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À Descoberto: un couple franco-portugais produit du safran au Portugal

Il reste un Portugal à découvrir – celui de l’intérieur, celui même qui en cet été 2017 a une nouvelle fois été la proie des feux.

C’est là que nous avons découvert deux passionnés dans un village des plus reculés du Portugal. Cela ne s’invente pas, puisque le nom de ce village est Descoberto. Située à 35 kilomètres de Fundão, cette annexe fait partie de la commune de Bogas de Cima.

Nous avons comptabilisé 30 personnes y vivant pendant l’année, chiffre qui quadruple pendant les mois de juillet et d’août. Moment où les enfants du village reviennent à ses origines, laissant derrières eux 11 mois de labeur en terres de France, Suisse, Allemagne et Amériques.

Descoberto fait partie de ce qu’on appelle les villages du schiste. Villages qui ont eu leurs années de gloire entre 1950 à 1960, grâce à l’exploitation des forets de pins, la résine, le charbon et minéraux.

L’air y est pur, le temps semble s’y être arrêté. C’est un peu vrai… quoique.

On y compte encore deux établissements commerciaux, deux cafés… qui sont bien plus que cela. On peut y trouver un peu de tout de première nécessité. Ils font la renommée du village: on peut y manger du chevreau, du sanglier, «maranho» et du bon fromage frais de chèvre.

De nouvelles maisons s’y construisent, d’autres sont renouvelées. Vu du ciel ou du haut du village, quelques piscines font la joie des petits et grands en période d’été.

Dommage qu’à Descoberto, comme dans bien d’autres villages de l’intérieur du pays, les routes macadamisées n’y soient arrivées que depuis une vingtaine d’années. Les parcs d’éoliennes qui peuplent l’horizon ont contribué à l’adaptation des infrastructures avec de nouvelles routes et ponts. Les villages se sont rapprochés des villes. Rapprochement tardif, ce qui a favorisé l’immigration et la fuite de la population vers les centres urbains.

A Descoberto comme dans de nombreux villages de l’intérieur du pays, les écoles ne fonctionnent plus, les naissances sont rares, voire inexistantes depuis des décennies.

Malgré de nombreux handicaps, la résistance s’organise et on voit ici et là, naître, voire renaître quelques idées originales.

C’est avec fierté qu’on nous a fait visiter la chapelle nouvellement rénovée de Nossa Senhora do Desterro. On y contemple un autel qui n’existe qu’à quatre exemplaires au Portugal. La fête du village a lieu tous les 15 août.

Là aussi on s’adapte: on remplace les offrandes par un repas familial. On a refusé du monde ce 15 août 2017, 240 personnes s’y sont attablées pour un repas, tout compris, au prix de 10 euros.

En 2005, en un peu moins de 30 minutes, les montagnes qui entourent le petit village, ont été détruites par les flammes. La forêt y repousse, on s’y promène avec plaisir. Nous, les citadins, on peut y vivre des moments rares: la solitude voulue, bénéfique, ressourçante, interrompue par le chant d’un oiseau, le bruit de l’éolienne ou par l’écureuil qui remonte l’arbre, surpris qu’il fût par notre présence.

 

L’or rouge de Descoberto

Au bon miel sauvage, très foncé et épais, Descoberto attire la curiosité: on y cultive depuis peu une épice rare et de qualité, l’or rouge, le safran.

Idée un peu folle, ou peut-être pas, d’un couple franco-portugais. José Francisco en retraite est originaire du village et Michelle Birot sa campagne, ancienne ostréicultrice du coté de Royan. Ils se sont lancés dans la production de ce précieux condiment depuis 2014.

Nous avons découvert, à la fin septembre, ce couple qui guettait comme s’il s’agissait d’une naissance, les bourgeons qui commençaient à sortir de terre. Les petites feuilles et fleurs, ces êtres fragiles, ne durent que trois semaines. Trois semaines d’intense travail pour cette cueillette miraculeuse et minutieuse. Il faut éviter que les précieux filaments ne tombent par terre, anéantissant des heures de travail. Il faut de 150 à 200 fleurs pour un seul gramme de safran en poudre. La poudre sera travaillée et séchée: de la cueillette de 3 grammes, après le séchage il en restera qu’un gramme, les trois stigmates de chaque fleur après séchage perdent ainsi grande partie de leur poids. Un petit four électrique est utilisé pour cette transformation assez délicate.

Cultivée sur deux champs, José et Michelle veillent sur leur culture, leur trésor, qui dans le village peut être détruite par des animaux sauvages, tel que le sanglier.

Comment est née l’idée de cultiver au Portugal la fleur du safran? Tout simplement en regardant une émission de télévision sur la plus importante et célébré safranière de France, Véronique Lazarat. Installée à Fontanières dans la Creuse, c’est là que cette dernière produit et explore le Safran.

Michelle a suivi une formation chez Véronique, et la voilà prête pour devenir une des rares safranières du Portugal.

L’élève dépassera même la formatrice, puisque tous les ans afin que le safran de Descoberto soit certifié, Michelle envoie un échantillon à Gardane pour qu’il soit examiné et certifié. La qualité du safran se fait sur une échelle de trois niveaux. Le safran de Descoberto est certifié comme ayant le niveau le plus haut.

En 2016, 33 mille fleurs furent cueillies dans le petit village, normalement tous les ans la production doit augmenter d’un tiers. Cultivées entre le 15 juillet et le 15 août, les premières fleurs vont être coupées à la mi-octobre.

Voilà une idée de voyage dépaysant, instructif à l’intérieur du Portugal. Michelle et José se feront un plaisir de vous accueillir pour vous expliquer leur travail, vous faire participer à celui-ci et vous faire goutter le gâteau et thé safrané.

 

Les prétendues vertus médicinales

Le safran qui est connu depuis bien des siècles a lui aussi ses légendes: Michelle vous racontera la légende qui dit que Cléopâtre colorait son bain avec du safran. Les prétendues vertus médicinales remontent ainsi bien loin dans le temps. Le safran teintait les cheveux et a été utilisé dans la peinture.

Très concentré le safran est utilisé en petites quantités: 1 gramme suffit à agrémenter 75 à 150 plats de paella.

La culture de ce bien précieux se fait sur 3 semaines, il y a toutefois le travail de l’avant et celui de l’après. Très exigeant, le safran, aime les terres qui ont été en jachère, on peut le cultiver dans la même terre entre 4 à 8 ans. Entre deux, et afin d’éviter qu’elles ne s’étouffent en se multipliant, il faut les trier, et les planter ailleurs. Après la période de 4 à 8 ans de culture, il faut mettre la terre au repos de cette culture le double du temps, soit entre 8 à 16 ans.

Voilà bien des raisons qui expliquent la cherté et rareté du safran.

Commercialisé à Descoberto sous le nom de «Açafrão da Lusitânia» il est moins cher de 50% que celui vendu en France. Ce même safran qui enrichit les confitures artisanales de Michelle: confiture de figue, d’orange, de fraise, de framboise… on pourra même goûter le vinaigre blanc safrané de Michelle.

Nous espérons vous avoir donné envie de découvrir le Portugal de l’intérieur. L’exemple de la safranière est là pour prouver qu’il est possible de se reconvertir et de faire pousser des idées et produits de qualité là où on s’y attendrait le moins.

Le Portugal de l’intérieur a souffert et souffrira encore pendant longtemps, l’espoir est toutefois là, dans des initiatives collectives, mais aussi individuelles.

L’exemple n’est pas des meilleurs, toutefois il est là pour prouver que des choses peuvent repousser là où le drame et les cendres sont encore présents: trois mois après le drame de Pedrogão Grande, les eucalyptus repoussent.

Le terrain et la nature sont souvent généreux, à l’exemple du safran de Descoberto, pourvu que l’homme soit respectueux et intelligent.

 

Açafrão da Lusitânia

Descoberto

acafraodalusitania.com

acafraodalusitania@hotmail.com

 

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