La légende de la «Sopa de Pedra», «Soupe de pierre» au Portugal


Notre système digestif est à la peine ces jours-ci, les fêtes de fin d’année lui donnant du fil à retordre, le soulagement et la mise en ordre pouvant venir du «Caldo verde», la «Soupe verte».

Nous avons choisi une autre voie, nous enfonçons le clou, en vous racontant la légende de la «Sopa de pedra», la «Soupe de pierre».

Almeirim est une ville portugaise d’un peu plus de 23 mille habitants, faisant partie du district de Santarém, située au cœur de la région du Ribatejo, au bord du fleuve Tejo. La ville est, entre autres, connue pour son melon, «Melão de Almeirim» et sa «Sopa de Pedra», «Soupe de pierre».

Le Melão de Almeirim est une dénomination protégée. On sait qu’il a été introduit dans la région à l’époque islamique du Portugal. Mais de quand date la «Sopa de pedra»?

La région, la ville, par excellence de cette recette, est bien Almeirim, toutefois, sa légende remonte dans un passé plus ou moins lointain, difficile à déterminer, à plusieurs siècles en arrière de notre XXIème.

Comme toute légende, les versions peuvent différer un peu. Selon José Hermano Saraiva, un des historiens majeurs du XXème siècle du Portugal, un vulgarisateur henné de l’histoire sur la chaîne de télévision RTP, il y a très longtemps, la ville d’Almeirim n’existait pas, il n’y avait que quelques maisons ici et là, dispersées dans les champs, des maisons de gens pauvres, mais qui vivaient et subsistaient avec ce qu’elles produisaient.

Un moine, venu de Santarém, appartenant à un ordre mendiant, probablement un Franciscain, s’arrête sur ces lieux. Venant de loin et ayant faim, il fait appel aux gens rencontrés, leur demandant pour aumône, un plat de soupe. Personne n’avait de soupe à donner au mendiant moine.

Ce dernier regardant par terre, ramasse une pierre et demande à une des personnes rencontrées s’il peut faire chez lui une soupe avec la dite pierre. La réponse étant affirmative, il demande à emprunter un poêle à trois pieds en fer déjà bien noirci. Le moine met la pierre dans le poêle qu’il remplit d’eau. Les braises viendront faire le travail.

Les voisins curieux se rassemblent autour du feu pour constater le résultat. Ils voulaient savoir comment le moine allait réussir à faire une soupe avec une simple pierre.

Le moine dit : – S’il y avait un peu de sel… et un voisin ramène un peu de sel.

– Ceci avec des haricots, cela serait bien… Un autre voisin ramène des haricots.

– Avec de l’oignon… Un autre voisin ramène de l’oignon.

Et ainsi de suite… ail, piment, saucisses…

– Avec quelques légumes… Un voisin va au jardin et ramène quelques légumes.

Arrivent de la part d’un autre voisin le coriandre, feuille de laurier…

– Et maintenant un peu de «chispe», pied de porc…

Avec des pommes de terre, tout ceci a commencé à bouillir.

Après un certain temps de causerie, le moine retire le lourd poêle du feu, les voisins bien curieux se demandaient quel serait le résultat.

Le généreux moine sert la soupe à tout le monde… une soupe magnifique, soupe qui deviendra mythique et qui se mange, de nos jours, un peu partout au Portugal et tout spécialement à Almeirim.

Une soupe qui a une morale, qui ne nous apprend que, quand tout le monde aide, il n’y a rien qu’on ne puisse pas réussir à faire.

Bon, n’allons pas jusqu’à créer un nouveau Graal, toutefois, où est la première pierre de la sainte soupe ? Peut-être la même que celle que Jésus a cité devant Saint Pierre : «tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon église» ou à côté de la pécheresse et devant les hommes : «que celui qui n’a jamais péché, lui jette la première pierre»… un symbole.

Allez, mains aux fourneaux. Si vous avez 1h20 de votre temps. Vous pouvez faire une «Sopa da pedra» à condition que vous ayez pour 5 personnes les ingrédients suivants : 20 grammes d’oreille de porc, 1/2 chorizo de viande, 1/2 boudin noir, 800 grammes de choux, 250 grammes de haricots rouge trempés, 2 bonnes pommes de terre, un grand oignon, 1 grande gousse d’ail, 1,5 litre d’eau, 2 cuillères à soupe d’huile d’olive, une cuillère à café de cumin en poudre, un brin de coriandre, 1 feuille de laurier, sel… un caillou bien lavé… beaucoup d’amour.

Ça se mange même sans appétit, pourvu qu’on ne soit pas végétarien, vegan ou sur une phase de régime !

Et gardez la pierre… elle peut vous servir pour la prochaine soupe.

LusoJornal