, les Portugais d’origine se réfugient dans la jungle, y survivent jusqu’à l’arrivée des Anglais en 1805. Grâce à cette transition, les Portugais sont sortis de leur cachette et se sont réinstallés à Malaka en préservant la culture lusophone qu’on appellera culture Kristang.

Dans les années 1950-60, des missionnaires catholiques partent en direction de la Malaisie, pour y aider les chrétiens à conserver leur foi. Avec eux, ils ont apporté le Vira, qu’ils ont enseigné aux Kristangs.

C’est à ce moment, plus précisément en 1953 qu’un quartier de Malaka a été créé pour les Kristangs.

Le folklore du Minho et son vira ne se pratiquait pas, lorsque les Portugais sont arrivés en Malaisie au XVIe siècle. Depuis, les Kristangs le pratiquent.

Aujourd’hui, bien longtemps après l’arrivée des premiers colons, la Communauté portugaise reste fière de ses coutumes, transmis de père en fils, uniquement par tradition orale, quoique peu nombreux (1.000 à 2.000 personnes), ils conservent avec soin leurs traditions.

Il y a des messes en Kristang, la Saint Jean est dignement célébrée, un festival Kristang est organisé. Les traditions portugaises sont ici vécues sous une version tropicale.

Les Kristangs sont majoritairement catholiques, héritage des colons portugais, la religion catholique y joue un rôle central dans leur culture. Les fêtes religieuses, notamment Noël et la fête de l’Assomption, sont des moments forts, même si des Kristangs ont également intégré des éléments des croyances locales et des traditions malaises dans leurs pratiques religieuses et culturelles, ce qui donne lieu à une forme particulière de syncrétisme.

Ce mélange on le trouve également dans la cuisine : on met du curry dont les beignets, on décore la cuisine avec des azulejos, la cuisine des Kristangs est un mélange fascinant d’influences portugaises et malaises. Des plats comme le devil’s curry (un curry épicé d’influence portugaise) et le sambal (un mélange de piments épicés) sont courants dans leurs repas. Le babi pongteh, un ragoût de porc à base de pâte de soja fermentée et d’épices, est également une spécialité. Les Kristangs ont conservé plusieurs recettes portugaises, mais ont également adapté des plats traditionnels malais à leurs goûts.

Au niveau de la langue, il n’y a pas un système d’écriture standardisé, car c’est une langue majoritairement transmise oralement, passée d’une génération à la suivante. Divers systèmes d’écritures coexistent, utilisés selon les préférences des locuteurs.

En 2010, le kristang est classé dans l’Atlas UNESCO comme une langue «gravement menacée», en danger de disparaître, ne comptant alors que 2.150 interlocuteurs.

En 2016, une entreprise citoyenne qui s’appelle «Kodrah Kristang  (Kristang se réveille), fondée par Kevin Martens Wong, un locuteur natif de cette langue, est créée pour revitaliser la langue Kristang. Dans cette organisation, il enseigne le Kristang aux élèves adultes.

Les jeunes Kristangs, bien que intégrés à la société moderne, commencent à s’intéresser de plus en plus à leur héritage. Des associations culturelles et des artistes locaux tentent de raviver l’intérêt pour le Kristang, notamment à travers la musique, la danse et la cuisine.

Notons que les Kiristangs, quoique à prédominance mixte d’origine portugaise et malaccan, peuvent aussi avoir, dans une plus petite mesure, des héritage néerlandais, britannique, juif, malais, chinois et indien. Basés en Malaisie, on peut en trouver, en minorité, aussi à Singapour.

Le Kristang, avec son mélange unique de portugais et de malais, incarne parfaitement cette idée de fusion culturelle qui enrichit les deux côtés. C’est aussi impressionnant de voir comment une petite communauté comme celle des Kristangs, bien qu’en déclin, continue de garder vivantes ses traditions. La langue, bien qu’oralement transmise, reste un pilier de leur identité et de leur histoire. Le fait que des initiatives comme Kodrah Kristang soient en place pour revitaliser cette langue montre que même une communauté en danger peut se relever grâce à l’engagement et à l’amour pour ses racines.

Si le hasard ou pas, vous fait rencontrer un Kristang, la phrase «Yo amor kung bos» pourrait faire son effet et être pleine de bon sens. Vous aurez déclaré : «je t’aime».