Carlos et Sebastião, fils du Consul Sousa Mendes, héros de la II Guerre mondiale aux côtés des Américains

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Un effort a été fait ces dernières années pour faire connaître l’histoire de celui qu’on appelle «le Consul de Bordeaux», Aristides de Sousa Mendes, qui, selon certaines sources, aurait sauvé, délivrant 30 mille visas, dont 10 mille à des juifs, entre le 17 juin 1940 et la fin du mois. Des visas ont été délivrés par José Seabra, le rabbin Kruger, Jules d’Août, à Bordeaux, mais aussi à Toulouse et à Bayonne par Manuel de Vieira Braga, vice-Consul du Portugal à Bayonne, Aristides ayant fait également travailler sans relâche quelques-uns de ses enfants.

Du mariage avec sa cousine, Maria Angelina Ribeiro de Abranches, le 18 février 1909, à Beijos (Carregal do Sal, Viseu), 14 enfants sont nés. Un des enfants a dessiné une voiture, qui après sa construction a transporté toute cette grande famille entre la Belgique, la France et le Portugal. On a donné à ce petit bus familial le nom de «Expresso dos Montes Hermínios».

Des ancêtres de la famille d’Aristides de Sousa Mendes ont eu un certain rôle dans l’histoire du Portugal.

César de Sousa Mendes, frère jumeau d’Aristides, aura comme condisciple à l’université de Coimbra, António de Oliveira Salazar. Alors que César était Ambassadeur du Portugal en Suède, en 1932, il fut rappelé par Salazar pour être son Ministre des Affaires étrangères. Pas pour longtemps! Un an plus tard, César est congédié car son franc-parler ne plaisait pas au dictateur portugais.

Dans une lettre que César adresse, peu après, à son frère Aristides, il écrira: «Maudit soit-il [Salazar] et que son nom soit prononcé avec mépris si un jour il devient la cause de notre disgrâce collective».

César de Sousa Mendes, visionnaire? La carrière diplomatique d’Aristides fut émaillée de 3 procès disciplinaires et de 8 rappels à l’ordre par les serviteurs de Salazar.

Si on remonte plus loin dans la famille d’Aristides, nous avons D. Álvaro Vaz de Almeida, au XVème siècle, qui s’est illustré au côté des Anglais dans la conquête de la ville d’Avranches, en France. Il est fait chevalier de l’ordre de la Jarretière et reçoit le premier titre de Comte d’Avranches en 1445.

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Cinq siècles plus tard, il y a comme une répétition de l’histoire dans la famille d’Aristides de Sousa Mendes. Deux de ses fils, Carlos et Sebastião, participeront à la Bataille de Normandie, à portée de canon d’Avranches. Le mercredi 7 juin 1944, vers 14h30, une escadrille de six bombardiers alliés déverse sur Avranches son funeste chargement. Dans l’espace d’une heure, trois vagues anéantissent plusieurs secteurs de la ville.

Revenons sur l’histoire de Carlos et Sebastião, les deux fils d’Aristides qui ont servi l’Amérique pendant la II Guerre mondiale.

Carlos et Sebastião sont nés aux États Unis alors que leur père était, à l’époque, Consul général du Portugal à San Francisco.

Carlos Francisco Fernando de Sousa Mendes do Amaral e Abranches est né le 11 février 1922 à San Francisco, en Californie. Sebastião Miguel Duarte Mendes de Sousa Mendes de Amaral e Abranches est né le dixième des quatorze enfants d’Angelina et Aristides, à Berkeley, en Californie, le 7 octobre 1923.

Alors que leur père est rappelé au Portugal, pour cause de désobéissance, en délivrant les 30 mille visas, en 1940, les deux fils vont s’engager dans la U.S. Army, se considérant comme citoyens américains, car ils étaient nés aux États Unis.

Sebastião se rend en Angleterre où il se porte volontaire de l’Armée américaine, il rentre dans cette Armée le 19 juillet 1943. Au même moment que Carlos?

Sebastião de Sousa Mendes saute en Normandie deux jours après le début du débarquement, rejoignant la 101ème Airborne, surnommée les «Aigles hurlants» (Screaming Eagles, d’après l’image figurant sur l’insigne de la division). Cette division s’est distinguée au cours de la II Guerre mondiale, lors du débarquement de Normandie. Elle participe ensuite à l’opération Market Garden, en septembre 1944, et en décembre de la même année à la Bataille des Ardennes.

Pendant deux mois, après le débarquement, Aristides et sa famille, sont dans l’incertitude, n’ayant pas de nouvelles des deux fils en guerre à côté des Alliés. Il reçoit de leurs nouvelles au mois d’août, les deux fils sont sains et saufs.

Aristides de Sousa Mendes apprend par les journaux que la division de Sebastião était engagée du côté de Arnhem, en Hollande, sa division devait prendre des ponts pour permettre à l’offensive de Montgomery de progresser.

À l’approche des fêtes de fin de l’année 1944, Aristides de Sousa Mendes n’avait pas trop de nouvelles de ses fils. Par la presse, il supposait que Carlos, qui faisait partie de la 106ème division d’infanterie américaine, était comme, pour ainsi dire, chez lui, en Belgique, y ayant grandi. Le froid y était très intense cette année-là.

Le 15 décembre fut une journée particulière pour Carlos. Un déluge de feux s’abat vers 5h30 sur sa division, de l’artillerie lourde, avant d’entendre deux heures plus tard le vrombissement des chars allemands. Carlos a été sauvé, étant situé en hauteur par rapport au passage des blindés. Deux régiments de la 106ème ont été décimés, celui de Carlos tenait. Les rescapés, suivent vers Bastogne à pied par manque de véhicules. Sur 40 kilomètres Carlos traversera des champs de bataille parmi les plus meurtriers de la II Guerre mondiale. Le régiment de Carlos arrivera à Bastogne le 20 décembre, ayant dû lutter contre l’extrême froid, la neige, des conditions adverses.

Bastogne était déjà défendue par la 101ème Airborne, de laquelle faisait partie l’autre frère, Sebastião.

Les troupes américaines finissent, tout de même, par être encerclées par les Allemands. Le 23 décembre, les conditions météorologiques permirent à l’aviation Alliée d’apporter son soutien aux troupes encerclées.

Bastogne libérée, les deux frères se retrouvent ensemble et écrivent aux parents l’histoire de cette rencontre insolite pendant la Guerre.

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Éric Lebreton, dans son livre «Des visas pour la vie, Aristides Sousa Mendes, le Juste de Bordeaux» écrira que «la Belgique devait beaucoup au Consul bordelais, mais dans la province du Luxembourg, ce furent ses fils, Carlos et Sebastião, les héros libérateurs. Carlos et Sebastião, les Américains».

Au Portugal, Aristides de Sousa Mendes reprend son métier d’avocat, après une lutte intense avec les autorités portugaises. Il installe son nouveau cabinet à Lisboa, à partir du 12 octobre 1944. Aucun client ne viendra à son cabinet, le pouvoir en place y étant pour quelque chose. La seule affaire qu’il a eu à défendre, ce fut celle de ses deux fils, le Ministère de la défense voulait enlever la nationalité portugaise à ses deux fils du fait qu’ils se sont engagés dans l’Armée américaine.

Après la fin de la II Guerre mondiale, la vie de Carlos fut bien plus discrète que celle de Sebastião.

Carlos meurt le 4 juin 1999. Sebastião se marie en Californie, en 1948, avec Ruth Elaine Cahalan. Il meurt aux États-Unis, à Scottsdale (Maricopa, Arizona), le 17 décembre 2006.

Sebastião va consacrer la majeure partie de sa vie à justifier son père qui a été injustement et sévèrement puni par António de Oliveira Salazar, pour avoir désobéi aux ordres explicites du dictateur en sauvant environ 30 mille réfugiés des Camps de concentration, en juin 1940, alors qu’il était diplomate à Bordeaux.

En anvier 1951, Sebastião de Sousa Mendes publie une nouvelle sous le pseudonyme de Michael d’Avranches, «Flight Through Hell», «une fuite à travers l’enfer» contenant l’histoire de son père.

Tout au long des années 1950, Sebastião a continué à contacter à plusieurs reprises des journalistes de journaux et de magazines. À l’exception de quelques brefs articles de journaux sympathiques, l’histoire est en grande partie tombée dans l’oreille d’un sourd. Inébranlable et avec l’aide de ses frères et sœurs, Sebastião a persévéré jusqu’à ce que l’élan et l’intérêt pour l’histoire de son père prenne une tournure journalistique, humanitaire et de reconnaissance. Cela culmine en 1995 avec un hommage national au Portugal, au cours duquel le Président portugais de l’époque, Mário Soares, a publiquement proclamé Aristides de Sousa Mendes «le plus grand héros portugais du XXème siècle».

En 1997, un hommage international est organisé par l’Union européenne, à Strasbourg, en France. En 2004, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort d’Aristides de Sousa Mendes, la Fondation internationale Raoul Wallenberg a organisé un hommage international qui s’est déroulé simultanément dans une cinquantaine de villes à travers le monde, dont New York, Paris, Londres et Jérusalem.

Au cours des années 80 et 90, Sebastião s’exprimait publiquement chaque fois qu’il le pouvait, dans des synagogues, des centres communautaires ou des institutions, parmi lesquels l’Institut Simon Wiesenthal, à Los Angeles, et l’agence officielle israélienne de mémorial de l’Holocauste, Yad Vashem, à Jérusalem. En tant que défenseur d’Aristides de Sousa Mendes, Sebastião a reçu une reconnaissance supplémentaire de la part de nombreuses institutions, dont le Musée de l’Holocauste à Washington DC et des législatures étatiques et municipales.

Sebastião meurt en 2006, laissant dans le deuil son épouse depuis 58 ans, Ruth, et leurs trois fils : Sebastião, Francis et Richard.

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