Note d’écoute du Best Of de Mariza

Voici un Best Of qui a une utilité: ses concepteurs ont fait œuvre pédagogique. Je m’explique: très souvent ces disques, également appelés compilation ou anthologie, constituent des empilements de morceaux, majoritairement connus, regroupés à des fins commerciales. Dans le cas présent, l’aspect commercial est, certes, la première raison de cette parution, mais il y a une démarche raisonnée et cohérente de faire découvrir Mariza.

Tout est dans le livret intérieur. 17 morceaux sont reliés au CD sur lequel ils sont initialement parus. Avec la photo de couverture du CD, les renseignements techniques (année, producteur, studio et autres) et la liste des musiciens. En l’occurrence 5 CD. Il s’agit de «Fado em Mim» (2001), «Fado Curvo» (2003), «Transparente» (2005), «Terra» (2008) et «Fado Tradicional» (2010).

Cette façon de procéder, donne envie d’écouter ces CD pour qui ne les connait pas. S’y ajoutent 3 titres inédits en album dont une placée en reprise en fin de disque («O tempo não para).

Ainsi, dans ce CD de 21 titres, nous retrouvons de superbes morceaux tels que «Loucura» (Folie) qui augure bien de l’ambiance tonique du disque, même si le rythme est medium et le chant tout en retenue. S’ensuit «Chuva» (Pluie), lente ballade mélancolique dont le rythme s’accélère en deuxième partie de couplet. Puis surgit la première perle du disque, «É ou não é», chanson écrite et composée par Alberto Janes, pour Amáli Rodrigues et que Mariza restitue magistralement avec le renfort de percussions. Une réussite faisant partie des inédits. J’aime bien aussi sa version dynamique de «Maria Lisboa», autre chanson d’Amáli (musique composée par Alain Oulman, l’un des fidèles compositeurs d’Amália).

Une autre réussite est «Há palavras que nos beijam», lente ballade, dont l’accompagnement de cordes et d’instruments à vent, fait penser à une musique de film. L’interprétation est parfaite, tant sur la douceur de la voix que sur l’amplitude contrôlée de son volume. (Gisela João vient d’en faire une puissante reprise dans «Nua», son deuxième CD, paru en 2016).

Suit la vive chanson «Rosa Branca» à laquelle l’ajout du cajon et du tambourin renforce le côté rythmique et dansant de la chanson. Dans un registre plus classique, Conceição Guadalupe en a offert une belle version sur son album «Um fado para minha mãe».

Sur ce Best Of, Mariza fait la part belle aux chansons d’Amáli. En plus de celles déjà citées, il faut ajouter «Primavera» (très réussie), «Barco Negro», et «Medo» (remarquable soutien des cordes).

La chanteuse reçoit la participation de Rui Veloso, habituellement plus rocker que fadista, pour la musique de «Feira de Castro», chanson rapide, dansante et réussie, comme «Recusa», très vive et enlevée.

Puis, je tiens à citer «Cavaleiro Monge», le titre que je préfère dans ce disque. Le chant est poignant, la guitarra portuguesa, dominante, joue le rôle de seconde voix. Comme par hasard, le texte est de Fernando Pessoa et la musique du maître Mário Pacheco qui joue lui-même sur le morceau. L’une des pépites de cet album.

Le CD offre deux «bonus tracks» dont un morceau inattendu: «Smile». Chanté dans sa langue d’origine, ce morceau, à la musique composée par Geoffroy Parsons et… Charlie Chaplin, n’a que le piano d’Ivan Lins pour accompagner la voix. Surprenant. Même si cette version ne suscite pas la même émotion que certaines versions de légende (Franck Sinatra, Dean Martin, Mikael Jackson, et surtout… Jermaine Jackson accompagné par André Rieux et son orchestre ainsi que Nat King Cole en version grand orchestre, les deux meilleures versions à mon humble sens).

En conclusion, ce Best Of propose un panorama complet des disques studio de Mariza et démontre que sa voix, mélodieuse et subtilement retenue, est l’une des belles voix du Portugal.

Disque réussi et suffisamment représentatif pour avoir envie d’aller découvrir l’ensemble de son travail, y compris les enregistrements de concerts et «Mundo», album studio paru en 2015, donc après ce Best Of.

 

Best Of Mariza

Warner music Portugal (2014)