Lettre de la Députée Nathalie de Oliveira au Ministre français de l’éducation Gabriel Attal

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La Députée Nathalie de Oliveira a écrit hier une lettre au Ministre français de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse, Gabriel Attal sur la situation de l’enseignement de la langue portugaise en France.
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Monsieur le Ministre,

Monsieur Gabriel Attal,

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Députée des Portugais de la Circonscription de l’Europe, élue le 23 mars 2022, j’ai l’honneur de représenter plusieurs millions de personnes au Parlement portugais.

Depuis près d’an et demi, lors de mes nombreux déplacements partout en Europe mais essentiellement en France, la revendication la plus forte et la plus déterminée reste celle de l’accès à l’enseignement de la langue portugaise, bien après la question de la qualité du réseau consulaire ou des droits civique et politique.

Reprenant les mots d’une pétition qui a recueilli plus de sept mille signataires dont la mienne, je porte à votre connaissance le combat de parents, enseignants, élèves du primaire et du secondaire, étudiants, associations franco-portugaises, lusophones, artistes et personnalités, ayant déploré les moyens insuffisants et toujours plus réduits accordés à l’enseignement du portugais le condamnant à une disparition prochaine alors même que se déroulait la Saison culturelle historique France-Portugal.

Alors que le nombre d’élèves apprenant la langue portugaise ne cessait d’augmenter de manière constante ces 20 dernières années, avec un taux d’évolution de 147% entre la rentrée 1998 et 2018 (archives statistiques DEPP) et ce, malgré la suppression incessante de postes de portugais et d’établissements proposant son enseignement, la réforme Blanquer a étouffé sa croissance et ses effets néfastes se sont immédiatement ressentis dès 2019.

Alors que le Délégué général à la langue française et aux langues de France, M. Xavier North, préconisait déjà en 2014, une meilleure visibilité de ces langues dans l’enseignement et une information des familles sur l’atout qu’elles représentent, le manque de moyens et de volonté la rendent invisibles.

La langue portugaise est si rarement enseignée, qu’elle n’est pas demandée spontanément par les parents d’élèves qui ne se doutent même pas que son étude soit possible dans le système éducatif français. Nous dénonçons, ici, une pratique courante consistant à ne pas diffuser d’informations, de façon à ce qu’il n’y ait pas de demandes de la part des parents, puis à justifier la non-ouverture de cet enseignement par l’absence de demandes.

Premiers Européens à tisser des liens entre les continents asiatique, africain et américain, les Portugais ont ainsi répandu la langue portugaise aux quatre coins du globe en la hissant au rang des langues les plus parlées au monde : presque 300 millions de locuteurs. Pourtant, cette langue internationale est désignée dans le système éducatif français comme «langue rare» ou «à petits flux» : insensé !

En 2019, l’ADEPBA (Association pour le Développement des Études Portugaises, Brésiliennes, d’Afrique et d’Asie lusophones) a dénoncé les mesures qui bridaient l’enseignement du portugais. Suite à la pétition qui a rassemblé des milliers de signatures, une expérimentation pour enseigner le portugais en LLCE a été mise en œuvre dans 4 académies (Guyane, Créteil, Paris, Versailles). La Députée de la majorité parlementaire, Samantha Cazabonne, avait annoncé sur Twitter, au lendemain du 13/06/2019, les mesures prises pour réduire l’impact initial de la réforme du BAC sur l’enseignement du portugais, soit la possibilité de permuter les LVA, LBV et LVC.

Pourtant, aucune directive n’a été envoyée dans les établissements pour mettre en œuvre cette maigre promesse. De plus, la LVC facultative, malgré une revalorisation des coefficients, représente encore trop peu de poids dans la note finale au BAC. Le bénéfice étant minime, les élèves sont découragés puisque, de surcroît, ils sont contraints de suivre les cours de langue portugaise à des horaires tardifs ou le mercredi après-midi.

L’enseignement du portugais se concentre en région parisienne tandis que la «province» est privée de la possibilité d’apprendre cette langue internationale, creusant ainsi un fossé entre la capitale et la périphérie. Pourtant la langue portugaise est une langue de communication internationale à forte expansion géographique qui véhicule une immense diversité culturelle.

Dans le cadre de la «Saison» France-Portugal, le Président Emmanuel Macron, et le Premier Ministre portugais, M. António Costa, ont célébré les liens profonds et amicaux qui unissent les deux pays, des liens pétris par l’Histoire, la proximité géographique, intellectuelle et les migrations. Pourtant, la réforme Blanquer ainsi que les conséquences d’une politique linguistique peu favorable à la diversité en font une lingua non grata dans le système éducatif français et ont fini par ternir les festivités.

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La langue portugaise: língua non grata ?

Afin de pallier cette situation, avec les milliers d’autres signataires, je demande :

– l’intégration de l’EILE (enseignement international en langue étrangère) à l’emploi du temps en primaire car étudier le portugais ne concerne pas seulement les lusodescendants ;

– la continuité de l’enseignement entre le primaire et le collège au mieux, dans des sections bilangues ou en LV2 ;

– la réouverture des Sections bilangues fermées ;

– dans le secondaire, un nombre d’heures de cours (Dotation Globale Horaire) suffisant pour qu’il n’y ait pas de rivalités entre les différentes options et que les collègues ne craignent pas ni ne s’opposent à l’ouverture du portugais ;

– l’attribution d’heures (Dotation Globale Horaire) pour les sections européennes ;

– une répartition géographique équilibrée de l’offre de l’enseignement du portugais (en LVA, LVB et LVC), soit un pôle d’enseignement par département (continuité des enseignements du primaire au supérieur en passant par le secondaire) car cela permettra de créer un vivier qui alimentera la spécialité LLCE portugais (Langues Littératures et Cultures Etrangères) réduite, à ce jour, à une expérimentation qui est pourtant concluante ;

– l’accord de dérogations aux élèves hors secteur qui veulent s’inscrire dans un établissement qui propose le portugais ;

– que la spécialité Langues Littératures et Cultures Etrangères (LLCE) propose l’étude de deux langues à égalité, pour éviter le «tout anglais» ;

– que la LVC soit revalorisée et non mise en concurrence avec d’autres options comme maths complémentaires, maths expertes ;

– l’ouverture de la LV2 portugais dans l’enseignement professionnel et technologique et pour une continuité dans le supérieur, une offre équivalente en BTS ;

– l’ouverture de Sections européennes de portugais dans l’enseignement professionnel ;

– une répartition plus homogène des Sections Internationales (depuis la primaire jusqu’au lycée) sur tout le territoire afin d’assurer l’égalité républicaine : les SI permettent d’intégrer plus facilement les classes prépa et Sciences Po.

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En ce qui concerne l’enseignement supérieur, l’ouverture des licences en LLCE et LEA de portugais qui ont été supprimées. Nous demandons à ce que :

– la certification en langue ne soit pas exclusivement restreinte à l’anglais mais soit ouverte à toutes les langues ;

– la promotion de la certification proposée par le Ministère, le CLES, car actuellement négligée au profit de certifications privées ;

– la possibilité de choisir la langue vivante portugaise par tous les étudiants de toutes les formations ;

– la création de plus de postes aux concours du CAPES et de l’Agrégation externes car même si le CAPES et l’agrégation internes titularisent des enseignants contractuels en grande précarité, cela n’augmente pas le nombre de professeurs de portugais sur le terrain. Les 223 enseignants de portugais dans l’enseignement secondaire sont largement insuffisants et bien que dévoués, leur nombre fait pâle figure vis-à-vis des 1.513 enseignants de Français au Portugal ;

– la possibilité de choisir la langue portugaise au concours des professeurs des écoles.

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Enfin, nous demandons à ce qu’une campagne d’information générale sur la langue portugaise, les débouchés qu’elle offre et une liste à jour des établissements qui en offre l’étude soit diffusée au plus grand nombre et le plus largement possible.

Enfin, invitée à participer à l’Assemblée Générale de l’ADEPBA, le 3 juin 2023 et aux 50 ans de ce noble combat au nom de la langue de Camões, j’apprends que votre prédécesseur n’a pas reçu les dirigeants de l’ADEBPA et je le déplore.

Ainsi, je demande à ce que nous soyons reçus, les dirigeants de l’ADEBPA et moi-même afin de poursuivre dans le sens de l’engagement pris par Madame La Première Ministre, Madame Elisabeth Borne et Monsieur le Premier Ministre, Monsieur António Costa, lors de la 6ème rencontre de haut niveau France-Portugal le 28 juin dernier.

Dans l’attente de vous lire et de vous rencontrer, veuillez agréer, Monsieur le Ministre de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse, Monsieur Gabriel Attal, l’expression de ma considération la plus haute.

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Nathalie De Oliveira

Députée des Portugais de l’Europe

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