Opinion : Avec le temps tout ne s’en va pas, mais…


Dimanche, il était 12h15 quand nous sommes arrivés au village. Il n’était plus possible d’aller à la messe. En plus, celle-ci, qui habituellement se déroule à midi, a eu lieu à 10h30.

Dans les petits villages, en fonction de certaines cérémonies annuelles, familiales, occasionnelles et le manque de prêtres, conduit à ce que la messe ait un horaire «changeant» d’une semaine à l’autre. Cela demande une adaptation et une mémorisation des villageois.

Il y a quelques dizaines d’années, c’était un péché de ne pas aller à la messe le dimanche. Beaucoup de villages n’ont plus de cérémonies qu’à des rares moments de l’année.

Le monde change, nous changeons, les convictions évoluent.

La balade que nous avons effectuée là-haut, jusqu’aux éoliennes, est motif de notre écrit/réflexion, toutefois nous ne prétendons pas détenir la vérité. À chacun sa vérité en fonction de ses convictions, réflexions et de son vécu.

Nous nous confessons à vous, lecteurs. Aller là-haut, en soit, a, pour nous, été une messe pour diverses raisons.

Il y a quelques années, ce bout de chemin montagneux nous le faisions en courant en 25 minutes. Aujourd’hui nous avons mis trois fois plus de temps. Avec le temps, tout ne s’en va pas ou peut-être pas avant un certain temps, il est toutefois vrai qu’on a l’impression que la même distance devient plus longue avec les années, et irréalisable à terme.

Notre écrit ne se prêtant pas être un chemin de lamentation, plutôt un constat vécu et revécu différemment. L’avoir vécu permet de l’appréhender autrement, avec la découverte de nouvelles richesses.

Nous tenions à aller là-haut, pour voir si le feu a fait de ravages : les cerisiers n’ont pas souffert, les ruches non plus.

Le chemin est à pic, parfois il se divise en deux. Lequel prendre ?

Cela nous a fait penser aux choix de nos vies : parfois des chemins différents nous font arriver au même endroit, le dicton dit «tous les chemins mènent à Rome», au même but… d’autres non, toutefois, après avoir fait le choix, peut-on regretter de l’avoir fait, alors qu’au moment où il a été fait, il nous a semblé le plus logique en fonction des paramètres et choix à faire du moment ?

Pour avancer, monter, nous soufflons et nous souffrons.

Les éoliennes qui paraissent proches, avec des chemins qui y conduisent, nous semblent s’éloigner… il faut mériter le là-haut ? Pas de juges, pas de compétition, le combat est personnel, en soi, sur le soi.

Nous sommes seules physiquement, mais mentalement avec d’autres : la famille, les amis, quelques-uns nous ayant déjà quittés. Ils méritent qu’on soit là, l’effort est pour nous en pensant à eux.

N’ayant pas à discuter les yeux dans les yeux avec quelqu’un, nous osons mettre les lunettes de soleil, nous n’avons à lire, à interpréter, ce que le regard de l’autre transmet, nous sommes avec nous-mêmes, nous nous regardons. Qui mieux que nous peut le faire, peut comprendre, nous comprendre ?

Arrivé là-haut, près d’une des éoliennes, un poteau géodésique. On est à la limite de plusieurs cantons. Encore un symbole sur notre chemin, celui de l’appartenance, des différences, des valeurs.

Content d’être là-haut, seul, bien entouré par la nature, mais aussi par ceux que la vie nous a mis sur notre chemin. Une pensée pour ceux qui voudraient, mériteraient d’être là… Cela nous conduit à une réflexion sur l’année écoulée.

Nous vient à la mémoire, alors que nous voyons midi à notre porte et faisions la réflexion en forme de plainte : «tu ne vois pas, une année bloquée, sans pouvoir rien faire?» On nous répond : «mais toi, tu peux prétendre aller mieux». Nous avons reçu une belle leçon…

Nous avons pris, là-haut, des photos, une vidéo… on a encore, malgré la difficulté, pu le faire cette année. Des souvenirs pour demain ?

Nous avons descendu lentement, nous avons vu des choses autrement et d’autres choses par rapport à quand nous courrions.

La messe étant dite. Alors que nous voulions payer l’apéritif, on nous l’a payé… consommer pour aider à maintenir le commerce ouvert dans le village, à que celui-ci reste vivant, ne se meurt pas.

L’effort réalisé, un certain bonheur de l’avoir fait, nos pensées dans la solitude n’ont-elles pas été une forme de messe ?

Les églises sont des lieux, certes, avec des fonctions bien définies, toutefois ce que la messe doit nous rapporter ne peut-il se vivre ailleurs et d’une autre forme ? L’obligation est-ce plus bénéfique que la volonté, la nécessité occasionnelle ?

Nous sommes mercredi, la fraîcheur aidant, le jour fût de labeur avec pour finir une petite marche par le chemin de l’autre côté de la rivière. Oh quel dommage ! La racine apparente en forme de lézard au détour de la route, à la sortie du village et que nous avons photographié pendant des années, s’en est allée. Un petit éboulement l’a importée. Ce lézard, peut-être avons-nous été les seules à le voir, à constater sa disparition, à l’image de certains changements en nous : physiquement, intellectuellement, convictions, conventions…

Le chemin de l’autre côté, on l’a parcouru des dizaines de fois depuis 35 ans, pourtant, à chaque fois une nouvelle vision du village nous est dévoilée, chaque année on le trouve différent. Est-ce le village qui change ou notre regard sur le temps qui passe qui change ou en fonction des temps qui changent ?

Un petit mulot traverse, il nous a été sympathique, il était au bon endroit, alors qu’ailleurs il nous est antipathique, indésirable… En fonction du lieu, du moment, ne percevons-nous les choses différemment ?

En longeant la rivière, le chemin devient moins praticable, les petits terrains, moyens de subsistance il y a 50 ans, sont à l’abandon. Nous approchons, à l’image des autres années, le moulin à l’huile d’olive. Il n’a plus d’activité depuis 30 ans, le toit est tombé partiellement, des arbustes y poussent à l’intérieur, toutefois, des ustensiles y sont encore éparpillés, ils résistent au temps, mais pour combien de temps ?

Comment sauveur le moulin, ce qu’il y en reste, quand le nombre de propriétaires dépasse les deux dizaines, quelques-uns ayant déjà disparus ?

Cette fois-ci nous n’avons pas osé toucher, essayé de manger des figues de barbarie, des dizaines de minuscules pics ayant laissé sur nos mains, lèvres et langue, un souvenir pas très savoureux contrairement au goût du fruit… les pics, les difficultés de la vie provisoires ou pérennes ? Il y a le savoir, il y a les découvertes, il y a les erreurs… nous sommes des éternels apprentis : les figues de barbarie nous l’ont prouvé.

Difficile de se couper du monde, même quand, parfois, il n’y a pas de réseau. Trop lents, nous n’avons pas eu le temps de prendre une photo de deux biches qui ont pris peur et se sont fuies. Une belle image qui nous restera… un mal pour un bien ? Cela nous donnera peut-être envie de continuer à venir, de continuer à découvrir, malgré le temps qui passe.

Un chemin parcouru, source de bien-être, des images réelles, toutefois sources de doutes, d’interrogations.

Nous, vous ?

Thérapie ou confession ?