Home Comunidade Un conte de Noël: les Portugais vous disent merci, Mr Donald LoofAntónio Marrucho·22 Dezembro, 2019Comunidade L’histoire que nous allons vous raconter, nous allons l’appeler: notre conte de Noël 2019. Une découverte pour nous, pour vous. Jugez-en. Il y a eu le Juste de Bordeaux, le Consul Aristides de Sousa Mendes, qui pendant la 2ème Guerre mondiale a sauvé 30 mille personnes, dont beaucoup de Juifs en leur délivrant des visas. L’histoire que nous allons vous raconter n’est pas du même ordre, il y a toutefois, aussi, une question de frontière. Ronald Loof a été un passeur de frontière à sa manière. Nous l’avons croisé au Mémorial Britannique de Ploegsteert (Belgique) le 11 novembre dernier, lors des cérémonies de l’Armistice, à quelques centaines de mètres du «No man’s land», là où a eu lieu la trêve de Noël avec la réalisation du match de football entre les troupes allemandes et anglaises, le 25 décembre 1914. Ronald Loof est un jeune homme de 74 ans, retraité, ancien fonctionnaire de police, son papa ayant été Conseiller communal pendant 34 ans. Ses grands-parents paternels ont vécu dans une ferme au Flanc Four (Roncq). Son arrière-grand-mère a eu 21 enfants, dont 16 survécurent. Parmi les 16 enfants, 8 ont participé à la I Guerre mondiale, 4 engagés côté belge et 4 engagés côté français. Ces quatre derniers ont perdu leur vie pendant ledit conflit. Très jeune, Ronald Loof est attiré par la défense des plus pauvres, les plus démunis, ce qui l’a conduit, à l’âge de 16 ans, à s’affilier à la Jeune garde socialiste. Il s’intéresse par ailleurs à tout ce qui est en rapport avec la transmission et l’évocation du devoir de mémoire. Il est très actif dans le chantier de la mémoire sur le plan communal de la ville de Mouscron, en Belgique. Ronald Loof est rentré très jeune dans la police Belge. C’est là qu’il va avoir à faire à des jeunes portugais de son âge, venus clandestinement du Portugal, fuyant la dictature de Salazar et voulant échapper aux guerres coloniales. Cela s’est passé au début des années 1970. Arrivés sur la région Lilloise (Roubaix, Tourcoing, Wattrelos), les jeunes Portugais obtenaient des autorisations pour travailler en France. Pendant les fins de semaine, et étant donné que, de ce côté de la frontière, la jeunesse n’avait pas beaucoup de distractions, les jeunes Portugais ont voulu imiter les amis Français qui, le samedi et le dimanche traversaient la frontière pour aller en boîte de nuit, boire une bière au centre de Mouscron ou tout simplement acheter du tabac en Belgique. Or, le document français délivré aux jeunes portugais, ne permettait pas de traverser la frontière. Les jeunes portugais étaient refoulés ou alors ils devaient se cacher, de peur d’avoir des problèmes avec les autorités belges. Ronald Loof, qui avait beaucoup de peine et sympathie pour ces jeunes portugais, s’est pris de compassion pour eux, alors qu’il travaillait au Commissariat de Police de Mouscron. Il va inventer un document, à son risque et péril. Ronald Loof délivre dans un premier temps à un jeune Portugais qui parlait français, ce qu’il va appeler un «Document de circulation». Il s’agissait d’une carte avec photo cachetée qui permettait de rentrer en Belgique, d’aller en boîte, de se promener, entre autres, dans le centre-ville de Mouscron. Pour la délivrance, de ce «document», il fallait tout simplement une photo et un document d’identité. De bouche à oreille, les jeunes portugais ont eu l’information. La demande de ce type d’écrit s’est vite accentué. C’est là que quelques ennuis commencent pour ce jeune socialiste. Le fait de la délivrance du «Document de circulation» est arrivé sur le bureau du Procureur du Roi. Ronald Loof risquait l’expulsion de la Police. Sa chance est venue du fait que, ledit Procureur, pendant la II Guerre mondiale, avait lui-même été amené à délivrer des faux documents en sa qualité de Résistant. Ronald Loof s’en est tiré avec une réprimande verbale, pouvant poursuivre sa carrière dans la police Belge. Après sa retraite, il a continué d’être très actif au niveau associatif. Il est ce qu’on appelle un «Passeur de mémoire». On le retrouve dans les différentes cérémonies patriotiques aux alentours de Mouscron, ainsi que dans les écoles et lycées pour assurer la transmission de la mémoire. Le samedi 5 octobre de cette année, il se rend au square du Pignon Noir, à Mouscron. Et pour cause! On commémorait le 75ème anniversaire de la Libération de Mouscron. Il a été également, ce mois d’octobre, intronisé Baillis, du fait de son appartenance à plusieurs associations patriotiques. Intronisation qui a eu lieu dans le Chœur de l’église des Pères, récemment désacralisée, en présence du grand maître Roby Van Daele et de ses comparses. Le titre de Baillis est attribué aux personnes reconnus par ses services. Ronald Loof, un homme avec des principes. Un homme simple, son histoire avec les jeunes Portugais serait restée confidentielle. Notre rencontre a permis d’évoquer, par notre simple article, une «petite» histoire, qui restera de l’immigration portugaise de l’agglomération lilloise. Notre rôle, le rôle de LusoJornal: un passer de mémoire à notre façon, par l’écrit, par le registre de telles histoires. L’histoire en construction. [pro_ad_display_adzone id=”25427″]