Opinion: Le Sud-Express: son histoire, notre histoire, nos souvenirs

Je sais, je sais, on est en période des soldes… non, je ne vais pas vous parler de soldes et encore moins des boutiques Sud Express. Suis-je en train de faire de la publicité dissimulée? Non… quoique… je vais en parler au major très connu Roubaisin.

Pour nous, le Sud-Express est un train… un train qui a laissé bien des souvenirs aux deux générations de Portugais immigrés: un raccourcisseur de distances.

Le Sud-Express: un faiseur de souvenirs. Des souvenirs de voyage, de rencontres pour la vie, de rencontres furtives, d’amours de voyage…

Des histoires du Sud-Express, beaucoup de vous en avez à raconter: l’excès de vitesse à payer à la tête du client en pesetas, escudos ou francs, alors que le train est à l’arrêt pendant des heures en rase campagne d’Espagne, la cachette du clandestin derrière les valises, les trains bondés, les odeurs de toutes sortes, les valises qui transportent tout un pays, les compartiments couchettes, le parfum vendu à la sauvette à la frontière entre l’Espagne (Fuentes d’Onoro) et le Portugal (Vilar Formoso), et votre souvenir…

Faisons un peu d’histoire, l’histoire de ce train mythique qui a perdu de son importance depuis le début de notre siècle. Le TGV, l’avion et la voiture le supplantant. Train qui ne traverse plus la frontière, Irún étant son terminal.

Pourquoi l’a-t-on appelé Sud-Express et qu’elle est son histoire?

Vers la fin du XIXème, les routes, les voitures n’étaient pas ce qu’elles sont devenues depuis, le train se développant, il est devenu le moyen le plus rapide pour rejoindre Madrid et une alternative au bateau pour rejoindre le Portugal.

Le Sud-Express a été mis en service dans un premier temps comme étant un train de luxe entre Paris et Hendaye, son inauguration ayant eu lieu le 2 octobre 1861.

La largeur de la ligne entre la France et la Péninsule Ibérique n’étant pas la même, on changeait de train à la frontière franco-espagnole.

À partir d’Irún, les voyageurs empruntaient les trains ordinaires du réseau espagnol leur offrant une correspondance de et pour Lisboa, Porto ou Madrid.

Malgré les changements de train aux frontières, Paris ne sera plus alors qu’à vingt-huit heures de Madrid et quarante-cinq heures de Lisboa.

Le service reliant Paris, Madrid, Lisboa par le train Sud-Express sera inauguré par un voyage spécial de personnalités le 21 octobre 1887 et sera ouvert au public à partir du 5 novembre suivant. Dans un premier temps, le train partait tous les samedis de la gare d’Austerlitz en correspondance avec une rame venant de Calais via Paris-Nord et la Petite ceinture. À partir de mars 1888, les départs se feront deux fois par semaine, le mercredi et le samedi. Ils deviendront tri-hebdomadaire (mardi, jeudi et samedi) en 1891, quadri-hebdomadaires en 1896, puis, à partir du 8 juin 1900, quotidiens pour Madrid qui n’était plus qu’à vingt-cinq heures de Paris.

Trois fois par semaine – le mardi, jeudi et samedi – le train comportait une tranche de voitures pour Lisboa, détachée à Medina del Campo. Il assurait également le service des messageries et le transport du courrier du nord de l’Europe vers l’Espagne et le Portugal.

Dans l’histoire de ce train mythique, le 15 novembre 1900 restera comme le drame le plus meurtrier: le train remontant vers Paris avec trente-quatre passagers, déraille dans les Landes faisant quatorze morts et vingt blessés.

À partir de 1930, le parcours du train de Lisboa sera prolongé par l’actuelle «Linha de Cascais» jusqu’à São João do Estoril, devenue une station balnéaire de luxe attirant la clientèle internationale.

En 1969, avec la création d’un nouveau train Paris-Madrid, plus rapide, la «Puerta del sol», comportant wagons-lits puis également couchettes (dès 1970), la tranche Madrid du Sud-Express est supprimée.

De noter que l’itinéraire emprunté sur les hauts plateaux espagnols était à voie unique. Il en résultait parfois de longs arrêts «sous les étoiles» dans l’attente du train venant à contresens.

Au début de la ligne empruntée par le Sud-Express reliant Paris à Lisboa, celui-ci passait par Madrid et rentrait au Portugal au niveau de Badajoz d’un côté et d’Elvas de l’autre.

Le train Sud-Express rejoint l’Espagne au Portugal depuis des décennies en passant de Fuentes d’Onor en Espagne, à Vilar Formoso au Portugal, la bifurcation vers Lisboa et Porto se situait à Pampilhosa.

À partir de l’été 1976, apparut le premier service de voitures-couchettes directes Paris-Lisboa et Paris-Porto qui évitaient, par ailleurs, le transbordement à la frontière. Les voyageurs des voitures à places assises transitant, quant à eux, à pied avec leurs bagages par le poste de douane d’Hendaye. La particularité des six voitures-couchettes était la possibilité de changement de leurs bogies, compte tenu des différences d’écartement des voies françaises et espagnoles: à Hendaye, les voitures groupées par trois, étaient montées avec leurs occupants sur des crics dans un hangar. Leurs six bogies étaient remplacés par six autres bogies d’un écartement différent. Un locotracteur spécial poussait les bogies à remplacer tout en tractant les nouveaux bogies.

Cette longue opération n’est plus utilisée pour les trains commerciaux depuis 1996. À l’époque les voitures-couchettes avaient des compartiments à six places.

À partir de la fin des années 1970, des voitures Corail entrèrent dans la composition du «Sud-Express» sur le parcours français, remplaçant le matériel Inox d’après-guerre. Aujourd’hui, c’est le TGV Atlantique qui assure cette mission.

Le nombre de voyageurs diminuant, le Sud-Express n’est plus composé que d’un wagon-lit et d’une voiture-restaurant du type Sorefame.

Dans les années 1970 à 1990, le train a transporté beaucoup d’émigrants portugais en France, au Luxembourg, en Belgique et en Allemagne . Ils utilisaient peu la voiture-restaurant française du Sud-Express, chère pour leur bourse. Ils préféraient manger et partager le vin rouge et leur copieux pique-nique à base de poulet froid, de jambon sec et d’œufs odorants. N’ayant à payer aucune surtaxe pour leurs bagages, ils emportaient beaucoup, amoncelés dans les compartiments. L’ambiance était joyeuse; ils racontaient leur vie d’émigrés et parlaient franchement de leurs projets au pays.

Depuis, le service est assuré par un très confortable Train-Hôtel, comportant voiture-lit et voiture-bar, avec service assis de spécialités portugaises, les sièges sont quant à eux, inclinables.

Dans la partie première classée et wagon-lits, l’ambiance était différente avec une clientèle d’hommes d’affaires, de militaires, de touristes et d’amateurs d’art. Aujourd’hui, avec l’élévation du niveau de vie, l’atmosphère du Sud-Express ressemble davantage à celle de tout grand express européen, même si son caractère très particulier d’«Orient Express du Sud» demeure vivant.

Avec l’arrivée du TGV Atlantique, la section française du Sud-Express par train Corail a été supprimée, d’abord l’hiver, dans les années 1990, puis l’été, récemment.

Le service Sud-Express a été entièrement repensé. Depuis le 25 avril 2018, le TGV effectue la partie Paris-Hendaye en 4h43, en correspondance immédiate «quai à quai» avec le Train-Hôtel permettant ainsi de réaliser, dans le meilleur confort, le voyage Paris-Lisboa en 19h00 environ, contre 26h00 jadis.

À l’intérieur de l’actuel Sud-Express, des rangées de sièges au revêtement délavé ont remplacé les compartiments de huit personnes aux banquettes en skaï marron. Le bar-restaurant est le seul trait d’union entre la mémoire du Sud-Express et ce ‘nouveau’ train. Beaucoup de personnes gardent de la nostalgie des anciens trains.

D’autres éléments de confort ont vu le jour dans le Sud-Express, tel qu’une douche privée et ce depuis février 2010.

Les immigrés portugais qui fréquentent encore le train sont en grande majorité des hommes âgés, en fin de carrière ou à la retraite. Habitués du Sud-Express, ces travailleurs portugais rentrent au Portugal pour une courte période, le temps des vacances ou de quelques jours de congé.

Chaque année, la fréquentation du Sud-Express diminue, la population qui le fréquente vieilli, d’autres moyens de transport moins chers le concurrencent.

Le Sud-Express, quoique moins fréquenté circule toujours quotidiennement, à Coimbra, une navette assure la correspondance de et vers Porto.

Pourquoi ne pas se laisser tenter de revivre l’aventure du Sud-Express, même si elle n’est plus tout à fait pareil? Le Sud-Express: que de souvenirs!