Grande Guerre: La reconstruction

Le 9 avril 2018, le Portugal commémorera avec la France le 100ème anniversaire de la Bataille de la Lys dans la région des Hauts-de-France. Les communes de Richebourg et de La Couture seront sous les projecteurs du Centenaire. Autour des commémorations, une série d’évènements «Les Portugais dans la Grande Guerre», est organisée du 7 avril au 6 mai.

Tout au long du mois de mars, LusoJornal donne la parole à Aurore Rouffelaers, en charge des commémorations au sein du Comité France-Portugal Hauts-de-France, pour une série de chroniques sur la Grande Guerre.

 

A la fin de l’année 1918, la partie Nord-est de la France est parcourue d’une vaste cicatrice de 500 km de long et plus de 20 km de large. Pour le seul département du Pas-de-Calais, c’est environ 279 communes rayées de la carte, 102.490 immeubles détruits et 152.887 hectares dévastés et pollués. Dans ce secteur, on dénombre 4.500 km de tranchées.

Les populations civiles, parties pour la plupart en exil en zone non occupées ont la volonté de revenir au plus tôt et de reprendre leur vie. Dans la plupart des villes et villages touchés par la guerre il ne reste plus rien que des pans de murs calcinés et des squelettes d’arbres ne dépassant pas un mètre de hauteur.

A Lens, dans ses mémoires, le mineur Augustin Visseux raconte que sa mère et lui sont obligés de compter les tas de gravats pour localiser leur ancienne maison. Il est donc impérieux de reconstruire au plus vite. Et contre toute attentes contemporaine, la priorité n’est pas au confort des populations mais à la remise en état de l’outils de travail. Le Nord d’avant-guerre était en effet la région la plus économiquement dynamique de France, forte de ses industries textiles, minières, sidérurgiques…. De 1919 à 1927, les services de l’état procèdent également à une remise en état du réseau routier.

Les habitants des villes aménagent donc des abris, le plus souvent au-dessus de leurs caves, et fait de planches et bribes de ruines. Les anciennes tranchées servent de carrière de matière première parfois au péril de leurs vies.

La reconstruction des industries achevée, il est temps de s’occuper de l’habitat. L’invasion de l’été 1914 a été très destructrice. Il faudra donc reconstruire beaucoup et vite. Pour rappel, la France de l’époque, forte de l’expérience de 1870-1871 est convaincue que la guerre ne durera que quelques mois. Aussi le 17 novembre 1915, se réuni pour la première fois, une Commission d’étude pour la reconstruction. L’enjeu est de taille, il faut être rapidement opérationnel et proposer des solutions architecturales prenant en compte le passé et l’histoire de la région mais en affirmant une certaine modernité. La solution la plus simple consisterait à reconstruire à l’identique, cependant l’architecture régionale est née aux 16ème et 17ème siècles, périodes de guerres et d’invasions. Dans cette optique il est difficilement concevable de reprendre le style d’occupation.

Pour être le plus efficace possible, les architectes sont mobilisés pour proposer des modèles, parfois clef en main, à l’occasion de concours. Cette initiative crée la polémique puisque la dotation financière est inexistante. Et c’est ainsi qu’un nouveau style architectural naît sous la mine des penseurs du temps. Ils s’appellent: Louis Marie Cordonnier, Jacques Alleman, Louis-Pierre Sézille, Pierre Guidetti, Jacques Barbotin, Jean Louis Sourdeau….

En quelques mots l’architecture de reconstruction est une synthèse citant l’architecture antérieure sans la copier et mêlant une architecture régionaliste à la mode et identitaire (usage massif des pignons à redents, de la brique, des combinaisons rouge et blanche, de la façade sur le pignon, du plan de ferme type cense (plan carré fermé sur l’extérieur), fenêtres à meneaux…). Cette architecture se veut moderne et fait un usage systématique du béton pour la structure, les décors et l’ensemble des bâtiments. Le béton est en effet moderne, peu cher, rapide et permet de préparer un ensemble d’éléments en usine et de les apposer en cours de construction.

La modernité se traduit aussi par l’emploi de l’Art Déco (formes angulaires, décors essentiellement constitués de bas-relief dans le creux, design floral spécifique, usage de bow-windows, utilisation de la mosaïque et du vitrail…).

Les opérations de reconstruction ont permis de faire de la région des hauts de France le plus vaste manifeste de ce style. Longtemps méconnu, voir détesté, il est aujourd’hui de plus en plus valorisé.

 

Le printemps de l’art déco se déroule du 1er mars au 30 avril dans les territoires d’Amiens métropole, d’Arras Pays d’Artois, de Béthune-Bruay, de Cambrai, du Douaisis, de Lens-Lievin, de Roubaix, de Saint-Omer et de Saint- Quentin.

Retrouvez tout le programme sur: www.printempsartdeco.fr

 

LusoJornal