LusoJornal | António Marrucho

Opinion : Un été portugais, entre drames, chaleur humaine… et douches bancales


Le Portugal et les Portugais ont souffert, et continuent de souffrir cet Été.

Après les incendies ravageurs, le terrible accident de l’ascenseur de Glória, à Lisboa, a endeuillé le pays tout entier, et pas seulement… Des images qui ont fait le tour du monde, laissant une impression durable.

Mais face à ces épreuves, quel courage du peuple portugais ! Que d’histoires bouleversantes… Certaines mériteraient d’être racontées dans un livre, un film, ou dans le silence respectueux de la mémoire collective.

Comme celle de cet homme, dans le petit village Açor qui, encerclé par les flammes sur un véhicule agricole, s’est couché sur trois autres amis pour les protéger du feu. Lui-même fortement brûlé au bras a continué à aider les autres villageois. Une leçon de courage et de solidarité.

Combien d’autres histoires extraordinaires, attitudes, resteront dans l’anonymat ?

Alors oui, face à de tels drames, nos petites mésaventures estivales paraissent bien dérisoires… mais elles forment aussi un autre visage du Portugal, celui du quotidien, parfois maladroit, souvent attachant et parfois franchement drôle.

Nous n’avons pas l’habitude de fréquenter les hôtels, mais cette année, cinq établissements, 2 et 3 étoiles ont eu le plaisir de nous accueillir. Enfin… quatre d’entre eux avaient le support pommeau de douche mal vissé au mur. Rien de dramatique, bien sûr, mais un petit détail qui en dit long sur un certain laisser-aller. Un pommeau qui pendouille, ce n’est pas seulement esthétique : c’est aussi un reflet de l’attention portée aux détails, comme la propreté des toilettes ou, par extension, de la cuisine…

Devons-nous viser plus étoilés ? Peut-être. Mais à leur décharge, tous nous ont réservé un excellent accueil, ce qui mérite d’être dit.

Un ami venu d’Allemagne en voiture électrique, hautement qualifié en la matière, a souligné à quel point le Portugal avait investi dans les bornes de recharge. Louable initiative ! Mais il n’a pas pu utiliser celles de l’entreprise nationale. Trop de bornes défectueuses qu’il a signalé par téléphone au siège de l’entreprise. L’investissement est là, l’intention aussi… mais l’entretien ne suit pas. Résultat : un effort à moitié perdu, financièrement et écologiquement.

Un sentiment récurrent : le Portugal semble souvent bien équipé, mais il manque ce petit plus d’entretien, de suivi, de rigueur… qui ferait toute la différence.

Il n’y a pas lieu de généraliser. Un exemple est celui des supermarchés : le Portugal en est bien équipé, modernes, biens entretenus et propres avec des équipements super modernes tel le robot qui parcourt les allées tout seul pour nettoyer par terre, s’arrêtant ou contournant le client. Mais que devient le commerce local, le petit du village ?

En peu de temps, nous avons accumulé de quoi alimenter quelques gags pour une comédie.

Dans un hôtel, un ascenseur avec deux portes : l’une vers les chambres, l’autre vers… les zones techniques. Devinez ce qui nous est arrivé ? L’ascenseur n’a ouvert la porte que, vers la lingerie, locaux techniques, cuisine… nous nous sommes crus nommés inspecteurs, personne dans ces locaux. Nous avons fait tous les étages avant de réussir à sortir au -1. Nous sommes remontés par les escaliers. La réaction de l’accueil a été cocasse et surpris de nous revoir repasser avec valise, une deuxième fois.

Dans un autre hôtel de la même chaîne nous avons eu l’explication du fait.

Dans un restaurant, une porte coulissante ne s’ouvre pas. Habituellement, le réflexe est de tirer ou pousser, dans notre cas pas de poignet… la porte ne s’ouvre pas, ça ne marche pas. La porte «coulissante» voulait-elle nous punir de ne pas avoir trop consommé ? Nous avons freiné notre tête à quelques centimètres avant qu’on se cogne sur ladite porte vitrée. Finalement, quelqu’un vient nous ouvrir. Derrière la porte: un chien bien âgé, heureux, grignotait l’os de notre repas ! Notre B.A. du jour ?

Les trottoirs étroits, les petits dénivelés traîtres, les sols en pente douce mais casse-gueule… Autant de petits pièges urbains qui nous ont fait dire : les dangers, parfois, ne viennent pas des grandes hauteurs, mais des petites marches sournoises.

Dans un restaurant, trois petits dénivelés différents, autant d’occasions de s’étaler sur le sol, pas de panneaux pour prévenir…

Beaucoup reste à faire au Portugal au niveau accessibilité pour les personnes handicapées, même si dans les nouvelles infrastructures cela est prévu.

Serait-ce l’âge qui parle ? Peut-être… mais tout de même !

Notre GPS a été également de la partie : plusieurs fois nous avons visité, ou plutôt traversé, des lieux non prévus au départ, peut-être reviendrons nous lors de notre prochaine visite aux vieilles cartes routières papiers : elles nous faisaient faire, nous avons l’impression, moins de tours et détours. Cela nous a permis toutefois, de faire, ici et là, des découvertes : un fort, une église, une légende… des personnes qui volontiers vous indiquent le meilleur restaurant du coin pas trop cher…

Il serait injuste de ne parler que des couacs.

Nous avons eu aussi de très bonnes surprises. Par exemple, en visitant des musées nationaux, nous avons découvert que les seniors de plus de 65 ans, en présentant leur Cartão de Cidadão, ont droit à 52 visites gratuites par an. Une belle initiative culturelle, qui mérite d’être saluée !

Nos petites aventures prêtent évidemment à sourire dans un pays plein de contrastes et de contradictions. Nous vient ici à la mémoire la chronique d’opinion dans le Jornal do Fundão en date du 31 juillet de cette année de Paulo Duarte intitulée : «Portugal: tout étudié, rien de résolu»… comme prémonitoire de ce qui arrivera quelques jours après, un mois après ? D’une chronique de la journaliste Maria Castello Branco de la chaîne CNN, nous avons extrait quelques-uns de ses dires : «…au mois de mai 2018 il y avait déjà eu un déraillement, quelqu’un a écrit à l’époque». Cette fois-ci il n’y a pas eu de blessés, mais…, il ne faut pas avoir des dons de voyance pour savoir que cela va se passer… Il suffit de connaître le Portugal et la mentalité portugaise… Gouveia e Melo dit : «Portugal est le pays de l’improvisation». Portugal est tout le temps en train de colmater des trous… il essaye de réparer avec du scotch… on ne résolut pas… le Portugal ne prévoit pas… il y a eu l’incendie de Pedrogão en 2017, il y a eu les inondations de 2022, il y a eu les 13 morts sous un arbre, le plafond qui tombe sur les malades dans un hôpital, il y a eu… on ne pense qu’après. La norme portugaise est : prévenir s’est un luxe, la sécurité s’est toujours une dépense, la tragédie est toujours un déclencheur… un étend qu’après l’incendie… on prévoit la vie qu’après la mort… le pays vit convaincu que la corde ne casse pas, et quand c’est le cas, on simule la grand surprise… les choses finissent par se répéter… Le véritable accident n’est pas dans les machines, mais oui, dans l’habitude portugaise de toujours reporter… la corde finit toujours par rompre… nous ne savons c’est quand…».

Personnellement nous avons peur. Il y a eu le tremblement extrêmement meurtrier de Lisboa le 1 novembre 1755. On ne sait pas quand, mais un jour un nouveau tremblement de terre arrivera. Est-on préparé ? Dans la «Baixa Pombalina» on a fait passer le métro, on a dévié les eaux souterraines qui maintenaient le bois dans l’eau des fondations des bâtiments construits après le drame de 1755. Le bois, en dehors de l’eau sèche, se tord, pourri… danger.

Au niveau institutionnel, il y a des efforts à faire. Nous avons des dizaines d’exemples de non réponses à nos sollicitations par mails, téléphone…

Nous craignons aller à certaines institutions demander de l’aide pour résoudre un problème. Arrivés avec une question, ne pas sortir avec une solution mais avec trois ou quatre problèmes supplémentaires et aucune solution…

Une des choses que nous admirons au Portugal est le civisme vis-à-vis des piétons à l’approche d’un passage clouté… Ne devrait-on trouver là, un exemple ? La prévention pour bien d’autres domaines ?

Des constats, peut-être pas si objectifs que cela… cela reste notre constant, notre opinion.

Un Portugal qu’on aime, avec ses défauts et ses sourires.

Finalement, ce séjour au Portugal, malgré les petits tracas et les grands drames, reste marqué par la gentillesse des gens, une certaine chaleur humaine, et cet humour involontaire des situations absurdes.

Oui, le Portugal souffre parfois d’un manque d’entretien. Oui, on pourrait faire mieux. Mais ce qui reste en mémoire, c’est cette capacité à accueillir, à faire avec les moyens du bord, à rire même dans les moments difficiles.

La cloche est là-haut : elle annonce, elle prévient. La Croix du Christ en fer rouillée pleure, laisse une trace – Capela de Nossa Senhora da Guia à Vila do Conde. Tout un symbole ! Celui d’un pays ?

Notre présent écrit ?

Nous aimons le Portugal viscéralement, probablement comme vous qui m’avez lu.