La voix d’un soldat portugais enregistrée pendant la I Guerre mondiale

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Il n’y a qu’un document sonore avec la voix d’un soldat portugais de la I Guerre mondiale connue à ce jour. C’est l’histoire de ce document très précieux et du soldat João Antunes Neves que nous allons vous raconter.

João Antunes Neves est né en 1891 à Cagido, São João de Areias, Santa Comba Dão. Fils de José Antunes et de Maria da Conceição. Il a embarqué à Lisboa, faisant partie des premiers contingents à embarquer, le 20 janvier 1917, le port de destination étant Brest, avant de rejoindre la Flandres et les tranchées confiées par les Anglais aux troupes portugaises pendant la I Guerre mondiale. João Antunes Neves rentrera au pays le 4 février 1919.

Que s’est-il passé avec João Antunes Neves entre ces deux dernières dates?

Le 7 et 8 juillet 1917 il se défend de toute son énergie contre une attaque allemande. Une grenade met par terre une garnison et incendie la toile qui protégeait le lieu. C’est avec énergie que João Antunes Neves a aidé à étendre le feu malgré la menace d’autres grenades, pendant que d’autres camarades récupéraient le matériel qui s’y trouvait. Pendant l’attaque, João Antunes Neves, blessé par une branche d’arbre tombée sur lui, n’abandonne pas en aidant et encourageant ses camarades. Le 5 novembre 1917 il est honoré de la Croix de Guerre, 3ème classe, qu’il reçoit le 15 du même mois.

João Antunes Neves est fait prisonnier le 9 avril 1918, premier jour de la Bataille de La Lys. Après sa libération, sa présence est notifiée le 16 janvier 1919 auprès des autorités militaires de l’époque, en France.

Fait prisonnier, il a d’abord passé par le Camp de prisonniers de Dülmen, avant de terminer sa captivité au Camp de Merseburg.

C’est dans ce camp que l’histoire va retenir le nom João Antunes Neves, par une découverte mise à jour en 2008.

Le Camp principal de Merseburg a été ouvert le 25 septembre 1914, pour y retenir soldats et civils (originaires notamment du Nord), situé dans la province de Saxe, proche de Leipzig, et du Camp de Halle. Les prisonniers y sont répartis en compagnies (1.200 hommes chaque), 8 au total, regroupées en 2 bataillons. Le camp est entouré, comme beaucoup, de fils de fer barbelés, gardés par plusieurs canons et mitrailleuses, on y pratique la punition du poteau, et il dispose d’une bibliothèque et d’un comité de secours créé officiellement. Ce camp est traité de «dépôt-type» par les délégués du Gouvernement Espagnol qui l’ont inspectionné, et «camp modèle» par les Allemands. Par ce camp sont passés des dizaines de milliers de prisonniers, dont 2.000 Portugais, qui pour une grande partie travaillaient dans les mines, l’agriculture, les marais…

En octobre 1915, une commission nommée «Königlich Preussische Phonographische Kommission» a été créée. Occasion lui est donnée, presque à la fin de la guerre, d’effectuer les enregistrements de la voix de soldats de toutes origines linguistiques et géographiques. C’est en 1918 qu’est enregistré la quasi-totalité de ses 1.650 albums, aujourd’hui sous la garde du Berliner Lautarchiv, une institution liée à la Humboldt Universität, à Berlin.

Le documentaire «Portugueses nas trincheiras» de Sofia Leite et António Louçã, pour la RTP1, de novembre 2008, avec la collaboration d’Afonso Maia, nous rappelle les faits: «Le Camp de Merseburg est visité par la commission le 8 août 1918, on y vient pour enregistrer de nombreux soldats de toutes nationalités, c’est là que l’enregistrement de la voix du soldat prisonnier portugais João Antunes Neves a été réalisé parmi des centaines d’autres».

La voix du soldat était l’un des nombreux enregistrements réalisés par la commission de scientifiques allemands – ethnologues, linguistes, musicologues «Königlich Preussische Phonographische Kommission» – qui a visité 70 camps de prisonniers, pour enregistrer les manières de parler et de chanter de divers peuples étrangers, certains d’entre eux de pays lointains et quelque chose d’exotique selon les normes de l’époque. L’opportunité était unique car dans les camps de prisonniers sous contrôle allemand, plus de 250 langues et dialectes y étaient parlées.

Parmi les 1.650 disques enregistrés par la commission Mahrenholz, on a trouvé deux qui ont été enregistrés avec deux prisonniers portugais. La commission n’avait pas seulement enregistré une chanson et plusieurs poèmes récités par les deux détenus, elle avait également scrupuleusement enregistré leurs données biographiques sur des dossiers individuels.

On apprend ainsi que tous deux sont paysans et lettrés, ce qui était relativement rare dans le Corps Expéditionnaire Portugais (CEP) et a peut-être contribué à leur sélection. L’un d’eux, Agostinho Martins, avait alors 23 ans et était né dans la paroisse de Barreiros, commune de Viseu. L’autre, João Antunes Neves, avait 27 ans et était né à Cagido, municipalité de Santa Comba Dão.

À ce jour seul l’enregistrement de la voix, de la chanson de João Antunes Neves est connu et sortie de l’immense trésor recueilli par la commission de l’époque.

Rentré au pays, João Antunes Neves s’installera dans son village natal. Sa voisine, Gracinda Borges, dira dans le documentaire de la RTP1 (ICI): «il était une très bonne personne, il donnait beaucoup aux pauvres qui étaient nombreux à l’époque, il donnait à manger et faisait dormir des nécessiteux chez lui… il est arrivé plein de poux qui sont tombés en se mettant très près du feux dans cette pièce…».

António Neves, arrière-neveux de João, dira de lui, que, quand il était énervé, il sortait souvent les mots: «Raus, caput, moribut(?)».

Enterré, à un âge avancé, à Pinheiro de Azere, la voix de João Antunes Neves nous restera comme un des échos de la «Grande Guerre».

Ecoutez:

 

Paroles de la chanson chantée par João Antunes Neves:

 

As cordas desta prisão, (Les cordes de cette prison,)

Lá de fora metem medo. (Font peur, vus de l’extérieur.)

Que fará quem está cá dentro, (Imaginez qui est à l’intérieur,)

A cumprir o seu degredo. (à accomplir son exil.)
.

As cordas da minha guitarra (Les cordes de ma guitare)

São de ouro acastanhadas, (Sont d’or brunâtre)

São cabelos que eu roubei (C’est des cheveux que j’ai volé)

Das tranças da minha amada. (Des tresses de ma bien-aimée.)

 

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LusoJornal