I Guerre mondiale : Que mangeaient les soldats du Corps Expéditionnaire Portugais ?António Marrucho·Comunidade·4 Dezembro, 2024 Une des préoccupations des guerres est, sans nul doute, le ravitaillement des troupes, entre autres, en denrées alimentaires. Ici et là, on écrit sur les soldats portugais qui ont participé à la I Guerre mondiale, qu’au lieu de manger de la morue, ils ont plutôt mangé de la viande de bœuf salée, en petits morceaux, en conserve, le corned-beef. Grâce à une note de la Base de débarquement à Brest, en date du 9 juin 1917, intitulée «CEP base de débarquement. Nombre de repas réquisitionnés à l’intendance anglaise, composition, quantité et qualité fournies les 30 et 31 mai», on peut se rendre compte de ce qu’attendait les troupes du Corps Expéditionnaire Portugais en terres de France. . Le 30 mai 1917 un convoi de 4 bateaux est arrivé à Brest, en provenance de Lisboa : le Bohemian, le Bellerophon, l’Inventor et le City of Benares. Nous apprenons, par ladite note de service, que c’est l’Allié anglais que fournit l’alimentation – ou du moins une partie – aux troupes du CEP, notamment lors du débarquement. L’examen de cet écrit, permet de savoir ce que recevaient, mangeaient, les soldats portugais en route vers la guerre. . Le jour de l’arrivée des bateaux, le 30 mai, les soldats ont reçu 1.301 repas uniquement pour le soir, repas composé de corned-beef et de cookies. Ils ont également reçu 1.301 colis de réserve, chacun pour trois jours, durée prévue du voyage en train jusqu’à Aire-sur-La-Lys, à raison de trois repas par jour. Grande partie des soldats n’ont débarqué que le 31 mai, ce qui explique les 2.728 repas distribués pour le soir du 31 mai, 433 rations de combat ont été distribuées pour le repas du soir, matin et midi des deux jours suivants, 4.149 ont été distribués pour le trajet en chemin de fer, ainsi que 4.182 pour le trajet en chemin de fer des trois jours. Au vu des statistiques consultées, les 4 bateaux auraient transporté 4.511 soldats. Ces soldats ont reçu, lors du débarquement, 12.667 repas complets et 4.029 incomplets. . Intéressant est de connaître le contenu des repas reçus : café, sucre, lait, fromage, margarine, soupe, corned-beef et cookies. La quantité totale de ces aliments reçus et le prix total des aliments distribués sont également fournies pour le 30 et 31 mai lors du débarquement à Brest des troupes portugaises : le coût du café est de 526 livres, du sucre 1.632 livres, du lait 794 livres, du fromage 1.635 livres, confiture de coings 2.373, de la soupe 3.164 livres, du corned-beef 9.293 livres et des cookies 12.498 livres, pour un total de 31.915 livres de coût… On comprend mieux pourquoi les soldats du CEP finissent par ne pas trop apprécier un aliment auxquels ils n’étaient pas habitués, notamment le corned-beef. Notons que depuis des décennies, les usines de cookies sont implantées près des côtes maritimes, aliment très important pour les marins qui partaient en mer pour de longues périodes, les gâteaux secs se conservent bien, aliment massivement distribué aux troupes pendant la Grande Guerre. . Le 8 juin 1917, le Lieutenant José da Silva Braga, responsable du service de maintenance, décrit ce à quoi les soldats ont droit, en principe, lors du débarquement à Brest et horaires des trois repas : – 1er repas à 6h00 : cookies, café avec du lait (28 centilitres) – 2ème repas à 9h30 : pain, vin (40 centilitres), viande cuite, jambon sec, confiture (84 grammes), fromage (56 grammes) et beurre (28 grammes) – 3ème repas à 17h00 : viande cuite, soupe de légumes . Entre ce qui était programmé par le CEP et la réalité lors du débarquement ou sur le terrain, des ajustements alimentaires ont dû être faits, ce qui ne va pas sans conséquences dans les relations entre les Alliés Portugais et Anglais. Face au prévu par les Portugais et au vu de ce qui est fourni par les Anglais, le CEP, Base de débarquement, ajuste les repas distribués aux soldats stationnés à Brest et en voyage, en vertu de la circulaire de l’intendance anglaise n°195 en date du 30 juillet 1917. Les troupes en stationnement à Brest avaient droit : – Sucre : 56 grammes distribuées (c’est ce que les Portugais ont demandé) – Riz : 56 grammes distribuées (les Portugais demandaient 84 grammes de pommes de terre) – Thé : 14 grammes distribuées (les Portugais demandaient 20 grammes de café). – Viande conserve : 336 grammes distribuées (les Portugais demandaient 336 grammes de viande fraîche) – Confiture de fruits : 84 grammes distribuées (c’est ce que les Portugais ont demandé) – Légumes frais : 224 grammes distribuées (les Portugais demandaient 55 grammes de conserve de légumes) – Lait : 28 centilitres distribuées (c’est ce que les Portugais ont demandé) – Pain : 292 grammes distribuées (conserve de légumes 475 grammes) – Jambon sec : 56 grammes distribuées (conserve de légumes 84 grammes) – Fromage 56 grammes distribuées (c’est ce que les Portugais ont demandé) – Margarine : 28 grammes distribuées (c’est ce que les Portugais ont demandé) – Sel : 7 grammes distribuées (c’est ce que les Portugais ont demandé) . Concernant ce qui était distribué pour le voyage en train : – Sucre 84 grammes (c’est ce que les Portugais ont demandé) – Cookies 336 grammes (c’est ce que les Portugais ont demandé) – Thé : 17,5 grammes (les Portugais demandaient 20 grammes de café) – Corned-beef : 252 grammes (les Portugais demandaient 252 grammes de viande de conserve) – Lait : 28 centilitres (c’est ce que les Portugais ont demandé) – Confiture de fruits : 84 grammes (les Portugais demandaient 84 grammes de confiture de coings) – Fromage : 56 grammes (c’est ce que les Portugais ont demandé) – Soupe de légumes et viande : 252 grammes (les Portugais demandaient 298 grammes) . Le voyage en train de Brest à Aire-sur-La-Lys pouvait être souvent plus long que prévu, des repas de réserve étaient fournis par les Anglais à Rouen. Au mois de juillet, 6 bateaux sont arrivés à Brest, port de débarquement, avec des troupes portugaises : le 15 juillet le bateau Pedro Nunes, le 17 le Bellerophon et l’Inventor, le 20 le Gil Eanes, le 28 le Bellerophon et l’Inventor. Ce sont probablement les troupes de ces bateaux qui ont récupéré les repas de réserve à Rouen : – 433 repas distribués le 16 juillet – 1.536 repas distribués le 17 juillet – 1.494 repas distribués le 18 juillet – 847 repas distribués le 19 juillet – 212 repas distribués le 22 juillet – 1.385 repas distribués le 29 juillet – 138 repas distribués le 29 juillet – 133 repas distribués le 30 juillet – 1.328 repas distribués le 30 juillet Soit un total de 7.506 repas distribués à Rouen en juillet 1917, selon une note du Lieutenant José da Silva Braga en date du 31 juillet de 1917. . Du vin arrivait du Portugal et était distribué aux troupes. Au 1er avril 1917, il y avait 18.737 litres dans le magasin de réserve à Brest : 12.277 repas ont été confectionnés avec du vin pour un total de 4.911 litres en avril 12.104 repas pour un total de 4.841 litres en mai 12.794 repas jusqu’au 19 juin pour un total de 5.117 litres. Restait, au 19 juin 1917, à Brest, 3.868 litres en stock. Le lieutenant José da Silva Braga, très précis dans les chiffres, fait l’inventaire des réserves des biens alimentaires débarqués et en stock en date du 10 juillet 1917 dans l’entrepôt portugais de Brest : – Thon : 47 lots de boîtes – Ails : 1 sac – Sucre : 46 sacs – Huile d’olive : 7 cruches – Huile d’olive : 3 boîtes – Cookies : 136 boîtes – Cookies : 10 canastas – Morue : 97 balles – Morue : 2 boîtes – Morue avec pommes de terre : 68 boîtes – Chorizo : 24 barriques – Chorizo : 23 boîtes – Chorizo : 3 canastas – Chorizo avec de haricots blancs : 18 boîtes – Viande avec Pommes de Terre : 54 boîtes – Café : 168 boîtes – Thé : 1 boîte – Haricots blancs : 12 sacs – Pois chiches : 40 sacs – Spaghetti : 12 boîtes – ‘Paio’ avec haricots rouges : 109 boîtes – Piment : 2 boîtes – Sel : 4 sacs – Sel : 2 boîtes – Soupe au riz avec des navets : 27 boîtes – Soupe de légumes : 59 boîtes – Soupe de ‘grelos’ avec des haricots blancs : 28 boîtes – Soupe de nouilles : 66 boîtes – Sardines : 475 boîtes – Lard : 64 boîtes – Lard : 1 barrique – Lard : 2 canastas – Vin : 23 barriques – Vinaigre : 1 barrique . La liste ci-dessus est, d’une certaine façon, le témoignage de ce qui était importé du Portugal à destination du CEP. On peut se poser la question si tous les aliments arrivaient vraiment jusqu’à tous les soldats, notamment ceux du front, ou s’ils restent plutôt dans les postes de commandement. Dans le livre de Raúl de Carvalho, nous avons une certaine vision, une autre vision de la Guerre à laquelle des officiers sont venus participer, une certaine forme de tourisme, la plage pas trop loin, des fêtes, de bons repas à base de Champagne (lire ICI). Mais on sait que, sur le terrain, les soldats, inclus ceux qui étaient en première ligne, avaient droit à consommer du vin. L’intendance et la distribution de la boisson préférée des soldats était souvent source de problèmes et mécontentements : le 19 décembre 1917, le responsable des services administratifs, Major João de Brito Pimenta Almeida Junior, envoie un courrier au Commandant responsable du débarquement à Brest, dont le contenu était : «j’accuse la réception de votre télégramme du 11 décembre, je vous en supplie d’insister auprès des autorités compétentes afin que le vin récemment arrivé de Lisboa soit acheminé le plus rapidement possible vers le front. Nos troupes, tout spécialement ceux qui occupent la partie avancée, sont en train de souffrir de la rigueur de l’hiver, il est tout à fait nécessaire qu’on utilise tous les moyens pour réussir à leur distribuer la quantité de vin programmée le plus rapidement possible». Il est évident qu’au vu du temps passé sur le front, jusqu’à 9 mois pour certains, les troupes portugaises avaient une difficulté supplémentaire : l’alimentation.