Opinion : Dilemme(s) ?


Dimanche 9 juin, vers 21h00, Emmanuel Macron annonce la dissolution de l’Assemblée nationale. Le Président de la République renverse la table, non pas la sienne mais celle des Députés. Par ailleurs, des Députés peu visés par les résultats des élections européennes, contrairement à sa personne.

Bizarrement, tout au long du premier quinquennat comme du deuxième, à certains moments critiques, il a eu besoin de “clarification politique”. Du côté du peuple de la France, les conséquences de ses choix sont plus que clairs, désormais limpides : inégalités grandissantes et galopantes comme la dette !

Fin négociateur avec le vide depuis de longues années, cela lui a semblé encore superflu de consulter d’autres représentants de la nation, tels les chefs des partis ou des groupes parlementaires ou d’autres figures tutélaires de l’État avant de prendre cette décision, sûrement l’une des plus inconsidérées sous la Vème République. Dès lors, il précipite une campagne trop brève, sous hautes contraintes dans un contexte d’irascibilité extrême.

Certes, c’est le peuple qui ordonne mais ayant beaucoup subi les affres de son illibéralisme (entre autres), c’est forcer celui-ci à voter sous l’effet puissant des affects plutôt que celui de la raison.

Ce triste épisode vient s’ajouter à d’autres : l’évitement du débat des idées, celui de donner le temps nécessaire au dialogue quotidien avec les corps constitués, avec les gens, avec nous, pour rester figé en mode “monologue présidentiel”. L’épisode de la Convention citoyenne fut magistral dans la définition du mépris, ce mépris qui avait jadis naguère tué François Hollande. Organiser une Convention citoyenne de cette envergure, faire semblant d’écouter, recueillir des milliers d’idées valables pour finir par jeter aux orties un élan populaire engagé sincèrement pour le pays est une des blessures parmi tant d’autres infligées au peuple français. Un peuple, lui, découragé mais qui n’a jamais renoncer à la conquête d’égalité.

Aussi, on se souvient de la “non-campagne” présidentielle de 2022, la vingtaine de 49.3 (23 en 18 mois sous Élisabeth Borne). Plus particulièrement, le 49.3 sur la réforme des retraites, le passage en force de la loi immigration au Conseil Constitutionnel jusqu’à ce dimanche soir forcent brutalement le processus démocratique en imposant d’emblée de mauvaises conditions de participation à cette nouvelle décision électorale pourtant cruciale pour notre avenir commun. Car l’enjeu est de taille, c’est celui de continuer à défendre et bénéficier de droits fondamentaux et de droits nouveaux. Le Préambule de la Déclaration des Droits de l’Homme, son article 1er comme les mots indivisibles de notre Constitution s’effacent inéluctablement face à l’appel de “la préférence nationale”.

Rappelons l’esprit de l’article 12 de la Constitution française entre les mains du rédacteur Michel Debré, en 1958 : “La dissolution (…) permet entre le Chef de l’État et la Nation un bref dialogue qui peut régler un conflit ou faire entendre la voix du peuple à une heure décisive”. Il écrivait, plus loin que le “Président n’avait qu’un pouvoir de solliciter le suffrage universel mais que cette possibilité de solliciter est fondamentale.

Donc, in fine, le Président décide seul et la consultation du Premier Ministre, même de simple courtoisie n’est aucunement dictée par le texte. Soit. Ainsi, nul besoin de contre signature pour régler une énième crise provoquée après une énième décision violente et injuste socialement telle que la toute récente réforme de l’assurance chômage pour preuve. Le fait est que le Président abuse de ce qui avait été pensé comme exceptionnel dans la Constitution pour en faire la règle.

Nul doute que la séquence des élections européennes fut idéale pour exprimer une inquiétude majoritairement partagée sur la baisse du pouvoir d’achat dans un climat d’insécurité culturelle pour beaucoup. La peur du déclassement, celle de tout perdre ou celle de ne rien conquérir, ni pour soi, ni pour les autres, peur attisée par plusieurs réformes contre la volonté des citoyens portent le RN à plus de 30%.

À noter, sans effroi, que le Président a recueilli 15% des suffrages à ces élections européennes (disons 10% des inscrits), pire que François Hollande en son temps, à la même période fatiguée de son mandat. Autoritaire, il dégaine ses munitions, constitutionnelles, disions-nous plus haut, alors même que tout déraille en faisant un très mauvais calcul : caractériser la gauche d’extrême, la ferrailler à ce nouveau faux nom face à l’extrême-droite et penser sortir vainqueur de ce chaos car face à ce choix, celui d’un dilemme pour certains, ce sera LUI, seul vrai démocrate… Dilemme(s), vraiment ?

Malheureusement, c’est un très mauvais calcul qui risque de justifier l’installation de l’extrême-droite au pouvoir, une extrême-droite devenue polie qui n’éructe (presque plus) sa xénophobie constitutive. Mentir plus savamment que par le passé ne fait pas de l’univers LE PEN qui a su recruter des incarnations plus fréquentables, n’est pas et ne sera pas une chance d’accomplissement et de bonheur pour la France et pour celles et ceux qui l’habitent. Bien au contraire car ils n’ont pas changé : leur projet menace plus que jamais de nous séparer. Attention, une fois au pouvoir, ils risquent de s’y accrocher longtemps et cela pour notre plus grand mal car il n’est pas question de justice sociale : privatisations des services publics et apartheids annoncés partout sur le territoire. Nul doute qu’ils seront zélés à servir les intérêts des plus puissants tout en souriant au peuple… avec des dents bien limées.

Dilemme(s) ? Non ! Les recompositions de notre paysage politique, au pluriel, s’enchaînent et beaucoup restent encore perdus dans tout ce bruit qui nous oblige. Bloc par bloc, circonscription par circonscription, le vote des électeurs qui aspirent à plus de modération, à gauche comme à droite, pourrait être déterminant, comme les abstentionnistes récidivistes. Rappelons que ce sont 577 scrutins locaux pour une élection nationale. Rappelons aussi que ce scrutin tient sur deux échelles, d’une part, il y a un ancrage local et, d’autre part, une dynamique nationale. Laquelle dominera notre choix ? Aucune ? Quelle autre ?

Je tiens à saluer, ici, l’heureuse naissance du Nouveau Front Populaire ! Un espoir s’est levé. L’union a toujours été un combat. En quelques heures, celui-ci est gagné ! Mais, ce n’est que le préambule à d’autres nombreux chapitres à écrire ensemble pour retrouver une France qui gagne sur tous les fronts des injustices !

Vrai, j’entends hurler partout (bien à raison d’ailleurs), contre les dérives sectaires et communautaristes, contre les prises de paroles antisémites du chef de la LFI notamment. Simplement, il a renoncé au combat universaliste en échange d’une stratégie électoraliste avérée perdante, ce qui n’est absolument pas le cas d’une majorité écrasante de Députés sous l’étendard de cette nouvelle union nécessaire, face à l’extrême-droite, celle-ci bien classée à l’extrême-droite de l’échiquier politique. Dans un contexte déjà plus que troublé, malgré les dernières prises de position de “Méluche”, il est fallacieux de classer le Nouveau Front Populaire (NPF) à l’extrême. FAUX ! Même le Conseil Constitutionnel a statué : la LFI n’est pas classable à l’extrême-gauche. Enfin, le programme du NFP est un programme de gauche, sérieux et ambitieux, soutenu par le Prix Nobel d’économie Esther Duflo (2019), un programme de rupture qui répond aux violences sociales perpétrées depuis 2017 et qui dit OUI à un avenir plus juste, plus apaisé et plus heureux.

Dilemme(s) ? Non, votons pour celles et ceux qui œuvrent pour le progrès humain. Votons pour le Nouveau Front Populaire !

Rendez-vous le 30 juin et le 7 juillet pour changer la vie, pour changer nos vies !

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Nathalie de Oliveira

Ex-Députée à l’Assemblée de la République portugaise

Ex-Maire-Adjointe de Metz