LusoJornal | António Marrucho

Opinion : Le temps des cerises au Portugal, entre rêve et réalité ?

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Est-ce la réalité, est-ce une légende, est-ce le désir, notre désir qu’elles soient les meilleurs ? Les cerises de Fundão.

Le voyage a été programmé pour nous conforter, réconforter, avec celles d’Alcongosta durant le week-end de la Fête de la cerise, les 9, 10 et 11 juin.

Oscar, né aux Açores, est venu faire des siennes, ramenant vent et pluie. Pluie si précieuse en ces temps de pénurie, toutefois catastrophique pour les cerises, de quoi désappointer propriétaires, une main-d’œuvre venue d’Inde, Pakistan et l’alliance amoureuse entre le chocolat et la cerise.

Les souvenirs nous font remonter le temps, le temps des études à l’intérieur du Portugal : les orages du mois de la fête des Saints amplifiés par les montagnes, le soleil qui fait coucou-coucou, entrecoupé par la pluie, un soleil qui trompe… finalement j’aurais mieux fait de prendre le parapluie, l’autre catastrophe qu’on n’aimerait pas avoir en cet été 2023, peut attendre : les incendies.

Yves Montana, l’a chanté, c’est moins festif à Alcongosta cette année, par manque de son or rouge, causé par les intempéries. Oscar et compagnie ont décimé 80 à 90% de la production.

On s’est promené dans les rues du village, les cerises étaient peu nombreuses sur les étalages et pourtant, pas loin, les cerisiers sont beaux, décorés par de multiples duos bien rouges, luisants et appétissants, à l’approche, nos mains nous sont tombées, les cerises sont toutes craquées, de quoi nous faire rappeler le dicton portugais : «vê-se caras, não se vê corações».

La fierté d’une région, dont les cerises sont considérées comme parmi les meilleurs du monde.

Difficile de se couper du monde, au temps des cerises, au retour aux sources. L’actualité nous interpelle. Avouons ne rien comprendre à l’information numéro un au hip parade d’ici : l’histoire aux multiples versions de la TAP, de l’ordinateur et du Ministre.

De France nous parvient l’information de l’horreur, le choc de l’impensable, l’inaccessible, l’injustifiable, les blessures d’enfants, d’adultes, innocents.

Après le décès du policier Paul Medeiros, à Villeneuve d’Ascq, Manuel dos Santos est poignardé à Annecy, une ville magnifique, réputée par sa qualité de vie, le danger pouvant venir de partout, de là et là où on l’attend le moins.

Un drame de trop, pour des enfants, les familles… Un drame de trop qui nous signifie, à nous aussi, portugais ou d’origine, que nous faisons partie intégrante de la nation France, dans ses joies, mais aussi dans ses peines. Peines que le drapeau portugais rappelle en ce 10 juin, férié national de la patrie de Camões, sa journée, la journée qui honore tous ceux qui sont partis au-delà des terres, au-delà des mers.

De notre intérieur, de l’intérieur du Portugal, les messages sont nombreux. Positifs, négatifs ? Le «já não é como antigamente» est bien plus évident, plus vrai qu’ailleurs.

Aux périodes de pluies succédant l’accalmie. Nous sommes allés aujourd’hui trois fois jusqu’en haut du village, l’église la domine, nous aussi, aucune rencontre dans les rues du village. Nous nous sentons des privilégiés : la solitude partagée par la pensée des nôtres, des amis, à la paix du lieu, du moment,… Un privilège, le clocher qui ne sonne que pour nous (?), mais qui rappelle, nous rappelle, à la réalité.

Dans nos montées et descentes, les pierres nous parlent, nous racontent des histoires, elles qui demandent d’être encore utiles, aux maisons en ruines, s’en succèdent d’autres, un oiseau rentré dans une maison ne trouvant pas la sortie, a pendant des heures eu pour obstacle, une fenêtre contre laquelle il s’est acharné de se cogner, a-t-il retrouvé une autre porte de sortie ?

Une chanson de Pierre Perret nous est venue à la mémoire, mais comment faire sans violer ce qui nous n’appartient pas ?

Quelques maisons résistent dans le village, s’embellissent… le Portugal qui résiste, le Portugal qui se meurt ? Qui résistera combien d’années encore ? Pendant une génération ? Vingt-cinq habitants dans le village, 50 lampes dans les rues… les uns comme les autres : des résistants, des combattants… ont-ils encore des armes, lesquelles ?

À quelques kilomètres de là, un village ne compte plus, en nombre d’habitants, que les cinq doigts d’une main.

Le Portugal, que nous défendons, qui nous a vu grandir, c’est celui-ci aussi.

Beaucoup de films «Alma Viva» seraient à écrire, à tourner de toute urgence, au risque de ne plus avoir d’interlocuteurs y habitant… les pierres racontent des histoires qui sont d’autant plus riches, d’autant plus vivantes, qu’en présence des serviteurs, les habitants, les propriétaires des lieux.

À quand une visite des autorités portugaises dans ces nombreux recoins du Portugal lors d’un 10 juin ? Il est 3 heures du matin… temps de faire d’autres rêves. Plus réalistes ?

Demain d’autres réalités nous attendent.

Un présent, consommé par un autre futur ?

Le présent n’est-il pas un privilège ? Pendant les nuits de peu de sommeil, nous lisons «O peregrino na sua história», un livre écrit par António dos Santos, une histoire vraie, la vérité des années de labeurs, d’exploration, de Salazar.

Pourvu que les cloches continuent à sonner.

Pourvu qu’on continue à l’entendre.

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