José Francisco Dias Manoel, fils d’un soldat portugais du CEP : un homme de combats

José Francisco Dias Manoel a eu une vie bien remplie : séminariste, ouvrier, dirigeant syndicaliste, membre du Mouvement de la Paix, membre du Comité économique et social…

Il y a des hommes, des femmes, qui sont partis dans la discrétion, qu’on a oublié, qu’il est bon de rappeler, de raconter leur histoire, c’est le cas de José Francisco Dias Manoel. Un personnage de luttes, chercheur du bien pour son prochain, pour l’humanité.

Il est fils d’un soldat portugais de la I Guerre mondiale.

Le père de José Francisco Dias Manoel était Manuel Dias Nunes, soldat du Corps Expéditionnaire Portugais. Ce dernier est né le 15 décembre 1895, à Paranhos (Seia) et était fils de Francisco Dias, de profession boulanger et de Delfina Nunes, sans profession.

Manuel Dias Nunes a embarqué à Lisboa le 19 janvier 1917. Au service du Corps Expéditionnaire Portugais (CEP), il faisait partie du dépôt de la Base, ayant toutefois, pour des problèmes de santé, passé plusieurs mois à l’hôpital. Il quitte le CEP le 10 mai 1919 et s’installe au 62 rue des Soupirants, à Calais.

Manuel Dias Nunes et Louise Anne Marie Playe, née à Wimille le 13 septembre 1893, se marient le 15 juillet 1922 et élisent domicile au 79 boulevard Clocheville, à Boulogne-sur-Mer.

Pour que le mariage puisse se faire, un «Certificat de coutumes» a été établi par le Consul du Portugal à Boulogne-sur-Mer, qui atteste que Manuel Dias Nunes était portugais et qu’il pouvait contracter mariage suivant les lois française sans autres formalités. A été témoin du mariage, côté mari, José Santos, employé de commerce, domicilié à Boulogne-sur-Mer.

Manuel Dias Nunes exerçait au moment du mariage la profession de tailleur de vêtements, son épouse était giletière, puis tailleur.

Du couple, naît à Boulogne-sur-Mer, à domicile, 16 rue Pierre Bertrand, José Francisco Dias Manoel, le 4 mai 1927. Il ne connaîtra pas son père, celui-ci décède très jeune, le 10 mars 1928 à l’âge de 33 ans, à la suite de blessures. Son fils avait à peine un an. Notons que c’est le père de Manuel Dias Nunes – que ce dernier a fait venir du Portugal – qui alla déclarer le décès de son fils.

Veuve, Anne Marie Playe, évacué de Boulogne-sur-Mer en 1943, pour cause de bombardements, devient cuisinière aux séminaires d’Arras, dans le Pas-de-Calais.

José Francisco Dias Manoel, pendant sa jeunesse, milita à la JOC, avant de poursuivre des études classiques dans sa ville natale, puis à Berck et enfin à Bouvignies-Boyeffles, dans le Pas-de-Calais.

Dispensé du service militaire, pour cause de soutien de famille, il entre au grand séminaire d’Arras afin d’y effectuer une partie de sa scolarité. Le fait que sa maman travaille au séminaire d’Arras en 1943, en tant que cuisinière, pendant la II Guerre mondiale, explique probablement l’entrée de son fils dans cette institution religieuse.

Après avoir reçu les quatre premiers ordres mineurs, il demande à sortir, afin d’être admis au séminaire de la Mission de France et ce grâce à l’intervention du Directeur du Grand séminaire d’Arras. Il y passera deux années d’études complémentaires. Il accomplit une année de formation à Lisieux, puis une année de plus à Limoges, dans la Haute-Vienne, où le séminaire avait été transféré.

À la fin de ses études, comme plusieurs autres membres de l’«équipe ouvrière», il préféra être envoyé au travail plutôt que de recevoir le sous-diaconat.

Fin 1949, il entreprend un stage de près d’un an à la paroisse Saint-Édouard, dans une cité minière, le 12/14 de Lens (Pas-de-Calais). Il suivait de près les bandes de quartier, adaptant les méthodes de la JOC à la vie des jeunes habitant les corons. «C’est de cette première mission d’Église», dit-il, «que date toute ma vocation missionnaire. En effet, c’est là que j’ai commencé à sentir tout le fossé qui sépare l’Église de ce monde ouvrier, particulièrement des mineurs de fond». Ainsi éprouva-t-il le besoin de «partager intégralement la vie ouvrière, d’abord par le travail».

José Francisco Dias Manoel a dû séjourner deux ans, en 1950-1951, au Sanatorium de Thorenc, dans les Alpes-Maritimes. Il y connut, par l’intermédiaire du Frère André Léauté, les Petits Frères de Charles de Foucauld, établis à Marseille et en Camargue (Bouches-du-Rhône). Plus tard, il retrouve l’un d’eux, Henri Marthien, dans l’équipe des prêtres-ouvriers de Roubaix. À Thorenc, il rencontre aussi Bob (Robert) Lathuraz, alors séminariste, qui l’orienta vers la Mission de France.

Arrivé dans la région de Lille en août 1953, il travaille trois mois aux usines Boussac de Marcq-en-Barœul et La Madeleine, avant d’être recruté chez Albert Masurel et Cie, une filature roubaisienne qu’il ne devait plus quitter. Élu Délégué du personnel et membre du Comité central d’entreprise, il y mena de nombreuses actions pour sauvegarder l’emploi, lors des fusions avec DMC et le groupe Révillon-Roudière.

Au début, il faisait équipe avec les prêtres-ouvriers diocésains de Lille-Wazemmes et de Roubaix, Bernard Tiberghien, Gérard Lannoy et Sévère Cox, en liaison avec les trois dominicains ouvriers d’Hellemmes. Il participait à leur vie d’équipe et à des réunions mensuelles.

José Francisco Dias Manoel se marie à l’âge de 31 ans, le 8 juillet 1958, à Roubaix, avec Hélène Soboczynski, âgée à peine de 17 ans. Les parents de cette dernière étaient originaires de Basse-Silésie, en Pologne, venus en France pour travailler dans les mines de charbon d’Ostricourt (Nord).

José Francisco était garnisseur textile au moment de son mariage, son épouse, soigneuse de continus à filer.

Croyant, José Francisco Dias Manoel aura une vie bien remplie, l’humanisme étant souvent au centre de son travail et de son action.

En mars 1954, après l’obligation faite par Rome aux prêtres-ouvriers, ainsi qu’aux séminaristes, de quitter l’usine, il décide, voulant se faire «totalement ouvrier», de continuer le travail tout en gardant la perspective du sacerdoce et l’espoir que les instances pontificales modifieraient leur attitude.

Vite, il s’engage dans la défense de ses semblables, il adhère à la CGT. Militant en vue, il devint Secrétaire du Comité de coordination des syndicats des textiles CGT de Roubaix-Tourcoing-Vallée de la Lys où il devient Secrétaire du Comité régional et membre de la Commission exécutive de la Fédération CGT de l’Industrie textile. A une époque de mutations difficiles pour ce secteur industriel, il assuma des responsabilités nationales comme membre du bureau de la Fédération Textile.

Il collabore alors à la Vie ouvrière et s’intéresse particulièrement aux combats menés contre les concentrations et la mise en place des grands groupes : Prouvost, DMC, Willot, Boussac Saint-Frères. José Francisco Dias Manoel fait aussi partie du Secrétariat du Comité régional CGT, œuvrant à la mise en place de nouvelles structures syndicales au moment des grandes luttes de la sidérurgie et des mineurs.

Lors de l’installation du Comité économique et social de la région Nord Pas-de-Calais (CESR) en 1972, la CGT et la CFDT refusèrent d’y siéger, mais elles révisèrent leur attitude quatre ans plus tard. José Francisco Dias Manoel, responsable CGT, représente sa confédération, pendant un quart de siècle, de 1976 à 2001. Longtemps Président de la Commission Aménagement du territoire, cadre de vie et transports, il présente maintes fois les positions de la CGT à la tribune du CESR, devenu Conseil économique et social régional en 1992.

Ses engagements le conduisent jusqu’au Conseil national du Mouvement de la paix dès septembre 1953, où il exerce d’importantes responsabilités au sein de cette organisation qui l’accueille dans son Conseil national.

Il avait participé, en particulier, aux campagnes unitaires lancées à Roubaix avec les mouvements familiaux, les syndicats et les jeunes contre la guerre d’Algérie. En septembre 1993, José Francisco Dias Manoel fait partie d’une délégation de sa Fédération Textile auprès du Textile hongrois, et en février 1980, d’une délégation confédérale CGT chargée de discuter à Varsovie des relations économiques entre la France et la Pologne, avec notamment Bernard Cagne, prêtre-ouvrier, dirigeant de la Fédération des métaux.

Depuis les années 1969-1971, alors que de nouvelles perspectives se dessinent pour la formation des salariés, José Francisco Dias Manoel se lança dans cette tâche qui lui valut d’autres responsabilités sur le plan national, en particulier comme Président d’un OPCA – organisme paritaire collecteur agréé – couvrant sept branches (Textile, Habillement, Cuirs).

José Francisco Dias Manoel reçoit les honneurs de la France : il est fait Chevalier en 1986 puis Officier de la Légion d’honneur en 2001 «pour trente-trois années d’activités professionnelles et syndicales».

Il reste toute sa vie en relation étroite avec les prêtres-ouvriers du Nord-Pas-de-Calais.

José Francisco Dias Manoel décède le 25 mai 2014 à Roubaix, son épouse décède à Hem le 26 juillet 2022.

C’est au Cimetière de Roubaix, Allée 3, dans la chapelle numéroté 103 de la famille Ryo Catteau, transformée en columbarium, par manque d’espace dans ce cimetière, que nous allons retrouver la case numéro 5 avec les noms et photo de Manoel Dias (ainsi indiqué) et Hélène Soboczynski.

José Francisco Dias Manoel, un homme de combats, un homme qui a laissé bien des souvenirs aux siens : Marie Hélène, Véronique, Virginie, Xavier et Geneviève…

LusoJornal