Covid-19: Frédéric Ledaine: «La crise a révélé que de nombreux pans de nos industries étaient délocalisés»

Frédéric Ledaine est professeur d’histoire et géographie au Lycée Français International de Porto.

En classe de 3ème, le Devoir de Mémoire, fait partie du programme, raison pour laquelle il a, à plusieurs reprises, visité la région Hauts de France avec ses élèves afin de mieux faire comprendre et appréhender ce que les guerres ont laissé comme traces et les efforts que des hommes ont dû accomplir pour préserver notre liberté.

Les rencontres avec Sam Braun, déporté à Auschwitz-Birkenau avec ses parents et de la résistante Lucie Aubrac, ont marqué la vie de Frédéric Ledaine en tant qu’homme et d’historien.

 

Que faites vous actuellement?

Je suis en vacances à compter d’aujourd’hui pour deux semaines. Nous venons de terminer une période de 6 semaines de télétravail et c’était épuisant. Un nombre incalculable d’heures passées devant l’ordinateur à préparer des cours, réadapter des cours, faire des visioconférences pour les élèves, entre collègues, avec notre Direction, dans le but de préparer déjà la rentrée de septembre, énormément de mails à traiter également. Vraiment très fatigant.

 

La situation actuelle vous préoccupe-t-elle?

Bien sûr c’est stressant. Nous devions partir en vacances aux Açores mais tout est annulé. Nous avons nos familles en France avec des mamans âgées de 91 et 94 ans dont l’une est en Ehpad. Des frères et sœurs qui ont dépassé les 60 et même les 70 ans, alors forcément on s’inquiète toujours un peu. On se donne des nouvelles régulièrement. On ne sait pas encore comment ça va se passer pour cet été. Pourra-t-on rentrer en France en voiture comme habitude? On ne le sait pas et c’est vrai que de ne pas avoir de visibilité est quelque chose de gênant, même si nous comprenons bien sûr aussi les préoccupations des autorités gouvernementales, qu’elles soient portugaises, espagnoles et françaises. La situation n’est facile pour personne.

 

Quand la pandémie sera passée, qu’attendez-vous du «nouveau monde»?

Ce serait bien si on réfléchissait à comment prévenir ce genre de pandémie et parvenir à les circonscrire plus vite lorsqu’elle se déclare, car nous ne sommes pas à l’abri dans le futur de ce genre de choses. Mieux s’y préparer au niveau européen et donc anticiper d’un point de vue sanitaire. Avoir des stocks de masques en quantité suffisante, des tests aussi. La crise a révélé au grand jour et au grand public que de nombreux pans de nos industries auxquels on ne pensait pas forcément, étaient désormais délocalisés en Chine et/ou d’autres pays d’Asie. Et pas uniquement des fabrications mécaniques, mais la pénicilline, des médicaments génériques, des masques, des tests, etc., etc. Tant de choses qui ont manqué aux Italiens, aux Français, aux Espagnols notamment et qui étaient pourtant produites il y a peu en France. Une usine qui produisait des masques en grande quantité et de bonne qualité, a fermé ses portes en Bretagne en… 2018.

Si le monde de demain, le «nouveau monde», celui d’après cette crise sans précédent dans l’histoire, doit changer, ce serait bien de pouvoir relocaliser certaines industries et vite. La mondialisation est certainement à repenser. Il ne s’agit surtout pas de se recroqueviller derrière nos frontières et de faire preuve de nationalisme étroit, ce qui serait vain et pourrait mener au pire, mais nous devons réfléchir collectivement à l’échelle européenne pour relocaliser certaines industries stratégiques et de santé au niveau de notre continent. Nous devons repenser cette mondialisation, faire en sorte qu’elle soit moins énergivore, moins consumériste et plus respectueuse de notre environnement. C’est ce que j’espère mais hélas j’ai peur qu’après le confinement, très vite nous repartions comme avant dans une course effrénée et irréfléchie à produire, produire, produire encore et toujours plus pour que les gens achètent et consomment encore et toujours davantage. Nous devons repenser nos agricultures aussi. Produire le plus possible localement et consommer le plus possible des produits locaux, si possible produits de façon la plus écologique qu’il soit. Ce n’est pas facile, c’est un monde à repenser, il faut de l’imagination mais ceux qui prétendent nous gouverner doivent en avoir et être audacieux. Les seront-ils? A suivre, même si j’ai hélas bien peur que nous continuions comme avant, sans trop de changement. J’espère me tromper.

 

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LusoJornal