José Serge de Freitas fait le bilan de 4 mois de marche jusqu’au Portugal : “en arrivant, je n’ai fait que pleurer”


Après plus de quatre mois de marche, 1.906 kilomètres parcourus et une remorque de près de 40 kilos tractée sur les routes, José Serge de Freitas est enfin arrivé à Fátima le 13 juillet dernier. Parti des Vosges, ce luso-français de 46 ans s’est lancé dans un défi aussi physique que personnel : un voyage à pied pour se reconstruire, tourner une page difficile et rendre hommage, à la fois à sa nièce et aux Portugais qui, dans les années 1960, prenaient la route pour rejoindre la France.

Soutenu par une équipe dévouée et suivi par sa famille et abonnés sur les réseaux sociaux, il a affronté le froid, la pluie, les côtes abruptes et les imprévus, porté par la foi et la détermination.

Aujourd’hui, alors que l’aventure est derrière lui, il revient avec nous sur son parcours, ses émotions et ses projets pour l’avenir.

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Maintenant que vous êtes arrivé à Fátima, comment vous sentez-vous ?

Après ce long voyage, j’ai pu profiter d’un court séjour au Portugal. Mais ensuite, le retour à la réalité a été compliqué. Du jour au lendemain, tout s’arrête : plus de rencontres quotidiennes, plus de moments partagés sur la route. Je me suis retrouvé un peu perdu, sans contact humain direct, même si je garde des échanges sur les réseaux sociaux. J’ai aussi eu quelques soucis de concentration : par exemple, je regardais un film à la télévision, mais je n’arrivais pas à suivre l’histoire. Et puis, je perds parfois la notion du temps et des dates.

Quels souvenirs gardez-vous de votre arrivée à Fátima ?

Le 13 juillet, en arrivant, je n’ai fait que pleurer. J’étais comme un enfant, submergé par l’émotion. J’ai retrouvé mon fils, mes amis, mais aussi des personnes que je ne connaissais pas, venues exprès pour m’accueillir. Certaines avaient fait le trajet depuis Paris ou même l’Alsace. On a pris des photos, j’étais dans une bulle, comme si plus rien n’existait autour. Je regardais le ciel, l’église du sanctuaire de Notre-Dame de Fátima… Le prêtre a béni ma remorque, qui est restée au Musée de Fátima, et j’ai reçu un certificat pour ce don. L’accueil a été incroyable, chaleureux et sincère.

Quel bilan tirez-vous de cette aventure ?

C’est une expérience extraordinaire. Les quatre mois de marche m’ont beaucoup appris, même si certaines étapes ont été plus difficiles. Les cinq semaines passées en Espagne ont été les plus rudes, surtout à cause de la barrière de la langue : au début, ça allait, mais plus j’avançais, plus il devenait compliqué de communiquer. C’est d’ailleurs là que j’ai perdu le plus de poids.

Quelles rencontres vous ont le plus marqué ?

Il y en a eu beaucoup, mais deux en particulier resteront gravées dans ma mémoire. La première, en France : un monsieur, Christophe Emanuel. Je suis passé devant chez lui et il m’a invité à partager un barbecue, car j’avais évoqué sur les réseaux mon envie d’en manger un. On a finalement passé tout un week-end à table ! Et mes amis m’ont fait la surprise de m’y rejoindre avec mon fils. La deuxième, c’est un couple portugais, Maria et Francisco. Ils ont fait 160 km pour venir me chercher, puis m’ont ramené le lendemain à l’endroit exact où j’avais arrêté ma marche. On garde contact et, à chaque appel, on a les larmes aux yeux. Ce sont des gens au grand cœur.

Qu’est-ce que vous gardez de cette expérience, au-delà des souvenirs ?

J’ai appris à sentir l’odeur des choses en marchant, ce que l’on ne fait pas quand on conduit. J’ai aussi été touché par la générosité des gens. Un jour, une dame que je ne connaissais pas s’est arrêtée juste pour m’offrir des croissants. Physiquement, je garde quelques séquelles : mes jambes me font encore mal, mais je continue de marcher un peu pour éviter les blessures. Mon sommeil a changé : j’ai plus de mal à m’endormir. Et même conduire est devenu différent, comme si ma cadence avait changé.

Cette aventure a-t-elle changé votre regard sur l’avenir ?

Oui, complètement. Quand on marche aussi longtemps, on a le temps de réfléchir… et je n’ai jamais autant réfléchi de ma vie. Avant, j’étais pressé de partir vivre au Portugal. Aujourd’hui, je prends le temps : je ne fonce plus tête baissée. Je pèse mes décisions, j’analyse les choses. Cette marche m’a appris à temporiser, à avancer autrement. Aujourd’hui, c’est une nouvelle vie qui commence. Je commence un nouveau travail dès le 1er septembre grâce à une abonnée qui a suivi mon aventure.

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Gardez-vous l’envie de repartir dans une aventure ?

Oui, cette envie reste. Peut-être pas tout de suite, mais il y a des jours où elle revient plus forte. Parfois, j’ai cette impulsion de reprendre la route. Mais je pense que ce serait sur un format plus court, quinze jours ou un mois, pas quatre mois comme cette fois-ci.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Oui. Je tiens à remercier sincèrement toutes les personnes qui m’ont accueilli, suivi et soutenu tout au long de ce voyage. Merci à ma famille, à mes enfants et à tous ces abonnés qui sont venus marcher avec moi sur certaines étapes. Ces moments partagés m’ont permis de me sentir moins seul sur le chemin, et je les garde précieusement en mémoire.