Thomas Brant (Décidons nous-mêmes) se présente pour la 5ᵉ circonscription des Français de l’étrangerEmanuel Guedes·Política·22 Setembro, 2025 Élection du Député de la 5ème circonscription des Français de l’étranger (qui regroupe notamment le Portugal, l’Espagne, Andorre et Monaco) : 16 candidats sont en lice pour ce scrutin partiel. Le premier tour aura lieu le 28 septembre et le second tour, le 12 octobre. Cette nouvelle élection intervient après l’invalidation par le Conseil constitutionnel de l’élection de Stéphane Vojetta, en raison d’irrégularités dans ses comptes de campagne. C’est dans ce contexte que Thomas Brant présente son parcours, son engagement politique, ses priorités pour la circonscription et ses attentes pour ce scrutin au LusoJornal. . Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? J’ai 46 ans et je suis originaire de Strasbourg. Au départ, je suis ingénieur en systèmes d’information et j’ai travaillé une dizaine d’années dans des grandes organisations, notamment pour Thalès dans l’industrie militaire, pour l’OTAN, puis le Conseil de l’Europe, des missions pour EDF en tant qu’ingénieur, ce jusqu’à 2011. Ensuite, je me suis tourné plutôt vers l’entrepreneuriat social avec différents projets d’auberges solidaires, au Burkina Faso où j’ai développé un écovillage là-bas, et également dans le foot. J’ai été propriétaire du Racing Club de Strasbourg pendant quelques semaines en 2011 pour promouvoir un modèle coopératif et d’éthique démocratique et financière. Le projet n’a pas fonctionné à l’époque, mais a été repris ensuite par Bastia et Sochaux. Je défends ce modèle de coopérative d’intérêt collectif. Et puis, depuis 2017, je suis installé aux Îles Canaries, à El Hierro, déjà parce que c’est une île écologique, avec une autonomie, une énergie, avec toute une ligne de développement durable. Et c’est ici que j’ai deux enfants qui sont nés. . Quel est le nom de votre suppléant et quel est son parcours ? Pierre-Frédéric Zieba, c’est un Gilet Jaune. Il bouge beaucoup en France, entre Paris, Lille et Marseille. Et lui, ce qui lui tient à cœur, c’est que les Députés tiennent leurs engagements et qu’on soit dans la démocratie réelle et avec une vraie écoute des citoyens. Et donc, ce qu’il a dit, c’est qu’il va vraiment veiller, si je suis élu Député, à ce que je tienne mes paroles. . Avez-vous un lien avec le Portugal ? Le seul lien que j’ai avec le Portugal, pour dire vrai, c’est qu’une fois, mes enfants ont été enlevés et ils ont été cachés pendant trois mois. Et c’est par Facebook que j’avais pu retrouver leurs traces et qu’ils avaient pu revenir en France. . Sous quelle forme vous présentez-vous à cette élection et bénéficiez-vous d’un soutien particulier ? C’est sous le mouvement de coalition « Décidons nous-mêmes» (DNM) qui est associée au parti «Décidemos». Donc la coalition DNM s’était présentée sur une quinzaine de circonscriptions en 2024 et on avait eu 5.000 voix l’année dernière sur 15 circonscriptions. Je m’étais présenté l’année dernière à Strasbourg. . Quelle est votre réaction à la décision du Conseil constitutionnel d’invalider l’élection de Stéphane Vojetta suite à des irrégularités dans ses comptes de campagne ? Si j’ai bien compris ce qui s’est passé, c’est qu’il y a certains frais de campagne qui sont partis des comptes personnels et non pas des comptes de campagne. Je prends 37% des montants. Alors, lui a expliqué que c’était parce qu’il n’avait pas encore eu le temps de créer ses comptes de campagne. Pour moi, ça évoque – et c’est ce que j’ai dit dans une interview, mais aussi ce que j’ai dans mon projet – c’est qu’aujourd’hui, ce système de candidature et de campagne est très mal géré. On fonctionne encore comme il y a des dizaines d’années. On devrait avoir plutôt un système qui soit mis en place par les institutions, par le gouvernement, que quand une candidature est validée, que, via la Banque de France ou une autre institution financière, un compte soit créé avec un IBAN, avec une carte, et que les financements aillent dessus et que les dépenses en sortent. Au moins, tout serait clair et simple. Quand on regarde le coût des campagnes électorales avec ces principes de remboursement, dans bien des cas, ça corrompt la démocratie. J’ai vécu des campagnes municipales où des listes citoyennes – je faisais partie d’une liste citoyenne – auraient pu s’unir avec une autre. Mais finalement, on ne l’a pas fait. Pourquoi ? Parce que chacun avait déjà engagé des frais proches du plafond, avec souvent des amis, sur des sites internet et autres. Et du coup, en cas d’union, ça dépassait les plafonds. Alors que de toute façon, ils n’ont pas eu les 5%, donc ils n’ont pas eu de remboursement. Ça m’inspire plutôt à un problème dans le fonctionnement aujourd’hui des candidatures et des financements. Je pense qu’on devrait tous avoir des moyens de financement similaires et que même la plupart des financements aujourd’hui devraient être organisés par un Ministère de la démocratie. . Quelles sont vos priorités et les idées principales que vous souhaitez défendre pour les Français de la 5ᵉ circonscription de l’étranger ? La priorité, c’est qu’il est temps qu’on rentre vraiment en Europe. Moi, j’ai été aux Canaries de 2017 à 2019. Puis, je suis revenu en France après le confinement de 2020 à 2024. Alors, à chaque fois, c’est des bascules de résidence fiscale, l’immatriculation de la voiture qu’il faut changer, le permis de conduire, le diplôme d’ingénieur qui n’était pas reconnu et qu’il faut traduire. On n’est pas vraiment mobile, aujourd’hui, au sein de l’Union Européenne. Et je pense qu’il est vraiment temps de pouvoir avoir un statut de personne qui est à travers plusieurs pays. Sans être sur cette histoire des résidences à six mois. Il faut six mois et un jour pour être résident là ou là, on doit s’adapter à un nouveau mode de fonctionnement. Peut-être penser à une fiscalité au prorata du temps passé dans différents pays, en fonction de l’activité qu’on a. Il y en a beaucoup qui sont digital nomades. Aujourd’hui, il y a beaucoup de jeunes qui s’installent dans un pays, peu cher, ils ont de l’activité en ayant un salaire français, même s’ils sont au Portugal, qui est moins cher, ou aussi aux Canaries, et ils payent les impôts en France. Il y a une partie des impôts qui devraient revenir aux pays où ils sont, ou dont ils profitent des infrastructures. Donc il y a toute une cohérence à retrouver par rapport à cet aspect des gens qui sont nomades d’un pays à un autre. Et on ne sait pas forcément à l’avance si on va passer six mois et un jour dans l’un ou dans l’autre. Il faut bien connaître aussi le système de soins. Par exemple, peu de retraités français savent qu’ils peuvent toujours avoir le système français tout en étant inscrits dans le système étranger. Je vous avoue que je ne sais pas pour le Portugal. Mais pour l’Espagne, quelqu’un qui touche sa pension en France, normalement il suffit qu’il fasse le formulaire S1 auprès de sa Caisse de retraite en France pour être immatriculé en Espagne à la Sécurité sociale, profiter du système espagnol, mais c’est la France qui paye. Et si la personne a besoin de soins complémentaires ou d’autres dont il a l’habitude en France, il conserve sa Carte Vitale. Quand il rentre en France, il a toujours des soins. Ce genre de dispositif doit être, je pense, mieux accompagné, mieux connu et qui est plus logique par rapport au parcours de vie des personnes. Une meilleure coordination judiciaire aussi. On voit que les justices sont totalement décorrélées. Moi, j’ai vécu des procédures à la fois en Espagne et en France par rapport à mes enfants, où il n’y a aucune communication entre les deux pays. Ça, c’est malheureux. À l’heure de l’Europe, on devrait avoir plus de dialogues entre les pays sur beaucoup de choses qui concernent les citoyens. En parallèle, mes priorités portent aussi sur la refondation de la démocratie et des services publics. Je pense qu’il faut structurer les services publics sous forme de SKIC, c’est-à-dire des sociétés coopératives, inter-collectifs, interconnectées. L’idée, c’est d’avoir à la gouvernance à la fois des collèges de citoyens, les salariés des structures et des comités d’experts. Cela permettrait d’éviter l’opacité de la sous-traitance actuelle, qui coûte cher et qui fait perdre le sens de la fonction publique. Je porte aussi le projet GRAF, la gestion rapide et agile des citoyens et de l’État. C’est un système d’information souverain qui permettrait de relier les données aujourd’hui totalement éclatées entre institutions et associations. Concrètement, un citoyen qui voit un abribus cassé pourrait prendre une photo, la transmettre, et la municipalité serait alertée. Cela donnerait un État plus interactif, avec une vraie proximité et des tableaux de bord décisionnels clairs. Enfin, je défends une démocratie plus directe. Le système des 500 parrainages pour la présidentielle est obsolète. Même Édouard Philippe avait reconnu qu’il fallait le changer, et on a vu à l’époque des situations absurdes, comme Mélenchon qui proposait presque d’en donner à Marine Le Pen. Rien n’a été fait, et en 2027 ce sera encore le même système si on ne bouge pas. De la même manière, pourquoi laisser le Président choisir un Premier Ministre qui nomme ensuite ses Ministres ? Moi, je propose que les citoyens élisent directement leurs Ministres, parmi ceux qui se portent candidats en fonction de leur expertise. J’ai d’ailleurs transmis mes propositions à Sébastien Lecornu et au Président Macron. Le Président de la République m’a demandé de les adresser au Premier Ministre. J’attends une réponse. Mais je reste convaincu que chaque citoyen doit pouvoir être acteur, que ce soit au niveau local, national ou européen. C’est la seule manière de retrouver une démocratie plus transparente, plus efficace et au service exclusif de l’intérêt général. . En quelques mots, pouvez-vous nous donner votre opinion sur la situation politique en France ? C’est un paradoxe. Aujourd’hui, avec les trois tiers à l’Assemblée nationale, il n’y a plus aucune décision qui se fait. Mais je pense qu’il faut prendre du recul. On nous parle de séparation entre le pouvoir législatif et l’exécutif. Mais au bout du compte, la réalité, c’est que quand ce n’est pas les mêmes partis qui sont alignés, on est dans une situation de blocage. Le texte qui m’inspire, c’est le texte de Simon Weil, «Une note sur la suppression générale des partis politiques», qui explique pourquoi la formation des partis politiques empêche le bien commun et une vraie démocratie. C’est un texte de 1940. On doit fonder la démocratie autrement. C’est une erreur finalement de fonctionner à partir des partis politiques. On doit fonder la démocratie à partir des citoyens. Et de là, on trouve les convergences et les divergences dans les points de vue. Et on procède aux aspects de votes démocratiques pour trancher dans les décisions. Mais aujourd’hui, finalement, on se retrouve avec des partis et des représentants qui sont choisis pour des points précis, alors qu’on devrait choisir par thème. On devrait avoir des représentants pour l’éducation, pour l’environnement, pour le travail, pour les affaires étrangères. Il faut refonder la démocratie totalement. Et retrouver une confiance entre les Français et leurs institutions, avoir plus de démocratie. Maintenant, tout le monde ne veut pas de la démocratie directe, tout le monde ne veut pas voter tous les jours. Il faut qu’on puisse trouver nos représentants d’une autre façon.