Martha Peciña (Nouveau Front Populaire) se présente pour la 5ème circonscription des Français de l’étranger

Élection du Député de la 5ème circonscription des Français de l’étranger (qui regroupe notamment le Portugal, l’Espagne, Andorre et Monaco) : 16 candidats sont en lice pour ce scrutin partiel. Le premier tour aura lieu le 28 septembre et le second tour, le 12 octobre.

Cette nouvelle élection intervient après l’invalidation par le Conseil constitutionnel de l’élection de Stéphane Vojetta, en raison d’irrégularités dans ses comptes de campagne.

C’est dans ce contexte que Martha Peciña présente son parcours, son engagement politique, ses priorités pour la circonscription et ses attentes pour ce scrutin au LusoJornal.

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Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis franco-basque-espagnole. Je suis née et j’ai grandi en banlieue parisienne, d’un père basque-espagnol originaire de Vitoria. Après des études en sociologie et en histoire, j’ai réalisé un master de recherche sur la place des femmes dans les mouvements sociaux en Amérique latine, ce qui m’a amenée à vivre un temps à Cuba. J’ai ensuite complété ce parcours par un master en coopération internationale. Ma première expérience professionnelle a été comme volontaire internationale au Consulat de France à Miami, au service de presse. Par la suite, j’ai travaillé comme journaliste, puis comme responsable presse et communication au Consulat général de France à New York, où j’ai également exercé un mandat de représentante du personnel. Ces expériences m’ont permis de mesurer à la fois les difficultés rencontrées par les Français de l’étranger et l’impact des coupes budgétaires sur le fonctionnement de nos services consulaires.

En 2021, j’ai choisi de revenir en Europe et de m’installer à Bilbao, où je vis depuis près de cinq ans, dans cette circonscription où vit une partie de ma famille. Aujourd’hui, je suis entrepreneure, directrice associée d’une société de conseil et de formation qui accompagne collectivités, associations et entreprises dans la mise en place de politiques d’égalité femmes-hommes et dans la prévention des violences sexistes et sexuelles. La justice sociale et le féminisme sont un fil rouge de mon parcours, depuis mes études jusqu’à mes engagements professionnels.

Vivre dans la circonscription m’a aussi permis de constater à quel point certains pays, comme l’Espagne ou le Portugal, ont pris de l’avance sur des politiques publiques qui concernent directement la vie des familles, par exemple l’allongement du congé maternité ou les mesures de prévention contre les violences conjugales. Être Députée des Français de l’étranger, c’est justement avoir cette chance d’apporter à l’Assemblée nationale des expériences et des pratiques venues de nos pays de résidence, pour inspirer des avancées en France.

C’est à partir de ce double ancrage – mon parcours personnel et professionnel, et ma vie quotidienne au sein de la circonscription – que je souhaite représenter les Françaises et les Français du Portugal, d’Espagne, d’Andorre et de Monaco.

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Quel est le nom de votre suppléant et quel est son parcours ?

Mon suppléant s’appelle Sébastien Bianco. Comme moi, il est binational : il a grandi à Paris de parents originaires des Asturies et vit à Madrid depuis plus de 15 ans. Il est recruté local au service social du Consulat de France à Madrid, où il accompagne les Français et Françaises confrontés à des difficultés sociales. Dans ce rôle, il constate directement l’impact des baisses budgétaires du Ministère des Affaires étrangères sur les bénéficiaires, et comment l’État fait de plus en plus appel aux associations caritatives, comme l’Entraide à Madrid, qui voient, elles aussi, leurs budgets diminuer.

En parallèle, Sébastien est militant syndical depuis de nombreuses années, tant côté espagnol que côté français. Il est expert des questions de droit du travail et connaît parfaitement les effets des réductions budgétaires sur les agents et agentes des institutions françaises à l’étranger, qu’il s’agisse des Consulats, des instituts français ou des Alliances françaises. Son expérience et son engagement en font un partenaire précieux pour représenter et défendre nos compatriotes.

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Avez-vous un lien avec le Portugal ?

Je n’ai pas de lien familial particulier avec le Portugal, mais j’ai un lien amical et culturel, car c’est un pays très proche de l’Espagne. Ayant grandi à Paris, j’ai côtoyé de nombreux camarades franco-portugais, et j’ai ainsi pu me familiariser avec l’histoire politique et sociale du Portugal. De façon générale, beaucoup de Français ayant grandi dans de grandes villes comme Paris ont un lien avec le Portugal, grâce à la présence d’une communauté franco-portugaise importante et à la proximité culturelle et historique avec ce pays.

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Sous quelle forme vous présentez-vous à cette élection et bénéficiez-vous d’un soutien particulier ?

Je suis la candidate qui porte le programme du Nouveau Front Populaire. J’ai été investie par les écologistes, La France Insoumise et Génération, mais aussi par le mouvement citoyen Agis Ensemble, présent dans toute la circonscription – en Espagne, au Portugal, à Andorre et à Monaco. Ce mouvement regroupe des représentants de partis politiques mais aussi des personnes issues du milieu associatif, engagées sur l’écologie, le féminisme ou le droit du travail.

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Quelle est votre réaction à la décision du Conseil constitutionnel d’invalider l’élection de Stéphane Vojetta suite à des irrégularités dans ses comptes de campagne ?

Mon opinion sur l’invalidation de l’élection de Stéphane Vojetta est que ce n’est pas réjouissant. Organiser de nouvelles élections dans le contexte actuel, où nous sommes sous la menace d’une dissolution à tout moment, est lourd pour le personnel et coûteux pour l’État. L’année dernière, la dissolution décidée par le Président après le score du RN aux européennes avait mis le pays dans une situation très risquée, et nous avons dû résister grâce à l’union de la gauche. Mais même si le Nouveau Front Populaire avait remporté l’élection, le Président Macron a nommé, depuis, plusieurs Premiers Ministres très proches de lui, qui incluent des responsables politiques de droite et parfois inspirés par le Rassemblement National, ce qui contribue à l’instabilité politique actuelle.

Je ne me réjouis donc pas que l’on doive organiser de nouvelles élections, car cela fatigue les équipes et représente un coût important. Mais je pense aussi que Stéphane Vojetta, qui a été un Député fidèle à Emmanuel Macron et à Renaissance, a voté toutes les lois, ne s’est pas placé dans l’intérêt des Français de l’étranger. Il a soutenu des textes comme la loi sur l’immigration, qui stigmatise les binationaux et certaines familles, et des lois climato-sceptiques alors que notre circonscription – Espagne et Portugal – est très exposée au réchauffement climatique et aux incendies. Pour moi, un Député des Français de l’étranger devrait plutôt se concentrer sur des mesures ambitieuses pour la transition écologique, l’aide d’urgence et les énergies renouvelables.

Concernant l’invalidation de son élection, la gestion des comptes de campagne est très complexe. Stéphane Vojetta lui-même a reconnu que l’ouverture des comptes est difficile et a remercié la France Insoumise d’avoir proposé une loi pour la faciliter. Je pense aussi aux équipes qui ont été affectées du jour au lendemain.

Enfin, sur la décision du Conseil constitutionnel, je n’ai pas d’avis à donner. Il faut respecter l’indépendance de cette institution et son rôle dans le contrôle démocratique des élections.

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Quelles sont vos priorités et les idées principales que vous souhaitez défendre pour les Français de la 5ᵉ circonscription de l’étranger ?

Mes priorités pour les Français de la 5ᵉ circonscription de l’étranger se concentrent sur trois grands axes.

Le premier axe est la défense des services publics de proximité. Il est indispensable de se battre pour le budget du Ministère de l’Intérieur afin que certains Consulats, aujourd’hui devenus des Consulats d’influence comme Bilbao ou Séville, retrouvent leurs compétences administratives. Aujourd’hui, certaines démarches essentielles – déclarations de naissance, actes de mariage, ou d’autres formalités – ne peuvent être réalisées que dans des grandes villes comme Lisboa ou Madrid, alors qu’elles devraient pouvoir être traitées localement dans tous les Consulats.

Le deuxième axe concerne les instituts français et l’enseignement. Porto, par exemple, n’a plus d’institut français, alors que ces institutions sont essentielles pour faire vivre le dialogue culturel et le rayonnement de la France. Il est important que le nord de l’Espagne et du Portugal puisse bénéficier de structures similaires, et pas seulement d’Alliances françaises. Quant à l’AEFE, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, son budget stagne depuis dix ans malgré l’augmentation du nombre de bénéficiaires et l’inflation. Cela empêche de nombreuses familles de la classe moyenne d’accéder aux lycées français, alors même que la mission première de ces établissements est d’offrir une éducation de qualité, inclusive et prioritairement accessible aux Français. Les critères d’attribution des bourses sont trop restreints et les délais trop longs, jusqu’à six mois, ce qui complique énormément la vie des familles.

Le troisième axe porte sur le soutien aux Françaises de l’étranger. Les femmes sont souvent les premières touchées par la précarité. Dans les associations que j’ai rencontrées au Portugal et en Espagne, 80% des bénéficiaires sont des femmes françaises ou des mères d’enfants français. Dans la plupart des mobilités internationales, ce sont les hommes qui suivent des opportunités professionnelles, tandis que les femmes accompagnent le foyer et interrompent souvent leur carrière. En cas de séparation, elles se retrouvent isolées, sans réseau ni famille locale pour les soutenir, ce qui entraîne une précarité et un isolement importants, accentués pour les femmes victimes de violences conjugales.

Ces trois priorités – services publics de proximité, instituts et éducation, soutien aux femmes et aux personnes en situation de précarité – constituent le cœur de mon action pour défendre les Français de la 5ᵉ circonscription de l’étranger.

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En quelques mots, pouvez-vous nous donner votre opinion sur la situation politique en France ?

La situation politique en France est catastrophique. On assiste à ce que je considère comme un déni démocratique, qui a commencé même avant les élections législatives de l’année dernière. La réforme des retraites a suscité une mobilisation sans précédent pendant deux ans, avec une très large majorité des Français et Françaises en désaccord, et pourtant le Président Macron n’a reculé sur rien. Le Premier ministre nommé à l’époque, François Bayrou, devait incarner un compromis et discuter autour d’un conclave sur la réforme, mais ce conclave n’a rien apporté et il n’y a eu aucun retour en arrière.

Ensuite, face à l’échec de Bayrou et à sa présentation budgétaire catastrophique, le Président n’a pas nommé de personnalité de gauche alors que la gauche avait remporté les élections l’année précédente. À la place, Sébastien Lecornu, un fidèle macroniste, a été choisi. Il avait tenu par le passé des propos très problématiques envers la communauté homosexuelle, déclarant : «Le communautarisme gay m’exaspère autant que l’homophobie. Le mariage est dans nos sociétés la base de la construction de la famille. Et une famille se construit entre un homme et une femme». Il aurait été possible de nommer quelqu’un d’autre pour apaiser le climat politique, mais la décision reflète selon moi le maintien de la même politique depuis huit ans.

Cette situation est préoccupante : le Président reste dans sa «tour d’ivoire» et continue à appliquer les mêmes mesures, et il pourrait changer de Premier Ministre demain ou dans un mois, sans que cela ne modifie la politique générale. Par ailleurs, il y a une stigmatisation des manifestants, où les médias mettent en avant quelques incidents comme des poubelles brûlées, tout en passant sous silence les violences commises par les forces de l’ordre. Le déploiement disproportionné des forces de l’ordre et l’atteinte aux droits de grève et de manifestation posent un problème sérieux pour notre démocratie.

Je crois que c’est normal que le peuple français manifeste dans ces conditions, et que la situation politique actuelle reste extrêmement préoccupante pour la démocratie en France.