dav Home Comunidade Ti Álvaro Bento: souvenir du ‘poilu’ de AlcariaAntónio Marrucho·30 Novembro, 2018Comunidade «Oh rapaz sai aí de casa». Voilà une phrase simple qui restera. Je traduis… ou plutôt j’indique le sens par: «sort de la maison, vis ta jeunesse, fais des bêtises». Notre maison, là où nous sommes nés, était d’un côté de la rue, la sienne de l’autre coté. Notre fenêtre tournée vers la rue, donnait sur sa fenêtre. Il ne faisait pas partie de la famille, et pourtant… on l’appelait Ti Álvaro Bento. Un personnage… un sacré personnage. Il a été pendant longtemps le Regedor du village. Le représentant de l’autorité, une espère de gardien moral et de la moralité du village. La fonction de Regedor a été créée au Portugal en 1836 et sa fonction a été dissoute en 1977. Il était le représentant de l’Administration centrale auprès de chaque commune. Il n’y avait pas de gendarmerie, pas de police à Alcaria. Ti Álvaro Bento était appelé, pas souvent heureusement, à régler des conflits, à séparer, à faire respecter l’autorité. Malgré sa gentillesse et sa bonne humeur, son intervention était généralement efficace. Quand une bagarre éclatait dans une des tavernes du village, Ti Álvaro s’imposait et imposait son autorité. Ti Álvaro Bento est né le 06 mars 1895 et nous a quitté le 07 avril 1987. Dans les années 1980, alors que nous terminions nos études universitaires et que nous animions la première émission de radio en portugais dans la région Lilloise, sur radio Boomerang, lors d’un voyage au Portugal, nous avons voulu interviewer la personne la plus âgée du village. L’un de nos objetifs étant d’un jour faire une monographie d’Alcaria. Ti Álvaro Bento était, à l’époque, la personne la plus âgée du village. Nous avons demandé à l’un de ses fils, chez qui il séjournait à l’époque, l’autorisation de l’interviewer et de l’enregistrer. On était au début du printemps, le temps était encore un peu frais. Nous l’avons visité 3 après-midis. Seuls, au coin du feu, nous avons parlé pendant des heures, 5 d’elles sont enregistrées. Nous lui avons posé des questions sur l’arrivée des premières voitures au village, des routes, de l’arrivée de l’électricité, des difficultés de la vie et de ses petits bonheurs. Chose qu’il ne mettait pas en avant, mais dont nous avons eu connaissance, sa participation à la première Guerre mondiale, au sein du Corps Expéditionnaire Portugais (CEP). De cela a été aussi question dans l’interview que nous avons faite. Le bonhomme, malgré l’âge, était et paraissait encore en bonne forme, lui qui a dû élever une famille de plusieurs enfants. Il avait le don de la plaisanterie et savait encore dire quelques phrases en français, telle que «comment ça va mademoiselle»… il nous a même cité le prénom d’une d’elles. Ses souvenirs, son image, nous la gardons dans notre mémoire, ses dires sont pour l’instant encore sous cassette. Comment ne pas être marqué par ce qui a suivi notre échange? De retour en France, nous avons passé quelques bouts d’interview sur radio Boomerang et quel ne fût notre choc d’apprendre, 15 jours plus tard, que Ti Álvaro Bento venait de quitter ce monde. Beaucoup d’entre nous parlent parfois du destin. Le destin de Ti Álvaro Bento a voulu qu’il nous laisse quelques-uns de ses souvenirs, 15 jours avant d’entamer son grand voyage. Trente-cinq ans nous séparent de cette date. Cette semaine des recherches sur le thème du Corpo Expediciánario Português nous ont conduit jusqu’à Ti Álvaro Bento. Jusqu’à ses paroles, jusqu’à ses souvenirs, jusqu’à nos souvenirs. Une espèce de retrouvailles,… de renaissance. Notre enquête aboutit à sa fiche de soldat au sein du CEP. C’est émouvant. Je partage avec vous: Álvaro Bento a fait partie du Régiment d’Artillerie n°5 et avait comme plaque d’identité le numéro 70.848, soldat sergent n° 467 de la 3ème Batterie. Il a embarqué à Lisboa le 25 juillet 1917 et est revenu à Lisboa à bord du bateau auxiliaire Pedro Nunes, le 21 mai 1918 après 10 jours de voyage. Pour des raisons de santé il est resté peu de temps dans les champs de bataille. Il est mis en arrêt entre le 3 et le 8 octobre 1918. Un nouvel arrêt lui est ordonné le 14 février. Le même jour il est évacué vers l’hôpital. Il rejoindra l’hôpital n°32 le lendemain, il sera jugé inapte pour le service le 27 mars. Le 11 mai il embarque pour le retour au pays. Voilà un peu d’histoire de l’un des poilus portugais, un poilu de notre village, Alcaria, Fundão. On s’entendait bien avec Ti Álvaro Bento. Nous ne sommes pas nés, évidemment, la même année, toutefois notre date anniversaire de naissance, à un jour prêt, était la même. Ti Álvaro Bento restera pour nous, un exemple par sa droiture, sa bonne humeur. Son souvenir et quelques unes de ses phrases resteront: «oh rapaz sai aí de casa». Nos articles? Ils sont déjà une manière de «sair de casa»… de dépasser, de sauter des barrières. [pro_ad_display_adzone id=”17510″]