Leonardo Tonus: La 6ème édition du Printemps Littéraire Brésilien arrive

Le 11 mars aura lieu à la Fondation Calouste Gulbenkian (Paris) l’ouverture officielle de la 6ème édition du Printemps Littéraire Brésilien, créé et organisé par Leonardo Tonus, Maître de Conférence, habilité à diriger des recherches à la Sorbonne Université et auteur du recueil de poèmes « Agora vai ser assim ».

50 Romanciers, poètes, essayistes et acteurs du livre latino-américains (Brésil, Colombie, Puerto Rico, Venezuela), maghrébins (Maroc) et européens (Portugal, France, Italie et Suisse) y participeront. Le Printemps Littéraire Brésilien 2019 se tiendra dans cinq pays européens (France, Belgique, Portugal, Allemagne et Suisse), dans plusieurs villes des États-Unis et pour la première fois au Canada.

Des débats, des lectures, des rencontres poétiques, des ateliers d’écriture et des lancements de livres sont prévus dans des espaces institutionnels, des centres culturels, des librairies mais aussi dans de nombreuses universités et des lycées.

En France, le Printemps sera présent dans des universités de Paris, Nanterre, Villetaneuse, Montpellier, Rennes, Lille et Lyon.

 

Une des nouveautés de ce Printemps Littéraire Brésilien (PLB) est qu’il aura lieu sur une aire géographique plus large…

En effet, car je me suis rendu compte qu’étant donnée notre proximité géographique nous pourrions élargir l’espace du PLB vers d’autres pays, toujours avec ce double objectif : promouvoir la littérature brésilienne, et lusophone en général, et contribuer au développement de l’enseignement de la langue portugaise au sein des universités. Cet élargissement nous permet, d’une part, de consolider notre présence dans les lieux où nous étions déjà allés et, d’autre part, de soutenir les études portugaises là où il est encore fragile.

 

La perspective pédagogique reste un de vos soucis majeurs…

Tout à fait. Le souci d’enseigner la langue et aussi de former de nouveaux lecteurs. Surtout que dans de nombreux pays les espaces de lecture lusophones sont quasi inexistants. C’est donc en priorité au sein des universités et aussi des établissements secondaires (autre nouveauté de cette année!) que notre action doit se développer. Je pars toujours du principe que l’apprenant doit être un élément actif dans le processus d’apprentissage. Et parfois cela peut se faire à travers de simples activités. Par exemple, profitant de la présence de ces nombreux écrivains et poètes, j’essaie de proposer à mes étudiants des tâches qui leur permettent de s’insérer dans un projet commun. En effet, durant le PLB quelques-uns d’entre eux seront les moniteurs de ces écrivains et poètes. Ce contact, outre qu’il favorise la pratique du portugais, il peut aussi déclencher un intérêt pour la lecture et l’écriture. Un autre groupe d’étudiants travaille sur la réalisation de petits films promotionnels liés au PLB. Tout cela exige un gros travail en amont.

 

Une autre nouveauté est donc l’entrée du PLB dans les lycées, notamment au Lycée International de l’Est Parisien, à Noisy-le-Grand, où depuis peu il y a une Section brésilienne.

Si nous ne formons pas les jeunes à la connaissance de la langue portugaise et des cultures lusophones dès le collège et le lycée, comment pourrions-nous assurer la survie de l’enseignement du portugais dans les universités ? Plus qu’une volonté, cela représente pour moi un engagement vis-à-vis de notre discipline qui est confrontée à des situations de précarité. L’ouverture de cette Section à Noisy-le-Grand est née des accords bilatéraux entre la France et le Brésil. En même temps a eu lieu à Niterói l’ouverture d’un lycée franco-brésilien.

 

Une des caractéristiques de la cartographie littéraire brésilienne est sa diversité. Comment vous êtes-vous pris pour la respecter ?

Cette question me tient particulièrement à cœur, car mes recherches elles-mêmes sont axées, d’une part, sur la question de la représentation sociale dans la littérature brésilienne et, d’autre part, sur la question du champ littéraire, duquel d’ailleurs sont souvent exclus ceux qu’on appelle les « minorités ». Minorités sociales, minorités dues au genre, mais aussi les minorités liées à des situations géographiques, puisque le champ littéraire brésilien actuel comprend essentiellement des écrivains venant de l’axe Rio-São Paulo. J’accorde beaucoup d’importance à la question de la diversité de toutes les représentations et des pluralités : pluralité hommes-femmes, ethnique-culturelle, géographique, et aussi une pluralité de voix (contes, nouvelles, poésie, illustration, BD, etc.). Par ailleurs, les nouvelles immigrations (immigrants et réfugiés), ainsi que la question de la double appartenance culturelle constituent aussi l’un des thèmes privilégiés de mon travail. Plusieurs invités aborderont ces thèmes au cours du PLB. Et je n’oublie pas la pluralité éditoriale, car ce serait un anachronisme de ma part si je me concentrais uniquement sur des grands noms ou des grandes maisons d’édition.

 

La nouvelle situation politique au Brésil vous a-t-elle influencé dans le choix des sujets à aborder durant ce Printemps 2019 ?

Évidemment. On ne peut pas faire abstraction de la très grave situation sociale, économique et politique que traverse le pays. En commençant par quelques-unes des premières mesures de ce Gouvernement : suppression du Ministère de la Culture (qui devient un Secrétariat de la Culture), suppression d’un certain nombre d’aides destinées à la culture, menace sur la loi Rouanet (une loi qui prévoit des abattements fiscaux pour les promoteurs de la culture). Pour toutes ces raisons, le PLB 2019 contient donc des thèmes politiques, dont une journée d’études intitulée « Quel Brésil ? Quelle littérature ? » où les auteurs et les chercheurs sont invités à parler non seulement de leurs œuvres mais aussi à réfléchir sur des questions de société brûlantes. La question « quel Brésil » sous-entend « quel Brésil voulons-nous », dans un monde de plus en plus touché par l’ostracisme, le racisme et l’exclusion. N’oublions pas que l’acte d’écriture est déjà un acte politique ! La littérature est toujours un acte politique. L’autre question est de savoir quelle littérature pouvons-nous faire. Sinon, j’ai l’impression que nous allons vers une impasse. En effet, y a-t-il un sens, de nos jours, de parler encore des difficultés quotidiennes des écrivains ? Ne doit-on pas aller de plus en plus vers une littérature engagée ?

 

Le programme détaillé figure sur le site printempslitterairebresilien.com. Toutes les rencontres sont gratuites, mais en raison du plan Vigipirate il est nécessaire de confirmer sa présence par e-mail : printempsbresil@gmail.com

 

LusoJornal