Opinion: Les oliviers de Manuel

Quand Manuel a décidé de quitter le Portugal, il savait juste que la France était loin et combien il allait falloir payer au «passeur». Rien d’autre.

Depuis toujours il travaillait dans les champs. La vigne et les oliviers n’avaient aucun secret pour lui. Depuis tout petit il ratait l’école pour aller faire les vendanges – celles de ses parents et celles des voisins qui venaient à leur tour les aider – et pour ramasser les olives. Le vin et l’huile d’olive étaient les deux trésors de la maison,… du village.

Quitter le pays était une question qui ne s’était jamais posée. Jusqu’au matin où il a été appelé pour ses «trois jours»! C’est son père qui a négocié le prix avec le «passeur». Il s’est endetté pour que Manuel échappe à au moins trois ans d’armée dans les ex-colonies africaines du Portugal. La guerre coloniale avait déjà fait suffisamment de victimes. Salazar, le dictateur portugais, ne voulait pas qu’il se sauve. Mais Manuel, António, João, José et tant d’autres sont partis, la nuit, à pied, pour essayer de semer aussi bien les gardes portugais que les gardes espagnols.

Tous les immigrés connaissent leur date d’arrivée en France. Manuel aussi. En passant la frontière il a aussi changé de métier. La France a fait de lui un maçon qualifié. Adieu les vignes, les oliviers… La vie dure que Manuel menait en France, n’était pas plus difficile que celle qu’il avait eue au Portugal. Il travaillait beaucoup, mais désormais, il rentrait chez lui, le soir, avec l’espoir d’une vie meilleure. C’est cet espoir qui l’a fait vivre, libre, en paix.

Il a transmis à ses enfants les valeurs du travail, de la famille, du respect d’autrui. Il a appris à respecter la «France pays d’accueil». Les enfants de Manuel, ceux d’António, de João, de José et des autres sont architectes, médecins, avocats, chefs d’entreprise, artistes,…

Manuel vit aujourd’hui entre la France et le Portugal. Salazar est parti depuis longtemps, mais les vignes et les oliviers sont toujours là.

Au Portugal, Manuel ne perd pour rien au monde les vendanges, la cueillette des olives, mais il y va également pour le Bacalhau à Gomes de Sá, le Leitão à Bairrada, la Carne de Porco à Alentejana, et pour les Pastéis de nata… Ah les Pastéis de nata qui manquent à tant de Portugais…

La France, Manuel y revient souvent, pour passer du temps avec ses petits enfants et… parce que sa «terre d’accueil» lui manque!

Il y a en France plus d’un million de Portugais. Plus de 10% de la population du Portugal est ici. Mais ça ne se voit pas. Hélas? Non, c’est très bien ainsi!

 

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LusoJornal