Hommage à l’ethnomusicologue de l’âme portugaise Michel Giacometti à Ajaccio


«Povo que canta não morrerá», «Un peuple qui chante ne meurt pas». Cette phrase mythique de Michel Giacometti, ethnomusicologue passionné, résonne encore aujourd’hui dans tout le Portugal. En 2025, un vibrant hommage lui a été rendu, à la fois dans sa ville natale, Ajaccio, et dans le petit village de Peroguarda (Ferreira do Alentejo), où il a souhaité reposer pour l’éternité.

L’hommage qui a été rendu à Michel Giacometti, le 26 septembre dernier, à Ajaccio s’inscrivait dans le cadre du festival Isulimondi, qui s’est tenu du 23 au 30 septembre 2025. Cette édition a réuni, autour de la Corse, plusieurs îles atlantiques : le Cap-Vert, Madère et les Açores. Le festival, organisé au Lazaret Ollandini ainsi qu’aux cinémas Ellipse et Laetitia, a mêlé concerts, expositions, rencontres littéraires, ateliers de chant, de vannerie, de percussion et de cuisine.

Né le 8 janvier 1929 à Ajaccio, Michel Giacometti s’installe au Portugal en 1959. Il y passera plus de trois décennies à parcourir les campagnes, micro à la main, pour recueillir, enregistrer et préserver les musiques et chants traditionnels menacés d’oubli.

Décédé à Faro, le 24 novembre 1990, il avait exprimé le souhait d’être enterré à Peroguarda, village de l’Alentejo, région rurale qui l’a profondément inspiré.

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Deux terres, une mémoire

Le 21 juin 2025, jour de la Fête de la Musique, un premier hommage lui a été rendu au Portugal, organisé par l’Association Conquistas da Revolução et la municipalité de Peroguarda. Symboliquement fort, cet hommage célébrait à la fois son engagement pour la musique populaire et la vitalité d’un patrimoine qu’il a su sauver de l’oubli.

Quelques mois plus tard, le 26 septembre, c’est à Ajaccio, au 2 rue Sebastiani, devant la maison où il est né, qu’une plaque a été dévoilée en sa mémoire. Le Maire de la ville, Stéphane Sbraggia, et le Consul-Général du Portugal à Marseille, Álvaro Ribeiro Esteves, étaient présents, aux côtés de membres de la famille de Giacometti, de représentants associatifs et de personnalités corses. Cet événement a renforcé les liens culturels entre la Corse et le Portugal, deux terres unies par l’amour du chant et de la mémoire.

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Le marcheur des campagnes portugaises

Michel Giacometti est considéré comme le plus grand ethnomusicologue de la musique traditionnelle portugaise. Passionné par le monde rural, il a sillonné le pays pour collecter des milliers de chants et musiques. Il a fondé les Archives sonores portugaises et créé plusieurs émissions de radio et de télévision, dont «O Povo que Canta» («Le peuple qui chante»), véritable manifeste sonore de la culture populaire.

Michel Giacometti a partagé son travail et ses recherches pendant une partie de sa vie au Portugal avec un autre passionné de musique traditionnelle, le compositeur Fernando Lopes Graça.

Sous le régime dictatorial de Salazar, son travail fut perçu comme une activité subversive : donner la parole aux paysans, enregistrer les chants des moissonneuses, des laboureurs, parfois affamés mais toujours dignes, relevait alors d’un acte politique. Après la Révolution des Œillets en 1974, il élargit ses recherches à d’autres formes d’expression populaire, comme les peintures murales ou les pamphlets politiques.

Surnommé «O Andarilho», le marcheur, Michel Giacometti s’est imposé comme une figure majeure de la culture portugaise. Il a non seulement révélé la richesse du patrimoine musical rural, mais aussi inspiré des générations d’artistes, chercheurs et citoyens.

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Une mémoire vivante

En 1995, la ville de Setúbal a transformé l’ancienne usine de conserves Perienes, l’une des plus importantes du Portugal, fondée en 1885, en Musée du Travail Michel Giacometti (Museu do Trabalho Michel Giacometti). On y trouve aujourd’hui ses archives sonores, précieuses archives d’un monde en voie de disparition.

Le Museu da Música Portuguesa – Casa Verdades de Faria, à Cascais, propose également une exposition permanente consacrée à sa vie et son œuvre.

Onze films ont été projetés au festival Isulimondi, dont Cesária Évora, la Diva aux pieds nus, Vitalina Varela, Hanami, et Ama Viva. La programmation cinématographique, confiée à Sylvie Fidone, a mis à l’honneur des œuvres sensibles et engagées, souvent primées. Des récits insulaires puissants, à l’image de ceux que Michel Giacometti a su écouter et transmettre.

Michel Giacometti n’est plus, mais sa voix, ou plutôt celles qu’il a su entendre, continue de résonner.

«Un peuple qui chante ne meurt pas» comme il disait. Grâce à lui, le chant du Portugal continue de vivre.