Caroline Pierre

Matthieu Domingues, un jeune fadiste entre deux cultures

À 22 ans, Matthieu Domingues fait partie de ces jeunes de la diaspora portugaise pour qui la musique est une manière de garder un lien fort avec leurs origines. Né en région parisienne dans une famille originaire de Montalegre, dans le nord du Portugal, il chante du fado de manière artistique depuis un peu plus d’un an. Une activité qu’il n’avait pas forcément envisagée, mais qui s’est imposée presque naturellement. «Je crois que ce n’est pas nous qui choisissons le fado, c’est le fado qui vient vers nous», confie-t-il au LusoJornal.

Longtemps, le fado a fait partie de son quotidien de manière discrète. Il en écoutait à la maison, influencé notamment par son grand-père, qui en chantait parfois. Mais c’est seulement à l’âge adulte qu’il monte pour la première fois sur scène, invité par une fadiste, Lúcia Araújo. «Je suis monté et je ne suis jamais redescendu. Les contrats sont arrivés ensuite».

Depuis, il s’est produit lors de plusieurs événements associatifs et dans des restaurants portugais en Île-de-France, ainsi qu’en Belgique et en Suisse. En 2025, il a enregistré un premier album intitulé «O Meu Fado», composé de poèmes du répertoire classique. «Ce sont des textes déjà connus que je chante à ma façon, tout en respectant les règles du fado. Je commence aussi à écrire mes propres poèmes, mais je ne les ai pas encore sortis».

.

Une double culture vécue pleinement

Entre la France et le Portugal, Matthieu Domingues a grandi dans un va-et-vient constant. «Je suis né à Paris, mais je partais souvent au Portugal», explique-t-il. Les vacances scolaires étaient régulièrement synonymes de retour aux sources. «Par exemple, en octobre, quand on ramasse les châtaignes, je partais retrouver ma grand-mère», raconte-t-il. Ces séjours réguliers ont renforcé son lien avec la culture portugaise, qu’il dit avoir toujours ressentie sans pouvoir vraiment l’expliquer. «Peut-être que c’était le fait d’habiter à Paris aussi… Mais la culture portugaise m’a toujours intéressé, alors que la culture française me touchait moins».

Chez lui, le portugais est resté la langue du quotidien, notamment grâce à ses parents. «Ils voulaient qu’on parle portugais à la maison, et je pense que ça a contribué à cet attachement à la culture portugaise». Une manière de rester connecté à un héritage qu’il perçoit comme réconfortant et chaleureux.

.

Le fado comme langage émotionnel

Pour Matthieu Domingues, le fado dépasse la simple écoute : c’est une manière de dire ce que les mots peinent parfois à exprimer. «Quand on chante, on essaie de transmettre ce qu’on ressent, sans toujours savoir l’expliquer», confie-t-il. Il voit dans cette musique une forme de récit personnel, capable d’embrasser la mélancolie autant que la joie. «Mon fado, ce n’est pas que de la tristesse. Il parle de la vie, de ce qu’on traverse».

Parmi ses influences, il cite naturellement Amália Rodrigues, mais aussi Alfredo Marceneiro pour sa façon unique de diviser les poèmes, ou encore António Rocha, auteur du texte «Procura Vã», qu’il affectionne particulièrement.

Lors de ses concerts, que ce soit en France, au Portugal, en Belgique ou en Suisse, Matthieu Domingues veille à rendre ses interprétations accessibles à tous. «Je présente les textes en français avant de chanter, pour ceux qui ne parlent pas portugais. Ensuite, je laisse place à l’émotion. Je crois que le fado se ressent, même sans comprendre les paroles».

.

Un regard tourné vers l’avenir

Aujourd’hui, Matthieu Domingues poursuit son chemin dans le fado avec envie et sincérité. Après un premier album composé de poèmes du répertoire, il commence à écrire ses propres textes. Une manière de prolonger l’histoire, en y apportant ses mots, son regard, sans renier les codes du genre. «J’écris mes propres poèmes, mais je ne les ai pas encore partagés. Ce que je chante aujourd’hui, ce sont des textes déjà existants, interprétés à ma façon, tout en respectant les règles du fado».

Sur scène, il privilégie l’authenticité. «Je ne chante pas avec mes cordes vocales, je chante avec le cœur», explique-t-il. Cette approche personnelle, il la considère comme une forme de liberté dans un style très codifié. Sans chercher à imiter qui que ce soit, il avance à son rythme, entre attachement à la tradition et envie d’exprimer ce qu’il est.