Prison de Loos: des 500 prisonniers portugais de la I Guerre au dernier «train vers la mort» de la II Guerre

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«10 Avril – je suis à Lille. Je suis arrivé ce matin après avoir marché pendant 14 heures sans interruption. Depuis le Pont du Hem jusqu’à Lille on a 35 à 40 kilomètres, que nous avons fait sans nous reposer et sans alimentation. Nous sommes arrivés presque morts de fatigue et de faiblesse». On trouve ce récit dans le journal du prisonnier portugais de la I Guerre mondiale Carlos Olavo publié sous le titre «Jornal d’un prisioneiro de guerra na Alemanha».

Ce témoignage, et bien d’autres, confirment l’arrivée de plus de 7 mille prisonniers portugais sur Lille, le lendemain du début de la Bataille de La Lys. Ceci est connu.

Ce qui n’est pas connu, et qui pose question, c’est ce que nous venons de trouver aux Archives Départementaux du Nord. Cela nous pose question. Des historiens sauront-ils nous expliquer?

Le courrier est adressé le 1 mai 1918 par le Directeur de la Maison Centrale de Loos, Ministère de la Justice, Administration Pénitentiaire, à M. le Préfet du Nord, 1ère Division, 3ème Bureau.

Voici le contenu de ce qui y est écrit: «J’ai l’honneur de vous rendre compte que 500 soldats prisonniers portugais sont casernés, depuis hier, à la Maison Centrale, sous la garde de soldats allemands. Environ 300 de ces prisonniers sont partis ce matin». Par le Directeur, le Contrôleur ffons, signé Gay.

D’autres documents étaient joints au dossier consulté, toutefois pas plus d’indications.

Les questions qui se posent sont multiples: pourquoi des soldats arrivent-ils le premier mai dans une ville qui colle à Lille, alors que tous les récits connus de soldats portugais prisonniers parlent de leur arrivée à Lille le 10 avril et de partir juste après? Des 500, 300 sont partis le lendemain, vers où? Que sont devenus les 200 soldats restants?

La situation dans cette prison, comme ailleurs, n’était pas bonne avant que les soldats portugais arrivent. Voici ce qu’écrivait le Directeur de la prison, le 25 mars, à M. le Préfet – lettre signé par le Contrôleur ffons Gay: «…trente hommes de troupes sont venus occuper, il y a quelques jours, les locaux de la Maison Centrale, servant de poste aux soldats avant la guerre. Ce local, situé en face de la loge du portier principal de la Maison Central, est complètement isolé du reste de la détention, mais il est fortement question de loger à l’intérieur deux à trois mille hommes. J’ai fait ressortir les graves inconvénients qu’il y aurait à introduire des soldats, surtout en si grand nombre, dans la prison, mais je crains que le cas échéant on passe outre».

Le 30 mars, nouvelle lettre au Préfet: «Depuis plus de trois semaines, les employés de la Maison Centrale, ainsi que leurs familles, sont retenus dans l’enceinte pénitentiaire qu’ils ne peuvent franchir pour aller à Loos assurer leur ravitaillement… et assurer le traitement du personnel et des détenus libérés. J’ai écrit au Commandant pour expliquer cette situation… il a refusé de me recevoir. J’ai l’honneur de vous prier, M. le Préfet… car les services de l’établissement souffrent de cet état de chose».

 

La prison de Loos est occupée par les Allemands pendant les deux guerres mondiales. Le 1er septembre 1944 quelque chose de dramatique et difficilement compréhensible de nos jours se produit à partir de cette prison. Juste avant la libération de la métropole lilloise, un train réunissant 871 prisonniers, enfermés à la prison de Loos, essentiellement des politiques et des Résistants, et constitué en gare de Tourcoing, part vers l’Allemagne. Seuls 275 d’entre eux retrouveront leur famille. On appellera ce train: «Le train de Loos, le dernier convoi vers la mort».

Ce fut le dernier train à partir de France vers les camps de la mort allemands à seulement deux jours de la libération de la ville de Lille.

Les prisonniers sont amenés par camion, entassés à 80-90 dans treize wagons à bestiaux. Seuls 23 détenus échappent à la déportation grâce à un pneu crevé. Le convoi arrive dans la région de Cologne le 3 septembre 1944.

 

Les bâtiments de la prison de Loos n’ont pas toujours eu la même fonction. Entre 1146 et 1790, les locaux ont été occupés par des moines. Saint Bernard de passage par la région y crée en 1146 une Abbaye cistercienne. En 1789, cette Abbaye est devenue une puissance religieuse et économique, disposant de magnifiques bâtiments reconstruits vers 1750. Le département du Nord réussira à racheter les bâtiments de l’Abbaye pour en faire un hôpital militaire puis un dépôt de mendicité et enfin une maison de force, c’est l’origine de la Prison de Loos qui recevra ses premiers détenus après 1820.

C’est autour des Prison de Loos qu’ont eu lieu des combats en mai-juin 40, entre les restes de l’armée française encerclés au sud de Lille et les forces blindées allemandes fermant la route de Dunkerque. C’est dans une moitié de la Maison d’Arrêt que les Allemands vont installer l’une des plus grandes prisons allemandes au Nord de Paris. Là, seront enfermés des milliers de suspects, d’otages et de terroristes entre juin 1940 et septembre 1944.

Quelques années plus-tard, retournement de situation: dans les années 1950, la prison reçoit 150 anciens dignitaires nazis qui vont y purger leurs peines.

 

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