Jean-Philippe Diehl explique l’impact de la pandémie sur les ménages, les entreprises et la Banque BCPCarlos Pereira·Empresas·9 Fevereiro, 2023 [pro_ad_display_adzone id=”41079″] Après deux ans de pandémie, suivie d’une guerre aux portes de l’Europe, entre la Russie et l’Ukraine, il s’impose de connaitre la lecture des banques «affinitaires franco-portugaises» comme c’est le cas de la Banque BCP. Jean-Philippe Diehl, le Président du Directoire de la Banque a reçu LusoJornal, pour faire un point sur l’impact de ces crises depuis trois ans, sur la vie de la banque et sur sa relation avec les clients. Le monde vient d’être secoué par une pandémie. Quel impact a cette situation sur la banque et sur ses clients? D’abord, je crois que nous avons, tous ensemble, surtout grâce aux vaccins, surmonté les presque 3 ans de Covid. Il y a eu le premier confinement, en mars 2020, et à ce moment-là ça a été un choc assez fort. Durant toute cette période, bien sûr nos clients ont été impactés – outre les aspects médicaux et dramatiques qu’on a pu connaître – sur l’aspect économique. En France, grâce au chômage partiel pour ceux qui ont été touchés dans leur entreprise, les ménages ont été quand-même assez bien protégés sur le plan économique. Peut-être plus qu’au Portugal où les protections étaient peut-être un peu moins élevées, d’ailleurs, en Europe, nous avions la protection la plus élevée, ce qui fait que beaucoup de personnes ont pu quasiment maintenir leur pouvoir d’achat pendant la période de Covid. Et concernant les sociétés? Ça a été un peu plus difficile. Bien sûr il y a eu aussi les compensations de l’État, mais qui ont été parfois moins importantes. Dès le premier confinement, les banques – et la Banque BCP en particulier – ont mis en place les prêts garantis par l’État, les fameux PGE. Nous avons aidé près de 900 entreprises, soit 150 millions d’euros. Nous avons réagi très vite. En plus, comme on avait instauré, sur un plan très pratique, la signature électronique, un client qui demandait un PGE, à partir du moment où il déposait son dossier, en 48 heures on émettait l’offre de crédit et en 24 heures on débloquait les fonds. Et tout ça pourrait se faire à distance grâce à la signature électronique. Nous n’avons pas connu de vagues de faillite comme on aurait pu le prévoir. Vous considérez que les banques ont réagi rapidement… Contrairement à ce qui s’était passé lors de la crise de 2008 – cette grande crise financière où les banques étaient en partie à l’origine de la crise, notamment les banques américaines – là, les banques ont plutôt fait partie de la solution, avec l’appui de l’État. Parce que ce sont des prêts garantis par l’État, mais ils ne sont pas complètement garantis par l’État, une partie du risque est pour nous. Finalement, il y a eu une assez bonne reprise en 2021. Puis, en 2022 arrive la guerre en Ukraine et ça a eu d’autres conséquences, on a eu d’énormes tensions sur les prix des matières, notamment nous, qui avons beaucoup de clients dans le domaine du bâtiment et de la promotion immobilière. Ça n’a pas commencé avant? C’était déjà un peu avant, avec la pandémie, mais ça s’est encore accentué à ce moment-là, avec aussi l’inflation sur les coûts énergétiques. Ça s’est vraiment amplifié. L’inflation monte et l’impact sur nos clients est important. Nous sommes quasiment à 6%, même si là aussi, c’est plus compliqué au Portugal et dans beaucoup d’autres pays en Europe. Et comment vous pouvez atténuer cet impact? Nous limitons la hausse de nos commissions. L’ensemble des banques s’est engagé, pour 2023, à ne pas dépasser 2% d’augmentation, donc 3 fois moins que le montant de l’inflation. La conséquence c’est la lutte qui est menée contre l’inflation par la Banque Centrale Européenne et la hausse des taux. La hausse des taux a des conséquences fortes sur les clients et ils vont probablement continuer à augmenter. Jusqu’à quel niveau? Je pense que personne ne le sait aujourd’hui, mais la BCE va continuer à monter ses taux. La conséquence, pour les clients particuliers, c’est d’abord sur la rémunération de l’épargne parce que la rémunération de l’épargne – et pour beaucoup de clients particuliers, l’épargne est constitué par, notamment, le Livret A, le Livret de Développement Durable et Solidaire et par l’épargne liquide – et là les taux ont sensiblement augmenté, ils sont à 3%. Donc, tout notre stock d’épargne va donner lieu à une rémunération plus grande pour les clients. De l’autre côté, pour ceux qui ont des prêts, notamment des prêts immobiliers – et nous en avons beaucoup – pour 90% ce sont des prêts à taux fixes, donc ils sont protégés contre la hausse des taux, contrairement, là aussi, à ce qu’on peut voir dans d’autres pays au monde, notamment au Portugal. C’est en quelque sorte nous, les banquiers, qui assurons la protection de nos clients, car on ne répercute pas la hausse des taux. Les clients sont protégés. Et la banque? Il y a quand-même l’économie qui, globalement, est moins dynamique. Il n’y a pas de croissance, c’est quand même un phénomène réel. Puis, du côté des entreprises, dans le bâtiment, tout ce qui est rénovation reste très actif, parce qu’il y a aussi les besoins énergétiques et les artisans ont du travail, mais dans le domaine de la promotion immobilière, comme les cours ont beaucoup surenchéris, que le crédit immobilier aujourd’hui coûte plus cher et il va coûter encore plus cher dans les mois qui viennent, on constate moins de mises en chantier, si on compare avec ce qu’on a vu au dernier trimestre 2021. Ce n’est pas un arrêt, mais une baisse des mises en chantier. Mais il y a toujours un besoin de nouveaux logements… Oui, il y a toujours un besoin, mais il y a toujours des longueurs pour avoir les permis pour lancer les chantiers et les promoteurs sont assez attentifs pour pouvoir bien commercialiser leurs appartements au bon prix, sachant qu’eux-mêmes subissent la hausse des matières premières. Il y a donc un ralentissement des mises en chantier, d’autant plus que le crédit pour les particuliers est plus cher. Dans l’ancien, nous n’avons pas vu vraiment une baisse de prix, mais il y a moins de transactions ces derniers mois et on va avoir un impact sur les prix en 2023. Le ralentissement est lié aussi aux contraintes réglementaires qui ont été imposées par les Pouvoirs publics, pour avoir un niveau d’apport suffisant par rapport aux revenus, combiné au taux d’intérêt qui monte, combiné au fait aussi qu’il y a des vendeurs qui ne veulent pas baisser leur prix et des acheteurs qui attendent qu’éventuellement les prix baissent. On a du mal à trouver une offre et une demande qui se rencontrent. Cela veut dire qu’il y a moins de crédit actuellement? Oui, le crédit est un peu plus rare et on voit bien qu’avant on avait rarement des personnes qui venaient d’autres banques pour nous demander du crédit et là, il y en a plus. On voit bien qu’il y a des banques qui ont vraiment fermé le robinet, ce qui n’est pas notre cas, car nous voulons nous inscrire dans une relation de long terme avec les clients, donc on continue à faire du crédit, même si aujourd’hui le taux est plafonné par les Pouvoirs publics pour les crédits immobiliers. Nous ne gagnons pas d’argent, mais on continue à faire des crédits car on pense qu’on doit servir nos clients et servir nos clients c’est protéger leur épargne – qui est parfois l’épargne d’une vie – le protéger le mieux possible, le faire fructifier, c’est les protéger, eux, à travers les assurances des personnes et des biens, et puis c’est accompagner leurs projets et accompagner leurs projets passe par du crédit. Pour nous, à très court terme, ce n’est pas très profitable. C’est pour cela que nous consacrons une partie des bénéfices de 2023 à venir, dans la protection des clients. Les taux risquent de descendre, non? Oui, mais nous ne savons pas quand. Comment se porte la Banque BCP financièrement? Nous sortons d’une année 2022 qui est une année record en termes de chiffre d’affaires. Les banques auront des bons résultats en 2022, mais spécialement nous. Nous n’avions jamais fait ça dans notre histoire. Pendant cette période de pandémie, il y a eu un développement assez fort de la banque. Parce que finalement, un certain nombre de clients, ont placé. Pour vous donner une idée, sur cette période, nos clients nous ont confié 500 millions d’euros en plus et, en parallèle, notre encours de crédit a progressé, à peu près d’un milliard. Aujourd’hui, si on regarde globalement la banque, nos clients nous confient à peu près 4 milliards d’euros au total, et on prête 4 milliards d’euros – pas forcément aux mêmes clients – ce qui fait qu’on a une espèce d’équilibre qui nous permet de ne pas être trop dépendants des marchés financiers pour aller se refinancer. C’est l’argent de nos clients qui sert à prêter à d’autres clients. C’est un bon équilibre et c’est une recette qui marche assez bien. Les actionnaires gagnent donc de l’argent avec la Banque BCP… Depuis des années, nos actionnaires réinvestissent le résultat. Ils choisissent de redonner tous les dividendes qu’ils touchent, ils le réinvestissent dans la banque. Ça nous a permis, en 8 ans, de doubler nos fonds propres et cela nous donne aussi une capacité de prêt, une solidité qui est réelle et très importante pour nous. Vous avez un regard sur les deux pays. Pensez-vous qu’en France nous étions plus protégés qu’au Portugal? Le niveau de protection n’était pas le même. En France il était vraiment exceptionnel. Mais, du point de vue bancaire, nous n’avons pas constaté que les clients auraient déplacé soit des crédits d’ici vers là-bas ou de l’épargne. On n’a pas vraiment vu d’effets dans les flux. Nos clients font, d’habitude, beaucoup de transferts vers le Portugal, et ils ont continué à transférer à peu près au même rythme. Un petit peu moins au début du Covid, mais si on regarde 2022, c’est au même rythme qu’habituellement. Par ailleurs, d’un point de vue économique le Portugal s’en est très bien sorti en 2022 avec une croissance du PIB de 6,7%. Cela veut dire que l’épargne se fait en France et qu’au Portugal il y a des dépenses? Au Portugal il y a des dépenses, mais il y a aussi de l’épargne. Nos clients ont un volume d’épargne significatif aussi chez Millennium bcp. Pourquoi ce choix, selon vous? Ils ne choisissent pas. Je pense qu’il y en a beaucoup qui souhaitent avoir les deux, parfois plus ici et moins au Portugal. Mais nous n’avons pas ressenti de changement de comportement. Je peux même vous dire qu’au moment de la grande crise de 2010/2011 au Portugal, on aurait pu penser que les Portugais de France sortent de l’argent du Portugal par crainte du système bancaire à ce moment-là. Eh bien, ils n’ont pas sorti tant d’argent que ça. Il y a toujours eu une certaine confiance. En France, il y a eu la fermeture des Bureaux de représentation de Novo Banco et de Santander, il y a eu la fermeture de la succursale de la BPI… est-ce que, selon vous, ces changements veulent dire que les Portugais ne sont plus aussi intéressants pour les banques portugaises? Je pense que ce n’est pas facile d’être juste une succursale ici, quand on est banquier. Nous arrivons à bien nous en sortir parce qu’on essaye de garder cette culture, ces racines portugaises, l’aspect linguistique aussi, qui parfois joue pour certains clients, cette relation qu’on a avec les clients et qu’on retrouve dans les racines portugaises et nous avons aussi le partenariat avec Millennium bcp, mais ça ne suffirait pas aujourd’hui pour être une banque en France avec 52 agences. Ça ne suffirait pas parce qu’en fait on s’appuie sur l’infrastructure informatique et digitale du Groupe BPCE, qui est notre actionnaire majoritaire, qui nous permet de faire tout ce qui est possible dans le digital, car on ne peut pas s’en passer. Par exemple, nos clients font 97% des virements sans aller à l’agence, sur internet ou avec l’application. Si on n’avait pas toutes ces applications, tout ce digital, on ne pourrait pas s’en sortir. L’infrastructure du Groupe BPCE est absolument nécessaire, surtout en ce qui concerne la cybersécurité, car il y a des attaques en permanence. Le fait qu’on ait le système de BPCE, qui est très robuste, nous aide énormément. On n’y arriverait pas, de manière aussi efficace, si on était seuls. Je comprends donc que ces succursales aient finalement choisi d’abandonner, parce qu’elles n’avaient pas suffisamment de moyens. Le Groupe BPCE continue à être l’actionnaire majoritaire à 80% du capital de la Banque BCP? Avec Millennium bcp, oui. Je dis souvent que nous sommes aujourd’hui la seule banque franco-portugaise, puisque dans notre capital on a le Groupe BPCE, qui est majoritaire avec 80% du capital, et Millennium bcp, avec 19%. Nous avons signé un nouvel accord, complètement revu, avec Millennium bcp, en 2021. Depuis ce nouvel accord, ils nous ont apporté 2.000 nouveaux clients. Ce sont leurs clients qui avaient un compte quelque part en France, mais pas chez nous. Ils ont choisi aussi de devenir clients à la Banque BCP. Si je calcule bien, il manque 1% dans le capital de la banque. Oui, avant le Covid nous avons ouvert le capital aux salariés. 80% de nos salariés sont actionnaires de la banque et on regarde les choses un peu différemment quand on est aussi actionnaire de son entreprise. Cela ne représente pas un montant très important, parce qu’individuellement chacun investit un peu, mais les salariés on 1% du capital de la Banque BCP. Nous sommes très contents car pour nous, cela permet aussi d’associer les salariés aux résultats de la banque. Depuis un moment, nous n’avons pas d’articles dans LusoJornal sur l’ouverture de nouvelles agences. Est-ce que la tendance est à la stabilisation du réseau d’agences? La tendance générale du marché, en France, c’est fermer les agences. La Société Générale, le Crédit du Nord, la BNP, HSBC,… ont fermé beaucoup d’agences. Nous avons décidé, déjà l’année dernière et encore cette année, de conserver le dispositif actuel de 52 agences. Nous n’allons pas en ouvrir, mais nous ne voulons pas en fermer. Nous voulons conserver le fait de rester assez proche physiquement des clients, même pour les clients qui vont moins en agence, le point de repère de l’agence est important pour eux aussi. Nous ne faisons pas de plateformes centralisées comme font certaines banques, nous voulons que chaque client continue à pouvoir venir en agence s’il le souhaite et avoir toujours un conseiller qui lui est dédié. Cela veut dire que vous allez réduire le nombre de collaborateurs par agence ? Non, nous maintenons et on investit aussi chaque année dans le digital avec le Groupe BPCE, mais on investit aussi physiquement dans les agences avec des rénovations pour les moderniser. Les agences seront de plus en plus un endroit où on aura du conseil, peut-être du service après-vente, mais de moins en moins un endroit où on fera des transactions. Les transactions se font de plus en plus à distance, même pour les personnes les plus âgées, contrairement à ce qu’on croit. Notre job c’est de faciliter la vie au client, de l’aider quand il y a un nouvel usage. Est-ce que ça se justifie toujours, aujourd’hui, d’avoir une banque ‘portugaise’ en France? Juste l’âme portugaise, le relationnel d’origine portugaise, ça ne suffit pas. C’est un plus. Nous considérons que c’est un plus par rapport aux banques françaises de la concurrence, mais il faut être aussi bon, voire meilleur, sur tout ce qui est opérations, délais de réponse sur les crédits, placements, donc il faut être aussi bon, voire meilleurs, que les banques françaises. Et quand on est aussi bon ou meilleur et qu’on a, en plus, l’âme portugaise, alors là c’est incroyable et ça marche très bien. Pour les clients qui nous sont recommandés, et qui ne sont pas d’origine portugaise, ils sont même surpris, il y a une chaleur dans la relation qu’ils n’avaient pas dans telle ou telle banque française. Puis, de plus en plus, tous les membres de la famille sont clients chez nous. On avait parfois les parents et on n’avait pas les enfants, on n’avait pas le frère, mais nous les avons de plus en plus. Nous avons lancé une offre au dernier trimestre 2022 où vous avez une seule cotisation pour toute la famille. Chacun peut avoir une carte, et si vous avez une carte de plus pour un autre membre de la famille, vous ne payez pas plus. Cela correspond à notre politique où on cherche à être en relation avec toute la famille. C’est donc une stratégie à suivre… Oui, bien sûr. On communique peu là-dessus, car les banques n’aiment pas donner des chiffres, mais si nous regardons sur les 10 dernières années, les clients particuliers pour lesquels nous sommes la banque principale a progressé de 50%, ce qui est très important. Nous avons actuellement 140.000 clients particuliers. Et combien de clients entreprises? Nous avons 9.000 clients entreprise, personnes morale, professionnels et professionnels de l’immobilier. Nous avons des équipes spécialisées qui suivent justement les professionnels, les professionnels de l’immobilier et les entreprises. Pour suivre ces 3 catégories, nous avons 80 collaborateurs spécialistes, sur un total d’environ 500 salariés. [pro_ad_display_adzone id=”46664″]