Lusa / Tiago Petinga

Carlos do Carmo a rejoint le pantheon des fadistes

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La nouvelle année commence bien tristement pour le fado: le 1er janvier, Carlos do Carmo a rejoint le Panthéon des fadistes après soixante ans de carrière. C’est peu dire qu’il a joué un rôle important dans l’évolution du fado, l’appui aux nouveaux talents, poètes, interprètes, compositeurs, musiciens, l’action pour la reconnaissance culturelle internationale du fado et, plus discrètement peut-être mais avec constance compagnon de route de la gauche portugaise, la défense des libertés.

Fils d’une grande dame du fado, Lucilia do Carmo et du propriétaire d’O Faia, l’une des maisons de fado les plus réputées de Lisboa, il termine ses études en Suisse, dont il reviendra maîtrisant cinq langues, dont un excellent français. A la mort de son père, il assume la gérance d’O Faia en 1962, il a 23 ans, et commence à s’intéresser au fado, alors que ses goûts dans l’adolescence le portaient plutôt vers la musique brésilienne et même Franck Sinatra, dont il admirait la technique, ou Jacques Brel, dont il révérait l’inspiration. Premier 45 tours en 1964, accompagné par l’orchestre de variétés de Mário Simões, dans lequel il reprend un fado du répertoire de sa mère, «Loucura», premier succès.

C’est dans les années 1970 que la carrière de Carlos do Carmo prend son envol, marqué notamment, en 1977, par la parution de «Um homem na cidade», véritable ode à Lisboa et à la liberté, douze titres tous écrits par le poète et militant José Carlos Ary dos Santos, sur des musiques nouvelles signées par des compositeurs de plusieurs générations, dont le violiste Martinho d’Assunção, qui l’accompagnera durant de longues années. Plusieurs de ses titres sont devenus des classiques, et la conception même de l’album marquera durablement l’évolution du fado jusqu’à aujourd’hui.

Carlos do Carmo, abandonnant la gestion d’O Faia en 1979, commence alors une carrière internationale intense, qui ne prendra fin que 40 ans plus tard, quand il annonce sa retraite des spectacles sur scène: il a alors 80 ans et nous quittera treize mois plus tard, non sans avoir préparé un dernier album. Au-delà de ses tournées dans le monde, et régulièrement en France, Carlos do Carmo aura joué un rôle majeur dans l’inscription du fado au Patrimoine culturel immatériel mondial de l’humanité. Il aura soutenu la carrière ou collaboré avec beaucoup de celles et ceux qui sont aujourd’hui au firmament du fado, dont Camané, Aldina Duarte, Mariza, Carminho, Marco Rodrigues, Raquel Tavares, Mafalda Arnauth, Ana Moura, Katia Guerreiro, Cristina Branco…

Rattrapé par des problèmes cardiovasculaires qui l’avaient déjà tourmenté quelques décennies plus tôt, Carlos do Carmo, lors des quelques mots que nous avions pu échanger lors de ses dernières prestations à Paris, nous avait confié sa fatigue. Et lors de son dernier concert parisien, visiblement épuisé, il avait eu l’élégance de s’excuser auprès de son public: «Je vous dois un autre concert». On ne lui en voudra pas de n’avoir pu tenir cette promesse, et chacun, chacune de ses admirateurs pourra se composer son concert avec les multiples enregistrements sonores et visuels qu’il nous laisse: de quoi passer de longs et délectables moments avec ce grand monsieur, ce monument du fado.

 

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