Home Opinião Opinion: Le Portugal va mieux?António Marrucho·24 Maio, 2018Opinião En voilà une question! Nous ne sommes pas un spécialiste ni un docteur… c’est notre ressenti qui parle. La réponse? Nous dirons, à la mode de Jacques Martin… cela dépend par quel «bout de la lorgnette» le sujet que nous nous proposons d’aborder, est traité. Notre ressenti nous amène à dire: oui, le Portugal va mieux, même si, ici et là, beaucoup reste à faire. Comme le dit un dicton portugais: «Roma et Pavia, não se fizeram num dia». En visite récemment au Portugal, nous avons senti un certain optimisme chez les gens. Oui, vous avez raison… nous n’avons pas été partout, pas dans tous les milieux, pas dans toutes les régions… Oui, vous avez raison… il y a des problèmes de santé publique, il y a la souffrance dans notre milieu hospitalier, même si, selon nous, il va bien mieux qu’il y a quelques années. Oui, notre pays va mieux, même si ici et là, en parlant avec des restaurateurs, ils évoquent une certaine corruption qui existe encore au Portugal, les dessous-de-table et de l’incompétence de certains de nos dirigeants. Avant de continuer et justifier notre «Oui, le Portugal va mieux», nous voulons ici rendre hommage à Marcelo Rebelo de Sousa, le Président de la République Portugaise: sa proximité avec le peuple est remarquable et remarquée. Il est partout. A 72 ans… quel punch! On sent comme qu’une espèce de mimétisme entre le peuple et son Président. Nous avons pu en être témoin, lors de sa visite dans le Nord de la France, le 09 avril dernier, à l’occasion des commémorations du Centenaire de la Bataille de la Lys. Marcelo Rebelo de Sousa embrasse, salue, fait des selfies avec tout le monde. On voit qu’il aime cela, il le fait sans se forcer, c’est naturel. Avec lui,… le protocole? Il doit s’adapter, se plier à sa personnalité. Il est souvent là où il faut, là où parfois on ne l’attend pas. Son entourage doit souffrir… quel rythme! On le retrouve à la plage sans protocole, il bouscule une visite pour aller voir une seule personne qui est en souffrance, il embrasse vieux et jeunes qui pleurent, le feu leur ayant tout volé… Le Portugal a la chance d’avoir un tel homme. Il est là aussi pour condamner les adeptes de foot qui ont blessé joueurs et staff d’une grande équipe de foot portugaise. Quelques-uns diront: de quoi se mêle-t-il? Nous dirons qu’il vaut mieux qu’il soit ainsi, qu’avoir un Président qui préside, enfermé dans son palais, dans sa boule de cristal. À une question posée par un journaliste tout récemment, sur sa récandidature, Marcelo Rebelo de Sousa a répondu que, si le drame des feux de forêts au Portugal n’est pas minimisé pendant son présent mandat, il pourrait ne pas briguer un deuxième mandat. Eh oui, c’est un vrai drame, les feux au Portugal. On a l’impression que tous les ans c’est pareil, voir que le problème s’aggrave. Il y a chez le peuple portugais comme qu’un sentiment d’impuissance. Le Gouvernement a imposé que les forêts soient nettoyées cette année, au risque de devoir payer des fortes amendes. Question: à qui mettre une amande alors qu’une bonne partie de la forêt, on ne sait plus à qui elle appartient? La fin de l’hiver/début de Printemps a été pluvieux au Portugal, propice à ce que la végétation, les herbes, poussent. Avec l’arrivée des chaleurs, tout ceci va sécher… de véritables bombes, que nombre d’incendiaires va utiliser pour provoquer de nouveaux drames. Nous appelons cela «le terrorisme à la portugaise». Espérons que 2018 soit bien plus calme et que les terroristes soient condamnés. Qu’on nous parle dans les journaux télévisés que de politique, de foot, d’amour, mais pas de feux. Feux qui occupent ces dernières années en été 90% de l’information. Oui, le Portugal va mieux. Même si bien des jeunes diplômés, et pas seulement, sont partis à l’étranger ces dernières années. Le chiffre montre le chemin parcouru, même si entretemps la troïka est passée par là: le chômage qui était de 17,5% en 2013 est descendu en janvier dernier à 7,9%. Un restaurateur à Vila Nova de Gaia, nous disait avoir du mal à trouver actuellement de la main-d’œuvre pour des travaux dans le bâtiment, il a même dit que le chômage pourrait être encore bien plus bas, si bon nombre de chômeurs faisaient l’effort de ne plus être chômeurs. Oui, le Portugal va mieux. A qui profite? Les deux principaux syndicats portugais, dans une interview télévisée et dans les manifestations du 1er Mai avaient comme revendications: puisque le Portugal va mieux, il faut faire profiter tous ceux qui y contribuent, en augmentant les salaires. La production augmente, augmentons les salaires. La CGTP et UGT dénoncent l’existence d’un million de salariés avec des contrats de travail instables, précaires, ce qu’hypothèque l’avenir d’une tranche de la population portugaise et tout spécialement les plus jeunes. Ils dénoncent également le fait que les salaires ne soient pas revus, revalorisés, annuellement. Pour le 1er Mai, il y a eu des grèves dans le secteur de distribution et des mouvements sont toujours en cours dans les milieux hospitaliers. Oui, le Portugal va mieux: la dette publique est en diminution. Le Gouvernement portugais se donne même un objectif très, très ambitieux: celui d’avoir, en 2025, la dette publique la plus faible d’Europe, à l’image d’il y de cela quelques années, de la Belgique. En France, François Hollande défend son quinquennat. L’optimisme et un certain progrès en France depuis an, est la conséquence, en partie, selon le précédent Chef d’État français, de mesures par lui mises en œuvre. On retrouve ce même sentiment aussi au Portugal. Le Gouvernement d’António Costa a profité de la rigueur budgétaire des sociaux-démocrates, précédemment au Gouvernement. Le fait d’avoir fait baisser les salaires a permis au Portugal de retrouver une meilleure compétitivité. La diminution des retraites a fait baisser, de son coté, les charges. Entre 2009 et 2016, alors que dans la zone euro le coût salarial augmentait de 5,5%, au Portugal il a diminué de 5%. Les industries réexportent (textile, chaussures, automobile,…) au même temps que les finances publiques assainissement. D’un pays sur surveillance de la Troïka, le Portugal devient le bon élève de l’Europe. Le Gouvernement Costa en obtenant de l’Europe un an de plus pour assainir ses finances, a réussi à éviter une amende de 0,2% du PIB du Portugal et a fait baisser son déficit en 2016 à 2% de son PIB. Comble de la chose: le Ministre des Finances du Portugal, Mário Centeno, est nommé, le 4 décembre 2017, Président de l’Eurogroupe. L’amélioration étant là, António Costa et son Gouvernement, quoique très attaché à l’Europe, font le contraire de ce qu’elle préconise et notamment de ce qu’Angela Merkel préconise pour les pays du sud. Il y a un assouplissement de la rigueur, avec des augmentations du salaire minimum (676 euros) et une amélioration des petites retraites. Le pouvoir d’achat des fonctionnaires n’a toujours pas été récupéré, suite à la rigueur précédemment imposée par le Gouvernement social-démocrate et la Troïka. Malgré tout cela, l’optimisme est là et la consommation augmente. Pierre Moscovici appelle cela: «une application intelligente du Pacte de stabilité et de croissance». Le Portugal: un exemple? Peut-être pas. Il n’y a pas une Europe, mais des Europes. Le contexte n’est pas partout pareil. La rigueur qui a permis d’être là où le Portugal est actuellement, serait-elle applicable dans d’autres pays européens? La cohabitation Gouvernement/Président se passe d’une façon générale assez bien, même si ce dernier fait valoir son droit de veto sur certaines lois votées au Parlement. Chose qui est de signaler: l’amélioration du pays se fait sous un Gouvernement de gauche/extrême gauche. Un cas d’école? Le Gouvernement se targue d’avoir «mis un terme à l’appauvrissement des Portugais, tout en gardant les finances publiques équilibrées». Le Miracle à la portugaise? Le Portugal va mieux: le Portugal exporte, le Portugal est devenu plus sérieux, ses entreprises respectent mieux les délais, on a confiance dans notre système de production. La haute technologie se développe vite, un peu partout, on exporte même notre savoir faire, on favorise la création de start-up’s, de plus en plus d’entreprises s’y installent pour cette raison. Créer une entreprise au Portugal, ça se fait très vite administrativement, parfois ce n’est qu’une question de quelques clics. Nos confrères du journal «Mundo Português» titraient récemment: «L’exportation a fait croître l’économie portugaise». Pendant 5 ans, c’est au Portugal qui se réunit annuellement plus de 40 mille développeurs mondiaux dans les nouvelles technologies. En conversation avec un entrepreneur portugais dans des technologies de pointe, il nous disait que le Portugal importe. Importations qui permettent la modernisation de l’outil de travail au Portugal, de quoi assurer l’avenir. Au Portugal on voit partout, à l’horizon, de plus en plus d’oiseaux blancs, source de mécontentement de quelques écologistes. Ces oiseaux blancs sont des éoliennes. Le Portugal importateur d’énergie, pourrait devenir un pays exportateur. Fruit d’un certain froid et de fortes pluies, le 11 mars, le Portugal a généré 143% de son électricité à partir de sources renouvelables, essentiellement d’origine éolienne et hydraulique. Le Portugal produit annuellement 75% de son énergie à partir de ces d’énergies, un des plus forts pourcentages au monde. Au mois de mars, 42% de l’énergie du pays a été produite par les parcs éoliens et 55% par les centrales hydroélectriques. C’est très bien, toutefois ce sont des énergies dépendantes de certaines conditions climatiques, de quoi inciter le Gouvernement et les entreprises énergétiques à continuer à installer des parcs éoliens. Le Portugal n’a pas de centrales nucléaires, elles sont à côté… en Espagne. Le Portugal est peuplé de multitudes panneaux solaires installés chez les particuliers. Pour rentabiliser la production excédentaire du Portugal, à certains moments de l’année, il faudrait que les réseaux qui relient le Portugal à l’Europe soient améliorés, cela permettrait d’exporter l’électricité excédentaire. Le Portugal va mieux. Va-t-il mieux pour tout le monde et partout? Une récente étude, indique que le salaire a augmenté entre 2011 et 2016 au Portugal de 2,1%, avec un maximum d’augmentation de 26,9% pour les salariés qui travaillent auprès d’organisations internationaux. Quant au programmateur informatique, son salaire a diminué de 4,6% et le réparateur et installateur de machines a vu son salaire baisser de 10,2%. En 2016, le salaire brut mensuel au Portugal était de 1.108 euros. Pour bien gagner, il faut travailler dans le secteur du gaz et l’électricité, le salaire brut mensuel y approche les 3.000 euros. Dans la banque et assurances, la moyenne tourne autour de 2.000 euros. Un quart des Portugais recevait en 2015 le salaire minimum de 580 euros. Le salaire brut moyen le plus bas au Portugal, nous le trouvons dans hostellerie et la restauration. Il y a également de fortes disparités salariales moyennes au niveau géographique: on gagne en moyenne 858 euros à Bragança, 875 euros à Guarda, extrêmes les plus bas, alors qu’on gagne 1.058 euros à Porto, 1.190 euros à Setúbal et 1.392 euros à Lisboa. Le salaire moyen annuel au Portugal est de 12.885 euros. En Europe, seulement la Grèce et trois pays de Leste ont des salaires inférieurs au Portugal. Le salaire en Europe plus élevé, on le trouve au Luxembourg, avec 32.969 euros. En France il est de 24.155 euros. Il faut toutefois nuancer ces chiffres salariaux. Les Portugais gagnent moins, que la majorité des salariés dans d’autres pays européens, toutefois ils ont des biens et services parmi les plus bas en Europe. Le Portugal a des salaires bas, toutefois les dirigeants des 20 plus grandes entreprises portugaises sont parmi ceux qui gagnent le mieux en Europe. En 2013, le salaire moyen de ces dirigeants était 33 fois supérieur au salaire moyen des salariés de leur entreprise. En 2017 la différence est montée à 46 fois. Le Portugal attire, le tourisme est là, le retraité français, entre autres, s’y installe. Il ne faut pas voir que du positif dans tout cela. Dans certains endroits de Porto, Lisboa et Algarve, on ne parle plus portugais. L’immobilier augmentant, le Portugais est envoyé dans la banlieue, acheter devient inaccessible pour le commun des Portugais. À Porto, l’immobilier en 6 mois a augmenté de 16%. Encore cette semaine nous avons eu un client qui nous a dit vouloir investir à l’Algarve, il y a été déjà huit fois, il cherche sur le internet des biens. Parfois le lendemain de la mise en ligne, un bien est déjà vendu. Personnellement cela nous fait même un peu peur: n’est-on pas arrivé à une certaine dérive, qui pourra conduire à des futurs désagréments? Les retraités installés au Portugal réussiront, ou leurs familiers, à vendre des biens achetés actuellement au même prix dans 10 voire 15 ans? Chiffre étonnant, 25% des transactions immobilières actuellement au Portugal, se font avec des acheteurs Français. Les récompenses pleuvent dernièrement sur le Portugal. On ne gagne pas que l’Euro de foot et l’Eurovision. En 2017, le Portugal a été élu la meilleure destination au monde, Lisboa la meilleure destination pour un court séjour et pour les arrêts de croisières, Madeira a été nommée le territoire insulaire par excellence au monde… Le Portugal vient d’être classé pour la première fois comme le pays le plus accueillant au monde par les expatriés, lors d’un sondage fait auprès de 13 mille d’entre eux, issus de 188 pays et territoires. Ce sondage fait annuellement par Expart Insider Survey est publié par le réseau Inter Nations. Près de 94% des expatriés au Portugal estiment que les Portugais sont sympatriques, serviables et font attention aux autres. Le Portugal est le seul pays européen dans le top 10 de ce classement. Quelques cocoricos supplémentaires: la revue Times, classe Porto depuis plusieurs années comme étant la ville n°1 en Europe où il faut investir, le New York Times reconnaît le Métro de Lisboa comme étant le plus beau au monde. Le chroniqueur de France Inter, Anthony Belanger, en décembre 2017 se posait la question si le Portugal ne dirigeait pas le Monde. Pour nous, Portugais, cela serait bien présomptueux de le dire, toutefois Anthony Bélanger argumente: «Le Portugal est un petit pays situé au bout de l’Europe, faisant frontière qu’avec un autre pays, l’Espagne. Il ne fait peur à personne, on ne lui connaît aucun ennemi, il a toutefois une langue universelle, parlée par 240 millions de personnes, bien plus nombreux que les 75 millions qui parlent français. Le Portugal a un hymne qui parle de sa splendeur et de ces héros maritimes. Il peut se targuer ces dernières années, d’avoir gagné l’Euro de football, d’avoir Cristiano Ronaldo cinq fois vainqueur du Ballon d’or, d’avoir gagné sans discussions l’Eurovision 2017 avec Salvador Sobral, d’avoir à la tête de l’ONU depuis janvier 2017 António Guterres, d’avoir Mário Centeno à la tête de l’Eurogroupe et d’avoir eu entre 2004 et 2014 Durão Barroso à la tête de l’Union européenne». Tout n’est définitivement pas acquis, tout n’est pas irréversible, des efforts, il faut tout le temps en faire, tout en restant vigilant. Le Portugal va mieux… le Portugal attire. Je termine par un souhait: alors que l’été approche, combattons les feux, évitons les feux, condamnons les pyromanes-terroristes. 5% du Portugal a brûlé en 2017… c’est trop, un seul mort dans un incendie, c’est trop. Remarquable a été toutefois la réaction de la majorité du peuple portugais. Peuple qui dans l’adversité sait s’unir. Une bonne partie des arbres brûlés ont été replantées. Des sociétés, grandes, petites, associations, clubs, etc. ont offert des arbres. Des salariés, des sportifs, des politiciens, les ont plantés. Être solidaire… l’autre image qu’on pourrait garder du Portugal. Luttons pour un Portugal, une Europe, un Monde meilleur.