«Les gens pensent qu’on ne peut pas écrire quand on est schizophrène…» dit l’écrivain Eric da Fonseca

Son nom est Eric Martins da Fonseca. Ce franco-portugais de 56 ans, est né à Pau, dans le sud de la France, et vit aujourd’hui près d’Aurillac, dans le Cantal (Auvergne). Diagnostiqué schizophrène à l’adolescence, il est sculpteur, musicien, fait de la photographie artistique, et a déjà écrit 10 livres, et langue française. Dans la région, il est très connu et respecté. LusoJornal a voulu en savoir plus.

 

Vous avez déjà écrit dix livres, et vous travaillez actuellement sur un autre. Depuis combien de temps écrivez-vous?

J’écris depuis l’âge de 18 ans. Avant, j’écrivais aussi, mais pas vraiment. J’écrivais des poèmes, des petits textes, ce qui me venait, sur la vie, la mort et l’art en particulier. Après il m’est arrivé quelque chose d’assez grave, c’est que je suis schizophrène. Et j’ai voulu mettre par écrit mon expérience, mon témoignage de schizophrène. Mon premier livre parle de mon expérience: “Décor de l’envers”. Les gens pensent qu’on ne peut pas écrire quand on est schizophrène… J’ai aussi écrit une pièce de théâtre. Il y a quelques temps, je travaillais avais une écrivaine, et j’ai décidé d’écrire sur les femmes. C’est une œuvre au féminin.

 

Avez-vous vraiment été diagnostiqué schizophrène? Vous suivez un traitement?

Oui, oui. Je suis sous traitement. Parfois j’entendais des voix. J’avais des délires. Je vivais deux réalités au même temps. Maintenant, ça va beaucoup mieux. Vous connaissez André Malraux? Il était schizophrène…

 

Quand est-ce que ça a été diagnostiqué?

Quand j’avais 22 ou 23 ans.

 

Votre scolarité a été normale?

Oui, oui. Tout s’est bien passé jusqu’en seconde. Je devais avoir 14 ans. Là, ça a commencé à être très dur pour moi. En fait, un ou deux ans avant, un ami à moi est décédé, et à partir de là j’ai choisi de tout «négativiser». Il y a eu la drogue… Je me suis dit que, puisqu’on peut mourir si facilement, et qu’il n’y a rien après, pourquoi je me ferais chier? Après je n’ai fait que des conneries!

 

Revenons à l’écriture, si vous voulez bien. Vos livres s’intitulent «Décor de l’envers», «Équivoques d’un parallélisme», «Agonie verbale» ou encore «Éloge Saint-Cirgues de Jordanne»… Les titres de vos livres sont un peu «hermétiques», codifiés…

On me l’a déjà dit. Dans les Salons du Livre, au cours des séances de dédicaces, les personnes me disent ça. Il y a déjà eu des personnes qui m’ont dit que le titre du livre ne leur parle pas du tout, et je suis obligé de leur expliquer ce qu’il y a dedans. Mais il faut dire que les titres sont peut-être un peu «hermétiques», mais pas mon écriture.

 

En tout cas, presque tous les titres de vos œuvres sont un peu mystérieux: «Au seuil du mot, l’heure s’invite» ou alors «Au néant gracieux»…

Oui, c’est vrai. J’ai cherché à me démarquer un peu. Je n’écris pas, par exemple, «Ma vie à St. Cyrgues», mais plutôt «L’éloge de Saint-Cirgues de Jordanne». Je ne parle pas de ma vie à St. Cyrgues, je fais l’éloge du village, des choses du village, des gens, comme dans un journal.

 

Vous écrivez en français, mais vous êtes d’origine portugaise. Pourquoi?

Parce que c’est ma langue maternelle! Je ne parle pas portugais. Mon père est né à Nelas, au Portugal, et ma mère est née à Pau. Ils se sont rencontrés au Portugal, pendant les vacances. Et moi, je suis né à Pau. Je suis donc fils de père portugais, et de mère française.

 

En plus de l’écriture, vous faites de la musique, n’est-ce pas?

Ça fait longtemps que je n’ai pas fait de musique, en fait. Parce que je n’en ai plus envie. Je joue de la musique pour moi, pas pour en faire un métier.

 

Et vous faites de sculptures aussi et de la photo artistique. Vous touchez à plusieurs domaines artistiques…

J’ai fait beaucoup de sculptures, quand j’avais entre 20 et 30 ans. J’ai exposé un peu, mais pas beaucoup. En fait, j’avais des délires et quand j’étais comme ça, je passais douze ou treize heures dans l’atelier. Un soir, j’ai voulu partir de la maison et j’ai tout mis dans la rue et j’ai tout perdu, en fait.

 

Est-ce qu’il y a un service de santé qui s’occupe de vous, pour vous donner les moyens de vous épanouir?

Non. Mais, par contre, j’écris chez moi, ma compagne écrit aussi, et on a fait un livre à deux, dernièrement. En fait, j’ai aussi un éditeur [ndr: Eivlys Edition] qui est très sympa, qui me propose des Salons, des séances de dédicaces.

 

Comment vous êtes-vous rencontrés?

En fait, je l’ai rencontré il y a quatre ans, dans un Salon et on a discuté et voilà… Par contre, mon rayon d’action est régional. Après, quand c’est très loin, moi, en voiture, je ne peux pas…

 

Pensez-vous que cette interview peut vous apporter quelque chose de nouveau?

Je n’en sais pas du tout (rires). Si ça peut déboucher sur le Portugal, si quelqu’un est intéressé, ça serait bien.

 

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LusoJornal