LusoJornal | LSGLe recyclage de bouchons de liège sauve des viesAntónio Marrucho·Comunidade·7 Outubro, 2025 En portugais, le dicton dit : «Grão a grão, enche a galinha o papo», tandis qu’en français, on préfère citer : «Les petits ruisseaux font les grandes rivières». Le mois d’octobre est entamé : des entreprises se mobilisent, des courses, marches, conférences sont organisées dans le cadre de l’«Octobre Rose», campagne annuelle mondiale de communication destinée à sensibiliser les femmes au dépistage du cancer du sein et à récolter des fonds pour la recherche. Le symbole de cet événement est le ruban rose. Son équivalent anglo-saxon est le National Breast Cancer Awareness Month. En 2023 on a détecté en France 433.000 nouveaux cancers : le plus fréquent chez l’homme, le cancer de la prostate, 59.885 cas (au Portugal entre 5 à 6 mille), chez la femme le fréquent reste le celui du sein, 61.214 cas (5 mille au Portugal). À titre indicatif qu’à la fin 2024 la population de la France était de 68,52 millions d’habitants, le Portugal de 10,7 millions, l’espérance de vie à la naissance étant en France de 83,1 ans et au Portugal de 82,4 ans. Le cancer est la première cause de mortalité prématurée en France, devant les maladies cardiovasculaires. En 2023, on estime que 3,8 millions de personnes vivent en France avec un diagnostic de cancer. 245.610 chez l’homme et 187.526 chez la femme. Dans le monde, le cancer constitue la deuxième cause de décès avec près de 10 millions de morts par an. Pourquoi ne pas se lancer un défi ? Un défi, alliant les petits ruisseaux qui font de grandes rivières par le biais d’associations qui travaillent, recueillent des dons en faveur de la recherche et accompagnement de personnes souffrant de cancers en donnant une nouvelle vie aux bouchons en liège : en récoltant, en gardant, puis en les transmettant à des ces associations ? Plusieurs d’entre elles réalisent en France, un travail magnifique depuis une vingtaine d’années, appuyés par un réseau de collecteurs de bouchons dans tout l’hexagone. Fait partie de ce réseau, notamment, l’association France Cancer (voir ICI). Les bouchons sont récupérés auprès des restaurateurs, des particuliers et des commerçants qui soutiennent l’action. Une fois récupérés, les bouchons sont stockés, triés, pesés et mis en palettes. Le poids moyen d’un bouchon étant d’environ 4 grs, il faut donc 250.000 bouchons pour obtenir 1 tonne, ce qui représente environ 3 palettes de 1m80 de haut. Ces bouchons sont ensuite enlevés et transportés par le liégeur ou le recycleur à qui ils sont vendus. Broyés, les bouchons entament une seconde vie, étant transformés en poudre, rouleaux, blocs qui eux-mêmes deviendront : des panneaux d’isolation phonique et thermique, des revêtements de sols et de murs, du mobilier, du matériel d’hôtellerie, des semelles de chaussures, et bien d’autres choses encore. Sur les marchés, dans des magasins au Portugal, vous ne couperez pas à l’envie d’acheter : objets de décoration, bijoux, carte postale, portefeuille, souvenirs… en liège. Chez France Cancer, dont le slogan est «poussons le bouchon encore plus loin», s’appuie sur des responsables bénévoles au niveau régional ainsi que sur de nombreux lieux de collectes au niveau local (lire ICI). À titre d’exemple citons Paris qui avec ses 21 points de collecte, autant qu’à Dunkerque, Lille en possède 4. L’intégralité de la vente des bouchons récupérés est reversée aux unités de recherche sur le cancer. Recueillir, recycler des bouchons en liège est à la fois un acte de générosité et un acte de protection de la nature. Chaque tonne de liège récolté capte 73 tonnes de CO2, chaque chêne-liège exploité capte deux fois plus de C02 que n’importe quel autre arbre. La subéraie portugaise absorbe ainsi, 4,8 millions de tonnes de CO2 par an. Par ailleurs, la subéraie mondiale abrite un écosystème spécifique et de nombreuses espèces en voie de disparition : 117 espèces animales et végétales trouvent refuge dans le chêne-liège, lequel a une durée de vie de 200 ans, la récolte du liège ayant lieu tous les 9 ans. . Quelques données chiffrées : En France, on consomme 2,5 milliards de bouteilles de vin par an, soit 36 bouteilles par habitant/an, la très grosse majorité étant refermées par des bouchons en liège. 69% de la production de liège se destine à l’industrie vinicole, suivie à 14% par l’industrie du bâtiment. La production mondiale de vin atteint actuellement les 27 milliards de litres. 30% de ce vin est vendu sous forme de Bag-in-Box et Tetra-Pak, autrement dit, restent 20 milliards de bouteilles à refermer avec des bouchons, dont la très grosse majorité est en liège. Après une légère crise, suite à une expérimentation dans les années 2010, on a délaissé les bouchons en plastique ou matériau composite, on est revenu vers les bouchons en liège qui sont aujourd’hui très largement dominant, prépondérant, signe également de la qualité du produit à consommer. Impressionnant : chaque seconde 10 kilos de bouchons en liège sont produits dans le monde. 300.000 tonnes de liège sont récoltées par an à partir de l’écorce des chênes-lièges. Le chêne-liège pousse essentiellement dans les pays méditerranéens, 1,3 millions d’hectares sur 2,3 millions au niveau mondial. Portugal, premier producteur, totalise à lui seul, 50% du liège planétaire avec environ 32% de la surface mondiale, soit 730.000 hectares, cela représente 23% de la forêt portugaise. Par ordre de production, après le Portugal on trouve: l’Espagne, l’Algérie, le Maroc, l’Italie, la France et la Tunisie. L’exploitation de la subéraie portugaise est certifiée par un écolabel Forest Stewardship Council, un parfait exemple d’équilibre entre un lieu naturel préservé et le développement d’activités humaines contrôlées et respectueuses de l’environnement. Le liège est le produit portugais le plus demandé au niveau international : l’industrie du liège exporte 90% de sa production vers 133 pays, 800 entreprises travaillant liège, soit environ 8.500 emplois directs. L’année 2023, pour le Portugal, a été celle du record, le liège comptant pour 1,232 milliards d’euros au niveau exportations, plus 2% qu’en 2022. En 2024 on a constaté un ralentissement des exportations avec un recul de 5%, venant essentiellement de la baisse d’importations françaises, l’année 2024 ayant été impactée par une baisse de production vinicole. Notons, qu’à la suite des accords entre UE et les États Unis, le liège n’a pas vu sa fiscalité douanière augmenter en 2025. C’est en France, premier producteur mondial de vin, que se situent les principaux acheteurs de liège portugais. L’Espagne, les États-Unis, l’Italie et l’Allemagne complètent le top 5 des destinations des usines nationales. À une semaine des élections municipales, le liège devient un enjeu électoral à Portalegre, Alto Alentejo, le candidat socialiste, s’il est élu, dit avoir l’intention de créer le Musée national du liège, dans l’ancien bâtiment de l’usine Robinson, une unité qui transformait le liège, alors que le cinquième musée World of Wine (WoW), a été inauguré il y a bien peu, le 8 août 2020 au cœur du nouveau quartier culturel, proche de l’historique Vila Nova de Gaia avec ses chais du Porto. Planet Cork a été conçu et construit en collaboration avec Corticeira Amorim. Cette entreprise familiale est leader mondial dans la transformation du liège, fournissant environ six milliards de bouchons par an. Fêtant en 2025, ses 155 ans, son siège est installé à Mozelos, village de la commune de Santa Maria da Feira, à une trentaine de kilomètres au sud de Porto. En tant que leader mondial dans la transformation du liège, Corticeira Amorim, soucieux de l’environnement, voulant projeter l’avenir et son propre modèle économique s’adapte en donnant l’exemple de collaborant avec plusieurs organisations tout en multipliant les partenariats dans le monde pour donner une seconde vie au liège. Recycler le liège est un acte écologique fort. Chaque tonne de liège récoltée permet de capturer 73 tonnes de CO₂. Le chêne-liège, exploité durablement, capte deux fois plus de CO₂ que n’importe quel autre arbre. La subéraie portugaise, immense forêt de chênes-lièges, absorbe chaque année 4,8 millions de tonnes de CO₂. Le chêne-liège, a une action environnementale et économique importante, toutefois elle est en danger. Il y a le risque du feu, le profit immédiat et peut-être aussi le manque de concurrence au niveau acheteur. Les énormes feux au Portugal détruisent ici et là des chêne-liège, les remplacer par la même espèce constitue un acte de courage, de préservation de l’avenir planétaire, ainsi économique des générations familiales à venir. Le gain immédiat, incite à remplacer le chêne-liège par l’eucalyptus qui pousse très vite mais qui est destructeur de bonnes terres et grand consommateur d’eaux souterraines. À ces deux dangers, s’ajoute un troisième : aux dires d’exploitants, le prix d’achat du liège brut a fortement diminué, le monopole par un groupe n’arrange pas les choses. Que deviendra le travail humain, artisanal de la récolte du liège ? On commence à manquer de bras et de savoir. La France, grâce au projet Ecobouchon Amorim, est le champion mondial de la collecte sélective pour le recyclage du liège, en collaboration avec Corticeira Amorim, lancé il y a 15 ans et porté par le fort dynamisme des associations locales. Dans ce contexte, sur le marché français, il a déjà été possible de collecter et de recycler 517 millions de bouchons en liège, soit l’équivalent de plus de deux mille tonnes de liège. Grâce à ce programme, à ce jour, plus de 600 mille euros ont été reversés pour la recherche à 50 associations à forte composante de responsabilité sociale, en soutenant diverses institutions caritatives, telle par exemple Agir Cancer Gironde. Le 6 septembre 2023, Sogrape et Amorim Cork ont annoncé une campagne conjointe de sensibilisation au recyclage des bouchons de liège, visant à toucher environ 200 points de vente au Portugal continental et à Madère. Cela comprendra également un espace d’activation dans une quarantaine de magasins où les consommateurs pourront déposer leurs bouchons, qui seront ensuite envoyés à Amorim Cork pour y être recyclés. Portugal Green Cork, mis en œuvre en 2008 par l’association environnementale Quercus, développe avec Corticeira Amorim et plusieurs autres partenaires la collecte de bouchons de liège, finançant, par ce biais, la plantation d’arbres indigènes. Grâce à ce programme, environ 8,4 millions de bouchons en liège ont été collectés ce qui a permis de planter environ 11.500 arbres. Il s’agit d’un véritable projet d’économie circulaire au service de la nature qui, non seulement prolonge le cycle de vie du liège, mais contribue également à la préservation des forêts portugaises. N’abusons pas de ce produit dont Bacchus est le Dieu, toutefois en ce mois d’octobre, «Octobre Rose», adoptons le réflexe de garder nos bouchons en liège. En les recyclant, nous soutenons la recherche, les associations, les malades… la planète nous dira, elle aussi.