Home Comunidade Un parmi tant d’autres: Un combattant anonyme de La LysLusojornal·8 Abril, 2018Comunidade Afonso da Silva Maia, l’auteur de ce texte a été passioné par la Bataille de la Lys. Il va recevoir, ce lundi, à titre posthume, la Médaille de la Défense Nationale des mains du Président de la République, Marcelo Rebelo de Sousa. Voici le texte qu’il a écrit pour LusoJornal, en mémoire de son grand-père. Le 25 juin 1960, s’éteint, entouré de quelques familiers, un de ces combattants anonymes de la Bataille de la Lys. Les gaz inhalés pendant sa présence sur le front portugais des Flandres ne sont pas étrangers à ce cancer du poumon qui l’a rongé et finalement emporté. Né le 12 août 1895 à Lomba, paroisse de Sobrosa, canton de Paredes, district de Porto, ses parents le scolarisent, malgré leur condition très modeste, ce qui lui permet d’apprendre à lire et à écrire, ce qui est une richesse très rare à l’époque. Le certificat d’études en poche il entame un long apprentissage de sabotier (les sabots, dessus cuir et semelles en bois, sont seules vraies chaussures du dimanche du peuple en ce temps là, le restant du temps pieds nus). En 1915, le 13 août, il a vingt ans, c’est le Conseil de révision: «Bon pour le service». Incorporé le 12 mai 1916 dans le Régiment d’infanterie 32 de Penafiel, il termine son instruction le 29 août 1916 et continue son service. Un grand amour, jeune et passionné, les interdictions, de trop longues fiançailles et la fougue des retrouvailles de permission: il faut assumer. Le 2 mars 1917, il se marie après avoir obtenu l’autorisation de ses supérieurs militaires. L’embarquement pour la France Le 1 juin 1917, il rejoint la 3ème compagnie du 1er Bataillon, sous le matricule 321. L’ordre d’embarquement pour la France arrive début juillet. De grandes contestations et réticences, le Régiment refuse de partir. Reprise en main autoritaire du commandement et l’embarquement à Lisbonne se fait le 14 juillet, en direction de Brest. Le 22 juillet, il arrive en gare d’Aire-sur-la-Lys, après avoir débarqué à Brest et fait fastidieux et exténuant voyage par le chemin de fer. Sitôt en formation il part à pied vers la zone de cantonnement et d’instruction. Ce même jour, au Portugal son épouse donne naissance à leur premier fils. Après un mois passé en instructions, vaccinations et autres formalités, il est versé au Régiment 21 d’infanterie de Covilhã. Ce dernier étant le 2ème Régiment, de la 1ère Brigade d’infanterie de la 1ère Division du Corps Expéditionnaire Portugais. Son arrivée dans le Régiment est saluée dignement le 23 et 24 août par des bombardements intensifs et de tentatives d’attaques en plusieurs endroits, de l’artillerie et l’infanterie ennemie, sans rentrer en contact, sur le sous-secteur droit de Neuve Chapelle où il se trouve: c’est son baptême du feu. Le régiment occupe successivement tous les secteurs du front portugais avec la prédominance de celui de Neuve Chapelle, exécutant toutes les tâches relatives à la responsabilité de la défense de son secteur du front, y compris des patrouilles de reconnaissance et des raids sur les tranchées ennemies, subissant de son coté les bombardements et attaques multiples des patrouilles adverses. Le départ en zone repos est anoncé En janvier 1918, nouvelle convention entre le Gouvernement portugais et le gouvernement britannique, fixant de nouvelles modalités: le front portugais, sous la responsabilité de son Corps d’Armée à deux Divisions, le CEP, lui même sous les ordres de la 1ère Armée Britannique, sera dès l’application de cette dernière, occupé, après la suppression d’un secteur mais de même extension, par une Division renforcée d’une quatrième Brigade sous le commandement de la XIème Corps d’Armée Britannique. Cette disposition, après maints reports, s’effectue le 6 avril 1918. Les forces portugaises sont épuisées. Dès lors, le front est occupé par la 2ème Division renforcée par la 3ème Brigade de la 1ère Division. Les autres unités de cette dernière, hormis l’artillerie, partent en zone de repos. Le 5 avril 1918, il quitte le Régiment d’infanterie 21. Ce dernier partant en repos le lendemain. Il reste sur le front, et rejoint le Régiment d’infanterie 11 d’Evora. Ce dernier étant le 4ème Régiment de la 6ème Brigade de la 2ème Division du Corps Expéditionnaire Portugais. Le 6 avril, le Régiment d’infanterie 11 transite vers le secteur de Neuve Chapelle suite à la suppression programmée du sous-secteur de Chapigny. L’offensive allemande Georgette A l’aube du 8 avril, le régiment quitte la ligne de front et passe la nuit du 8/9 à travailler pour préparer la relève tant attendue et enfin ordonnée de la 2ème Division, prévue par moitiés du front portugais, les nuits suivantes du 9 au10 et 10 au 11. Le 8 au soir le Régiment se trouve en position d’appui à là 6ème Brigade d’infanterie, avec la disposition suivante de ses compagnies: – 1ère Compagnie sur la ligne de réserve. – 2ème Compagnie en appui en 2ème ligne du S.S.II occupé par le RI 2 – 3ème Compagnie à disposition du commandement à West Post. – 4ème Compagnie en réserve à Pont du Hem, en renfort au RI 5 Bombardement assez soutenu du front à partir de 22h00 jusqu’à une heure du matin, puis sporadiquement le restant de la nuit. L’aube du 9 est proche, il est 4h15, le brouillard se densifie, la visibilité devient nulle, il faut redoubler de vigilance, mais dans la tête des hommes, la perspective de quitter le front est une aubaine. Enfin du repos… Plus que quelques heures pour certains… on en chuchote… Soudain… un terrifiant tonnerre fait trembler la terre et un déluge de feu et de fer s’abat sur le secteur de la 2ème Division et plus intensément encore sur ses flancs, points de jonction avec l’Armée Britannique: 55ème Division Britannique à droite et 40ème à gauche. Les postes de commandement, les voies de communication, le front et l’arrière proche sont visés par des milliers d’obus de tous calibres, de tous explosifs, à fragmentation et de tous gaz. L’offensive allemande Georgette a commencée. Débute ainsi, une bataille qui va durer jusqu’au 29 avril et que l’on appelle: la Bataille de La Lys. La Bataille de La Lys Les communications téléphoniques sont coupées très rapidement, les routes sont rendues impraticables.Les postes de commandement, principales cibles des artilleurs ennemis, très vite abandonnés par leurs occupants. L’action de commandement devenant rapidement inefficace ne parvenant pas malgré d’énormes efforts à la base. C’est ainsi que les compagnies du Régiment d’infanterie 11 se trouvent isolées du commandement. A 9h00 les allemands attaquent la 1ère ligne. A 10h00 on entend les mitrailleuses ennemies. Les 1ère et 2ème Compagnies se battent mais perdent presque tous leurs éléments, les autres Compagnies se retirent entre 11h00 et 11h30. Le fait que le Bataillon n’a pas pu résister plus longtemps provient de divers facteurs notamment du manque de munitions (le Régiment n’a pas de dépôt de munitions et les Compagnies n’ont quand à elles que les munitions individuelles) et de la mauvaise qualité des abris (beaucoup de pertes sont dues à leur effondrement). Avec un compagnon, pendant une courte accalmie des bombardements, ils s’abritent dans une maison presque en ruines et qu’ils croient abandonnée. La présence d’une vieille femme à coté d’une cheminée où trône une cafetière prés des braises, dans une pièce encore debout, les intriguent, d’autant plus qu’elle leur propose du café avec un large sourire. Tout ceci avec les obus qui explosent tout autour. Ils comprennent rapidement que la dame est très âgée et qu’il lui est très difficile de se déplacer… Tout en avalant leur café, ils entendent les explosions d’obus qui se rapprochent, mais aussi déjà les rafales des mitrailleuses. Ils décident de partir au plus vite, insistent auprès de la vieille dame pour l’emmener, mais elle refuse, et leur fait comprendre qu’il faut qu’ils partent maintenant, que sa vie a peu d’importance car elle n’a plus personne sur cette terre… Ils hésitent, mais le crépitement des mitrailleuses les ramènent à la réalité. Ils partent enfin en courant, se retournent pour saluer une dernière fois de la main la vieille dame qui les regarde partir de sa fenêtre. A ce moment précis, ils voient la maison disparaître dans une immense explosion de débris et de poussière. Il aime à raconter cette histoire, considérant la vieille dame un peu comme son ange gardien. Le retour au Portugal Le 15 avril 1918, les éléments restant du Régiment d’infanterie 11, se regroupent à Blessy. Du 22 avril au 16 mai, les éléments restant du Régiment d’infanterie 11 dont il fait partie et ceux du Régiment d’infanterie 17, s’organisent dans un nouveau Régiment: le Régiment d’infanterie 11/17 qui cantonne successivement à Herbelles et Nalinghem. Le 16 mai, le Régiment part pour Ambleteuse, ancienne Base du CEP, où il se rend également. Fin juillet, les dispositions sont prises pour qu’il rentre au Portugal après un an de présence sur le front, ce qui est son droit. Il débarque alors à Lisbonne le 3 août 1918 et cesse de servir à 100 %. Il est libéré des obligations militaires et passe à la réserve, le 8 mai 1919. Il vit dans la maison de ses beaux parents où il exerce son métier de sabotier tout en s’occupant de son lopin de terre. Son épouse lui donne huit enfants (Álvaro, Carlos, Fernando, Inês, Alfredo, Abel, Alberto et Amândio) qu’ils élèvent tous les deux dignement dans la bonne éducation, le respect et dans l’honneur. Parfois, après avoir arrosé un peu trop, un quelconque événement de son meilleur vin, qu’il cultive lui même, il parle un peu de son français et raconte ce qu’il appelle en français «Ses souvenirs». Aujourd’hui, il n’est plus là… et il me maque… J’oublie… Il s’appelait José Ferreira. C’était un combattant anonyme de la Bataille de La Lys… C’était Mon Grand Père. Je suis un descendant de ces hommes du Portugal, de ces anonymes, venus dans les tranchées de Flandres, défendre la terre de France… et j’en suis très fier aujourd’hui. Note de la rédaction: Afonso da Silva Maia est décédé le 22 août 2017. [pro_ad_display_adzone id=”9235″]