Le Jumelage et l’après-jumelage. L’exemple des Hauts de France

Au 17 décembre dernier, d’après l’annuaire des Mairies des villes la France, on comptabilisait 190 villes françaises jumelées avec des villes portugaises. De noter que des villes peuvent avoir des accords de coopération sans que le jumelage soit célébré ou déjà célébré.

De ces statistiques brutes, nous avons pu retirer les enseignements suivants: 56 départements français possèdent au moins une ville jumelée avec une ville au Portugal, 13 d’entre eux ont même 5 ou plus de villes jumelées avec des villes du Portugal.

Les villes françaises jumelées avec des consœurs du Portugal sont évidemment en rapport avec la présence de Portugais dans leurs villes ou en fonction de la proximité des frontières du Portugal.

Le département de la Gironde (33) est celui qui a le plus de villes jumelées avec le Portugal, un total de 17. S’ensuivent des départements de la région parisienne: Val de Marne, Essonne avec 11 et Yvelines avec 10. Citons encore les Pyrénées-Atlantiques avec 8, Ardèche avec 7, Rhône avec 6, le Nord, Maine-et-Loire, Puy-de-Dôme, Vienne et Seine-Saint Denis avec 5 jumelages.

D’autres données chiffrées peuvent nous permettre d’appréhender encore mieux le thème traité: Aujourd’hui, près de 7.000 conventions ont été signées entre la France et le reste du monde, des échanges s’internationalisent grâce aux jumelages. Plus de 4.000 communes françaises sont jumelées avec près de 6.500 localités européennes. 3% des jumelages ont des liens à des partenaires d’Afrique et 3% à ceux d’Amérique du Nord.

 

L’Allemagne en tête

Un tiers des communes jumelées avec la France sont allemandes et trois quarts de la population des deux nations vivent dans une agglomération associée à l’autre pays.

Les cinq régions qui comptent le plus de jumelages sont le Rhône-Alpes, l’Île-de-France, la Bretagne, les Pays-de-la-Loire et la Basse-Normandie. Près de 90% des agglomérations françaises de plus de 10.000 habitants sont jumelées. Près de 80% des communes concernées a moins de 10.000 habitants et près des deux tiers moins de 5.000 habitants.

Tout le monde connaît les panneaux à l’entrée des communes qui vantent le jumelage avec telle ou telle cité d’Europe ou d’ailleurs. Mais à quoi servent vraiment ces partenariats?

Les jumelages se sont développés en France après la 2ème Guerre Mondiale. C’était comme une manière de réconcilier les peuples (Allemand et Français). La deuxième raison est celle de coopération Nord-Sud, entre pays d’Europe et pays d’Afrique, pays ex-colonisés, pays qui ont besoin de l’aide internationale.

Ces deux raisons ont conduit à que des visites se fassent entre villes jumelées conduisant parfois à que des mariages aient lieu.

L’autre point essentiel des jumelages est le programme «Jobs dans la ville jumelée» de l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) qui incite les jeunes de 16 à 30 ans à effectuer un stage ou à décrocher un emploi dans une des villes ou régions partenaires.

Avec l’immigration, on a vu se développer des jumelages avec des pays tels que la Pologne, l’Italie, l’Espagne et le Portugal.

 

Le cas des Hauts-de-France

Nous ne prétendons pas décrire ici la situation générale de l’ensemble des jumelages entre la France et le Portugal. Nous allons plutôt décrire, selon notre point de vue et selon un certain constat, ce qui se passe entre les villes jumelées dans la région lilloise, avec des villes au Portugal.

Dans le Nord de la France, nous avons les villes suivantes jumelées avec des villes Portugaises: Douchy-les-Mines avec Vila Nova de Poiares, Hem avec Aljustrel, Tourcoing avec Guimarães, Roubaix avec Covilhã et Wattrelos avec Guarda.

De noter que les villes portugaises citées, n’ont pas d’exclusivité de jumelage avec une seule ville en France: Covilhã est également associée à Sevremoine, dans le Maine-et-Loire, et Berstett, dans le Bas-Rhin. Guarda est associée à Saint Mars-d’Egrennes, dans l’Orne. Quant à Guimarães, elle est jumelée, à Montluçon dans l’Allier et à Langeais en Ardèche.

La population qui a émigre de l’Italie, Espagne, Pologne et Portugal vers la France, va avoir une influence dans les futurs jumelages. L’autre raison qui justifie, parfois, les jumelages, est l’activité économique et industrielle des villes jumelées.

Cette activité peut contribuer aux rapprochements. Prenons comme exemple les villes de Roubaix et Tourcoing, jumelées respectivement à Covilhã et Guimarães. Les quatre villes ont (ou ont eu) comme activité principale industrielle, le textile. Pour le jumelage de Guarda avec Wattrelos nous dirons plutôt que cela s’est fait grâce à la présence d’habitants venus de Guarda et surtout par l’action d’un fonctionnaire à la Mairie de Wattrelos originaire de Guarda. À Hem, les Portugais sont venus essentiellement de la région d’Aljustrel, cela explique le choix de cette ville.

Concernant le jumelage entre Douchy-les-Mines et Vila Nova de Poiares, l’explication sort un peu de la règle. José Macedo, Président de l’Association du Groupe Folklorique Les Hirondelles du Portugal nous a expliqué que, dans les années 1990, l’association proposait des cours de portugais. La ville de Douchy-les-Mines souhaitant se jumeler à une ville portugaise, le professeur de portugais de l’association propose alors Vila Nova de Poiares, là habitait son frère qui était bijoutier à l’époque, avec des liaisons avec la Mairie de Poiares.

 

Un quart de siècle de jumelages

Les jumelages des villes du Nord de la France avec le Portugal datent d’il y a cela un quart de siècle, voire plus!

L’accord entre la ville minière de Douchy-les-Mines et Vila Nova de Poiares date du 11 novembre 1990, date à laquelle le Maire de l’époque, Stanis Soloch, a célébré un autre jumelage, avec la ville polonaise de Mielic. Le jumelage entre Wattrelos et Guarda date de la même année, 1990. À Guimarães on dit qu’il y a un accord de coopération avec Tourcoing, tandis que celle-ci indique s’être jumelée avec la première capitale du Portugal le 12 mai 1996, la ratification officielle de coopération ayant été signée par les deux villes le 25 janvier 1997. Côté français, l’idée du jumelage a été initiée par Adérito Moreira de Sousa, un ami personnel de Jean-Pierre Balduyck, le Maire de l’époque.

La cérémonie officielle du jumelage entre Covilhã et Roubaix a été célébrée le 14 octobre 2000 en présence des Maires de la ville portugaise, Carlos Pinto, et de son homologue français, René Vandierendock.

Le journal Nord Éclair du 11 novembre 1998 titrait «Hem et Alustrel bientôt jumelées», le Portugal ayant été mis à l’honneur lors de la manifestation «Pays en chœur, pays du cœur». La décision de monter un pont entre Hem et Aljustrel a été prise. Les choses ont été officialisées à Hem en avril 2000, ratifiées à Aljustrel en mai 2001.

 

Le point sur l’actualité

Quel est l’état actuel de coopération des villes jumelées du Nord de la France avec le Portugal?

Dans les différentes réunions auxquelles nous avons assisté, du Comité France-Portugal Hauts-de-France, quelques idées ont été lancées pour de futurs jumelages des villes du Touquet, Wasquehal, Roncq, Lens avec des villes du Portugal.

Pour le Consul Honoraire du Portugal dans la région, Bruno Cavaco, créer des jumelages semble être un de ses chevaux de bataille. Jumelages avec une vision un peu différente de ceux qui se sont noués y a de cela 20 voit 30 ans.

Vue de l’extérieur, il nous semble qu’il y a «presque» une paralyse d’actions et de coopération entre les villes jumelées du Nord de la France et celles du Portugal depuis quelques années. Je dis «presque», car quelques actions ont tout de même eues lieu ces dernières années.

Nous avons eu l’occasion de rencontrer les Maires des villes de Roubaix, Tourcoing et Wattrelos. Aux trois, je leur ai demandé où en était du jumelage et coopération avec les villes Portugaises.

Nous avons senti que ce n’était évidemment pas le problème essentiel de leurs préoccupations. On évoque parfois le calendrier électoral municipal des deux pays – qui évidemment ne coïncide pas – comme étant un frein. Ce décalage d’élections est une source de problèmes ou d’excuses. A chaque élection, à chaque changement de Maire ou alternance politique, il faut recommencer les contacts. Les beaux projets et belles paroles sont souvent tributaires du calendrier électoral.

 

Le frein du budget

Il faut dire que tant en France qu’au Portugal on demande aux Maires de gérer le budget de la ville au plus près, les échanges avec les villes jumelées étant réglées au second plan.

Les immigrés portugais sont de plus en plus intégrés à la population française, on arrive actuellement à la 3ème génération. A-t-on besoin de faire appel à ce type de coopération, dans un monde où les échanges se font de plus en plus facilement?

Même si nous estimons que des efforts restent à effectuer pour dynamiser les échanges entre les villes jumelées, des actions ont été menées dans un passé plus ou moins récent.

Citons ici la ville de Douchy-les-Mines, qui a la suite des incendies survenus le 17 juin près de Leiria, puis le 14 octobre 2017 dans l’arrondissement de Vila Nova de Poiares, a lancé une collecte en faveur de sa congénère portugaise. La collecte a rapporté 5.200 euros. Ont participé à ce recueil de fonds le Comité de l’association Les Hirondelles du Portugal, onze associations locales, ainsi que la municipalité et l’Office municipal des sports.

Entre les villes d’Hem et d’Aljustrel, des rencontres ont lieu régulièrement. Le Maire actuel d’Aljustrel, Nelson Brito, avec une délégation d’autres Maires de l’Alentejo, a récemment visité les Hauts-de-France, l’occasion lui a été donnée d’échanger avec des compatriotes. En 2015, pour fêter les 15 ans de coopération, une délégation Hémoise a visité Aljustrel, les responsables de Mairie se félicitant de l’engagement commun, de la volonté partagée de sans cesse se rapprocher sportivement, économiquement et culturellement.

Le Maire de Wattrelos, Dominique Baert, s’est rendu en novembre 2014 à Guarda, à l’occasion du 815ème anniversaire de la ville. L’année suivante, Guarda visite Wattrelos pour célébrer un quart de siècle du jumelage. Occasion pour le Maire de Wattelos d’affirmer l’intérêt majeur des échanges entre les deux villes, de partager des cultures et de favoriser des échanges entre les jeunes. À l’époque, Dominique Baert affirmait avoir comptabilisé 80 échanges dans le domaine de la culture et du sport, et surtout pas moins de 28 échanges réciproques de classes d’écoles primaires entre les deux villes! Il affirmait: «il faut poursuivre. D’autres moyens, que les déplacements physiques, hélas aujourd’hui trop contraignants pour les budgets de nos villes, sont étudiés. Les nouvelles techniques permettent de communiquer, de se voir, de se parler sans prendre d’autocar ou d’avion. Je crois qu’au moins dans un premier temps, nous pouvons saisir cette opportunité pour maintenir les liens qui nous unissent. J’encourage néanmoins toutes les associations Wattrelosiennes à discuter avec nos amis portugais, dès aujourd’hui, pour trouver toutes les manières possibles de faire vivre notre jumelage avec Guarda».

Lors du jumelage entre Covilhã et Roubaix, il y avait unanimité d’un côté comme de l’autre, venue des différentes forces politiques. Le Maire de la ville portugaise disait de Roubaix «c’est extraordinaire, cette ville est notre famille… construisons l’Europe ensemble». Le Jornal do Fundão titrait: «Roubaix et Covilhã, des villes amies pour toujours… Roubaix une leçon d’urbanisme et patrimoine». À l’époque, Manuela Durão, Consule du Portugal à Lille affirmait: «J’espère un développement profond des échanges entre les deux communautés», à Bernardino Gata du PSD de dire: «Roubaix nous donne des pistes pour ce qui doit être la ville de Covilhã dans la diversification économique et la requalification urbaine», pour Dias Costa du PS: «Cela va permettre la rencontre des populations pour le développement d’activités culturelles et techniques», et finalement pour Vasco Cardoso de la CDU: «Roubaix est à suivre par son exemplaire récupération de son patrimoine industriel et architecturale». Citons tout de même la voix discordante de éditorialiste du Journal do Fundão, António Soares Rebelo, qui écrivait: «L’initiative est généreuse, toutefois il y a des personnes qui voient dans cette folie des jumelages comme une manière de donner occasion aux Maires et son personnel de faire de bons voyages».

Que reste-t-il de tout cela? Une coopération entre artistes de la ville de Covilhã et Roubaix se déroule actuellement. Depuis deux ans on parle du déplacement d’une délégation de Roubaix à Covilhã pour mette en relation, entre autres, des entreprises du numérique des deux côtés. Pour diverses raisons, notamment de calendrier, le déplacement n’a pas encore eu lieu.

 

Le status-quo

En 2014, Guimarães a été Capitale européenne de la culture. Des élus et autres personnalités de la ville de Tourcoing ont assisté au lancement des festivités au Portugal.

En 2007, l’ex-Maire de Guimarães, à une des questions posées par un journaliste de la Voix du Nord sur la coopération entre sa ville et Tourcoing, disait: «Il y a un gros travail à accomplir entre les deux parties. Il faut d’abord se mettre d’accord sur les points à suivre, pour que notre collaboration devienne totalement efficace. Que Tourcoing désigne un interlocuteur privilégié, et nous pourrons reprendre le fil de notre dialogue. Il faut avant tout qu’un calendrier soit établi, qu’il y ait des choses véritablement concrètes et non pas écrites à la va-vite, sur des genoux ou un coin de table…».

Nous avons l’impression que depuis 2007 pas grand-chose a changé.

Les Maires des villes de Roubaix, Tourcoing et Roncq, depuis que le Comité France-Portugal Hauts-de-France existe, se montrent coopératifs. Des réunions du Comité ont eu lieu au sein de leurs Mairies respectives.

 

Une dynamique hors jumelage

Peut-il y avoir, aussi, une coopération forte et dynamique sans jumelage? Nous pensons que la réponse peut être, aussi, oui.

Citons l’exemple de la collaboration entre Almada Mundo Associação Internacional de Educação, Formação e Inovação e l’Association Historique de Villeneuve d’Ascq. Des travaux sont faits en coopération, des échanges par vidéo et présentiels ont lieux, un travail est fait dans le milieu scolaire dans les deux villes, des expositions, des conférences, etc.

À la suite de l’élection municipale du mois de mars prochain en France, peut-on s’attendre à un développement des échanges par les jumelages?

N’y a-t-il pas lieu de créer une espèce de Comité des villes jumelées entre le Portugal et la France, pour qu’un échange de pratiques et expériences puisse contribuer à dynamiser la coopération entre villes jumelées?

 

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LusoJornal