LusoJornal / Dominique Stoenesco

Luzimar Fortes: renaissance d’une voix capverdienne

Avec «Vale de Paúl», son nouvel album, Luzimar Fortes revient sur la scène musicale francilienne, après une interruption d’une dizaine d’années. Dans le cadre de la Journée internationale des droits des femmes, elle animera des concerts notamment à Montreuil (le 14 mars) et à Paris (le 28 mars, salle Olympe de Gouges).

Née à Mindelo (île de São Vicente), Luzimar Fortes est arrivée en France en 1992. Ses parents ayant émigré à la recherche de travail, elle est élevée par ses grands-parents. Puis, à l’âge de 15 ans, après un séjour d’un an et demi à Lisboa, elle rejoint sa mère à Rome, où elle résidera pendant 13 années, avant de venir s’installer en France.

Luzimar Fortes a été nourrie à la source des musiques et des chansons du quartier de son enfance, Monte, à Mindelo, où les samedis et les dimanches des chanteurs venaient animer les fêtes locales. Par ailleurs, son père avait beaucoup d’amis musiciens qui se réunissaient souvent dans son «quintal» (jardin) pour jouer et chanter les «tocatinas de quintal e de terraço» ou les mornas, un des piliers de la capverdianité. Au cours de notre récent entretien Luzimar Fortes évoque aussi l’époque où elle faisait partie des enfants «pionniers» qui chantaient à la radio juste après l’indépendance du Cap-Vert, en 1975. Plus tard, à Rome, elle fréquentera la chorale internationale de cette ville et aussi un collège de bonnes-sœurs, où, pour mieux résister à la saudade, dans le cadre des activités culturelles de cet établissement elle participait aux ateliers de théâtre et surtout de la musique et de la chanson.

En France, Luzimar Fortes commencera à chanter aux côtés de Teófilo Chantre, dans des restaurants capverdiens de Paris et aussi au sein des associations franco-capverdiennes, telles que l’Association Familiale du Cap-Vert, à Vitry-sur-Seine, ou l’Association CHEDA (Crianças de Hoje e de Amanhã – les enfants d’aujourd’hui et de demain), à Paris, qui développe des actions à destination des enfants du Cap-Vert. Elle a également donné des spectacles aux États-Unis (Boston, Providence, New Bedford) où les Capverdiens sont très nombreux, la musique capverdienne servant de lien très étroit entre ces communautés et la Terra-Mãe (la mère patrie).

Dans son itinéraire musical, Luzimar Fortes accorde aussi une place importante au concert qu’elle avait donné à Paris, en novembre 2006, en compagnie de Lura, Mariana Ramos et Cesária Évora et au Festival de Trouville-sur-Mer, cette même année, avec Jorge Humberto, Dulce Matias et Tcheka.

Dans le répertoire musical de Luzimar Fortes on trouvera des auteurs-compositeurs actuels, tels que Teófilo Chantre ou Jorge Humberto, mais aussi des anciens comme Eugénio Tavares, Manuel d’Novas ou B.Leza. Par ailleurs, elle ne cache pas l’influence de Bana sur sa carrière. En 1999, elle était passée en première partie du concert de Bana, au New Morning. Le célèbre groupe Voz de Cabo Verde, des années 70, dont le musicien et interprète Luís Morais fut un des fondateurs, en Hollande, a également beaucoup compté dans son évolution musicale.

En 1997, sous le nom de Lutchinha, Luzimar Fortes participe à l’album «Le Cap-Vert aujourd’hui – Ex/Ilhas», avec la chanson «Mãe criola». Ce CD était né d’une idée du compositeur et interprète Jovino dos Santos, qui a composé les mélodies des 14 chansons, écrites par Luiz Silva.

Son dernier album, «Vale de Paúl», nous confie Luzimar Fortes avec une certaine émotion, est un hommage à la mémoire de ses grands-parents maternels, originaires de Paúl, village de l’île de Santo Antão, blotti dans le creux des falaises, face à la mer.

Onze titres figurent au répertoire de cet album, principalement des mornas et des coladeiras, avec les arrangements musicaux de Toy Vieira. Les thèmes vont des souvenirs de famille («Vale de Paúl», paroles d’António Herculano), ou de l’obligation de partir («Traçá rume», paroles de Toy Vieira), à la nostalgie et à la beauté de son île («Terra de sôdade», paroles de João Silva), en passant par les thèmes de la vie sociale («Espiá Soncente», paroles de Teófilo Chantre) ou culturelle, comme la chanson populaire «Cavól», à travers laquelle Luzimar Fortes rend hommage à la chanteuse Hermínia do Sal, une des plus importantes voix de la chanson traditionnelle capverdienne, disparue il y a dix ans. Toutes ses chansons sont en créole capverdien, langue officielle du Cap-Vert, au même titre que le portugais, et qui est par excellence le véhicule de l’expression lyrique de l’archipel.

 

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