À Minde, le parler Minderico est une «langue» secrète devenue patrimoine en danger


«É preciso que todos os nossos cardetas façam por não deixar cair no antigo a nossa piação. Deixá la entregue ao irmão do quiqui é condená la à encolha dos mirantes».

Ne partez pas… Vous lisez bien LusoJornal. Vous n’avez pas tout compris ?

C’est normal. Il n’y a plus que deux à trois centaines de personnes qui comprennent ce dialecte portugais. Il s’agit du Minderico. La traduction nous donne en bon français : «ll est nécessaire que tous nos compatriotes s’efforcent de ne pas laisser mourir notre parler. Le laisser au frère du ‘quiqui’ (?) c’est le condamner à l’oubli».

Nos propos font suite à l’annonce de la 13ème édition qui se déroule entre le 3 et le 12 octobre du «Festival Materiais Diversos», «festival des divers matériaux» qui a lieu à Minde et Alcanena, district de Santarém. La directrice du festival, Cristina Planas Leitão, le présente devant : «s’assumer comme un connecteur, rendant accessible une diversité de connaissances, d’histoires et de voix moins visibles, reliant le passé, le présent et le futur, dans le but de contribuer à préserver et à enrichir le débat public, la pluralité, la dissidence et, par conséquent, la démocratie».

Passé, présent, futur, pluralité, dissidence… voilà comment on trouve la liaison vers le dialecte, l’argot, le «langage» Minderico.

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Dans la petite ville de Minde, municipalité d’Alcanena, il n’y a plus que deux à trois cents personnes qui parlent encore cette langue très curieuse, née du besoin fondamental de… discuter des prix sans que les clients ne s’en aperçoivent. L’échange : «o terraisinho jorda cinco cédulas por uma menísea», aurait pu avoir lieu. Cela signifie: «l’homme donne cinq cents escudos pour une couverture».

Les Mindericos étaient des vendeurs dans les marchés dès XVIIIe siècle. En s’installant dans la région pour vendre toutes sortes de produits, notamment des couvertures, leur parler est devenu un dialecte né d’un besoin commercial. Les Mindericos aiment marchander les prix et se fixer des limites. Pour pouvoir converser sans se faire comprendre, ils ont fini par créer une nouvelle langue, le Minderico, encore parlée à Minde et Mira de Aire de nos jours.

Cet argot s’est tellement enraciné dans la communauté que, même aujourd’hui, surtout chez les personnes âgées, de nombreuses expressions mindericoiennes passent inaperçues en portugais.

Bien qu’il ne soit pas officiellement reconnu au Portugal, comme le Mirandais par exemple, il fait partie intégrante de la culture locale. Il existe même des livres pour enfants qui enseignent le Minderico, ce qui permettra de ne pas se perdre (?).

Le vocabulaire est vaste et ne se limite pas aux expressions commerciales. Par exemple, les jours de la semaine portent des noms comme «segundo planeta» (deuxième planète), «maman» (vigne) et «fils» (dame).

Ce qui n’était au départ qu’un code marchand est devenu une sorte d’argot, un argot local traditionnel de Minde, menacé aujourd’hui de disparition.

Si vous visitez Minde, vous trouverez un panneau de bienvenue à l’une des entrées de la ville portant deux noms : Minde et sa version minderico; Ninhou.

L’isolement montagneux a favorisé le développement de ce parler local distinctif qui a perduré pendant des siècles. Cet argot doit trouver son origine à l’âge d’or de l’industrie textile de la ville, lorsque «vendeurs de couvertures et acheteurs de laine se rendaient aux foires».

Les couvertures de Minde ont été, et sont encore aujourd’hui, bien plus que du simple textile, elles s’inscrivent dans l’histoire séculaire d’une communauté vivant dans une vallée pauvre, entre les monts Aire et Candeeiros. Elles sont l’emblème d’une culture de survie qui les a même conduits à créer le Minderico.

On trouve dans les caractéristiques du Minderico un mélange d’influences : portugais, argot local et innovations internes. Beaucoup de mots ont été créés à partir de noms de personnes connues localement, utilisés comme références codées, le vocabulaire changeant en fonction des modes, des événements ou des personnages locaux.

L’Instituto da Lingua Minderico (ILM) œuvre pour la préservation, la documentation et l’enseignement de la langue Minderico, il y a des projets éducatifs et numériques pour le transmettre aux jeunes générations, celui-ci étant soutenue par des programmes de l’UNESCO pour la sauvegarde des langues en danger.

«Un homme averti, en vaut deux», j’espère rester votre «carranchano», votre «ami». Si jamais vous passez par Minde et vous rencontrez quelqu’un qui sache parler le Minderico, peut-être pourrez-vous utiliser la phrase à bon escient, en faisant très, très attention, car ne pas dominer un lange peut induire des quiproquos : «O carranchano jordou três netos por uma piação fusca», ce qui veut dire «l’ami a dépensé trois pièces pour une discussion de nuit».