LusoJornal | Mário CantarinhaDiscours de Laurent Jeanne, Maire de Champigny, lors de l’inauguration du rond-point Linda de SuzaMário Cantarinha·Comunidade·9 Outubro, 2025 Monsieur l’Ambassadeur du Portugal en France, Francisco Ribeiro de Menezes, Madame la Consule-générale du Portugal, Monica Lisboa, Monsieur le Sénateur Christian Cambon, Monsieur João Mansa, fils de Linda de Sousa, Mesdames, Messieurs, les représentants des associations, chers élus, chères Campinoises, chers Campinois, chers Amis, Le vendredi 6 janvier 2023, j’étais, comme beaucoup de fans de Linda de Sousa, présent pour ses obsèques. Aux côtés de son fils, João Lança, j’annonçais lors de ma prise de parole en l’église de Gisors que notre ville de Champigny-sur-Marne rendrait hommage à Linda de Sousa en donnant son nom à un lieu de notre ville. C’est aujourd’hui chose faite, en ce jour si symbolique de la fête de la République du Portugal. Je suis très ému et très fier de notre initiative ce dimanche matin pour l’inauguration du rond-point Linda de Sousa. . Un mot sur le choix de ce lieu. Nous sommes ici, où était le ‘bidonville’. C’est donc particulièrement symbolique. Un lieu de l’histoire de l’immigration portugaise. Ici, toute cette partie-là, c’était le ‘bidonville’. Et puis, vous aviez juste à côté, ce qu’on appelait – certains s’en souviennent – l’école du Claudebourg où les Portugais et les Français se rencontraient. C’est devenu maintenant l’école Eugénie Coton. . Par ailleurs, ce rond-point va devenir prochainement, avec l’arrivée du Grand Paris Express, un lieu très important de passage. Un lieu très important parce que, ici, beaucoup de flux vont passer pour aller à la gare du Grand Paris Express puisque, juste à côté, nous aurons le centre de remisage et le poste de commandement de l’intégralité de la 15, la ligne 15 qui fait le tour de l’Île-de-France. Et donc, aujourd’hui, ce lieu va être un lieu de passage pour aller à la gare. Un peu comme, un peu au-dessus, nous avions un lieu de passage pour aller prendre le bus qui faisait la liaison entre le Portugal et Champigny. Aujourd’hui, il y a aussi beaucoup de Portugais qui rejoignent leur pays avec l’avion. Nous serons à 30 minutes d’Orly avec cette gare. Donc, au fond, c’était assez logique d’aller dans ce sens. Ce lieu est un point de connexion particulièrement important pour notre ville. Il va être aménagé en rond-point à la Hollandaise pour faciliter le passage et faire en sorte que les vélos puissent circuler. . À travers cette inauguration, nous rendons hommage avant tout à une femme exceptionnelle et populaire, à une icône d’origine portugaise. Nous rendons hommage à un parcours admirable de détermination et de courage. Ce parcours, c’est celui de Teolinda Joaquina de Sousa Lança. Née le 22 février 1948 au Portugal, à Berengel, en Alentejo, dans une famille pauvre de 8 enfants. Linda de Souza est en pension chez les religieuses dès l’âge de 5 ans. Elle quitte l’école à 11 ans. Elle devient femme de ménage et travaille à l’usine. Elle arrive en France en 1969, fuyant la dictature de Salazar. Cette date du 5 octobre n’a donc pas été choisie au hasard. Chaque année, le 5 octobre, le Portugal célèbre en effet l’établissement de la première République en 1910. Ce 5 octobre est donc une date pour célébrer la liberté. La liberté que Linda de Suza est venue chercher dans notre pays, en France, notre pays qui est aussi devenu le sien. En effet, Linda de Suza est le véritable trait d’union entre nos deux pays, entre nos deux cultures. . Linda, par son parcours, force l’admiration. Arrivé dans le bidonville de Champigny avec sa valise en carton et son fils sous le bras, comme elle disait, João, avec lequel j’ai partagé un moment particulièrement émouvant, il y a avant-hier à Radio Alfa. Linda a su gravir les échelons de la réussite artistique pour être une des plus belles interprètes de nos deux langues, la langue portugaise, bien sûr, mais aussi la langue française. Elle a su devenir la porte-parole des sans-voix, de ceux qui, comme dans le bidonville de Champigny, le plus grand d’Europe, près de 15.000 habitants, tous ceux qui craignaient les représailles de la PIDE, la police politique du régime de Salazar. Elle aurait pu être uniquement cette porte-voix, cette artiste populaire d’une communauté, grâce à son caractère, sa générosité et son amour du public. Elle a su aller bien au-delà. Elle est devenue une chanteuse populaire, autant pour les Portugais que les Français. À une époque où les émissions du samedi soir rassemblaient entre 10 et 20 millions de téléspectateurs, elle était régulièrement présente sur les plateaux des télés, notamment de Michel Drucker. . Dans les années 1960, plus de 150.000 personnes sont passées par le bidonville de Champigny et ont vécu des conditions difficiles, précaires et d’insalubrité. Qualifiée, Monsieur l’Ambassadeur, de la seconde capitale du Portugal, beaucoup de Portugais sont venus chercher de l’emploi, mais aussi de la liberté. Ils s’étaient établis dans le secteur du plateau, à Champigny, dans ce bidonville fait de baraques. Ces premiers inconnus, ces portos – comme certains les nommaient – allaient vivre l’isolement. Les responsables politiques locaux d’alors rejetaient les premiers arrivants, voyant une concurrence pour le travail des Français, comme l’a bien décrit l’historienne Marie-Christine Volovich-Tavares dans son livre consacré au bidonville de Champigny, «Le temps des baraques». Puis l’action municipale est venue, avec l’engagement de Louis Talamoni pour gérer une situation difficile. Malgré ces conditions difficiles, l’esprit de solidarité a animé notre ville. La souffrance n’a pas empêché les habitants du bidonville d’être dignes. La saudade était là, mais les amitiés seront forcées entre les compatriotes et avec les Français. La statue «Je viens de toi», de Rui Chafes, que vous pouvez admirer ici, est un hommage à ces hommes et à ces femmes de l’immigration portugaise. Je remercie très sincèrement nos deux associations, l’APSCR et les Amis du Plateau, nées toutes les deux avant la Révolution des œillets de 1974, qui portent cet héritage, cet âge de l’immigration portugaise qui a marqué notre histoire. . J’ai pu rencontrer et échanger à deux reprises avec Linda de Sousa, ici même, au Plateau, et j’ai toujours aimé cette femme généreuse et spontanée. Elle n’est qu’une icône, bien sûr, mais elle est aussi un symbole. Le symbole de l’ascension sociale, d’abord. Arrivée avec sa valise en carton, le titre de son récit autobiographique, qui a permis la vente de plus d’un million d’exemplaires, elle arrivait en France enchaînant plusieurs métiers, pour femme de chambre. Par la suite, elle chante dans le bistrot Chez Louisette, à Saint-Ouen, reprenant Gigi Lamourodzo de Cheila. Elle deviendra célèbre grâce à l’émission «Les rendez-vous du dimanche» de Michel Drucker. Linda de Suza est ensuite un symbole de l’amitié franco-portugaise. Dans les années 70 et 80, elle est la personnalité emblématique de la Communauté portugaise en France. Elle est devenue une véritable ambassadrice de la chanson populaire. Lors d’une de mes rencontres avec Linda de Sousa, j’ai pu aussi partager un élément un peu moins connu, son engagement pour l’Europe. C’est elle qui fut la Marraine de l’entrée du Portugal dans l’Union Européenne en 1986. . Je me réjouis aujourd’hui, toujours de nos échanges réguliers avec notre commune jumelle d’Alpiarça, située dans la région de Lisboa. Je salue l’engagement d’Henrique Ribeiro, Conseiller municipal délégué au jumelage et au tourisme, qui fait vivre notre amitié franco-portugaise, avec notre Présidente du Comité de jumelage, Nicole Ferrance. Linda de Suza est tout simplement un symbole de réussite, avec plus de 40 millions d’albums vendus et des titres incontournables, tels que «Un Portugais» ou «Tiroli Tirola». Les plus grands lui ont écrit des chansons, de Charles Aznavour à Didier Barbelivien, en passant par Jean Ferrat. Elle a été sur le podium de la chanson française, en adaptant les plus grands succès de sa langue natale, le portugais. . C’est à Champigny qu’elle tiendra son dernier concert, en 2019, avant de nous quitter en décembre 2022, à Gisors. Je crois pouvoir dire que l’héritage de Linda de Suza est double. Matériel, bien sûr, avec son répertoire extraordinairement riche et populaire, mais aussi immatériel. Elle a été le visage et la voix de tous les Portugais, en les montrant tels qu’ils sont, généreux et conviviaux. Merci, Linda, pour cet héritage. Champigny aujourd’hui t’honore, en te remerciant au nom de tous les Portugais de France et de tous les Français. Je remercie Monsieur l’Ambassadeur, Madame la Consule, qui nous font l’honneur de leur présence. Je remercie aussi João, qui va nous interpréter un hommage à sa maman, et à toute la famille de Linda de Suza, pour votre venue. Je perçois Anna, la nièce, Présidente du fan club de Linda. Je pense qu’il est toujours important de faire vivre cet héritage, et n’en déplaise à certains mauvais commentateurs télé. Je pense que cette œuvre a besoin d’être encore connue. Merci également à l’APSCR, à son Président, Fernando Filipe, ici présent. Avec l’APSCR, nous préparons aussi une statue de Linda Suza, et nous aurons une stèle avec Les Amis du Plateau, qui sera installée prochainement, et que chacun pourra voir en passant sur le rond-point. La représentation de Linda de Sousa sera bien ici. Je remercie par ailleurs toutes nos associations, qui font vivre notre identité campinoise, riche de sa diversité, comme nous avons pu le faire lors du dernier Festival Cuisine et Musique du Monde. Avant de laisser la parole à Monsieur l’Ambassadeur, je tiens enfin à remercier les services de la ville, comme ceux du Département, et notamment le Président du Département, puisqu’ici nous sommes dans le Parc Départemental, pour l’organisation de cette inauguration, qui contribue à faire, de ce moment, une réussite. Merci Linda, merci à tous pour votre présence.