LusoJornal | António Borga

Opinion: Dieu ne dort pas (1). Les Portugais non plus

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PS! PS! PS! Au Portugal, on lève encore le poing gauche et on scande PS! La nuit du 30 janvier fut interminable de ce cri victorieux à travers le pays mais aussi partout où habitent les Portugais, c’est-à-dire, dans le monde entier.

Lisboa, il est 20h00 l’annonce des résultats des élections législatives anticipées provoquées par les tatillons PC et Bloc de Gauche votant contre la Loi de Finances 2022 pas assez «de gauche» sur les questions sociales est rendue publique: le PS est le grand vainqueur!

Quelle belle victoire socialiste! Celle d’António Costa plus que celle du PS? Peut-être, tellement la personnalité du Premier-Ministre sortant a été déterminante. Chanceux, disent les uns, Viriate du XXIème disent les autres.

Déjà en 2015, après une alliance impensable, la première de toute la gauche dans l’Histoire du Portugal, taxée de «gerigonça/bidule» fragile par la droite adversaire, pourtant victorieuse en pourcentage lors de la Législative, mais lourdement chargée des ordres de la Troïka encore et de son spectre de traumatismes pérennes n’auront eu gain de cause (jamais autant de droits sociaux n’auront été écrasés et jamais les Portugais n’oublieront).

António Costa tiendra néanmoins fermement le gouvernail de cette alliance nouée sur la base d’un programme électoral commun et sa capacité à négocier chaque jour dans cette mer périlleuse feront de lui un leader imperturbable.

En 2019, António Costa confirme une seconde victoire avec 108 Députés en lieu et place des 86, sans majorité absolue et sans accord de «gerigonça/bidule» jusqu’à ce que le Budget 2022 ne soit plombé par les partenaires dont la qualité des conversations parlementaires s’est érodée.

Chumbo! (2) suivi donc de la convocation d’élections législatives anticipées par le Président de la République, détenteur du pouvoir de dissolution.

La campagne relève de la Blitzkrieg (3) pour occuper surtout le mois de janvier. Contexte Omicron très opératif n’aidant pas les meetings à l’expression de la ferveur populaire, mais celle-ci s’affirmera de-ci, de-là, tant bien que mal.

Ainsi, l’affection exprimée à António Costa et aux candidats PS fut grandissante autant que la colère contre le PC et le Bloc de Gauche d’avoir provoqué cette rupture de mandat, créé de l’instabilité face à une situation déjà très anxiogène. Les Portugais.es n’hésiteront pas à le dire franchement, «cara a cara» (4) aux intéressés.

D’un sondage à l’autre, d’abord il a été question d’une victoire honnête du PS, sans majorité absolue, puis, à l’avant-veille du scrutin, l’annonce que la droite, que le PSD, serait pourtant devant d’une tête!

Les abstentionnistes de gauche, dont on ne s’occupe guère, se sont chargés de voter et d’écrire le chapitre final de l’histoire, punir le PC et le Bloc de Gauche de sa légèreté, éviter en même temps une alliance contre-nature avec le PSD et ce «maudit» Bloc central, c’est-à-dire, voter PS contre une droite hésitante dont le discours devait gagner de façon patriotique ces élections, tantôt sans l’extrême droite et même contre l’extrême droite. Mais, en s’alliant à Chega (5), sans états d’âmes, lors des derniers scrutins régionaux, aux Açores. Résultats? Le PSD a été rongé sur ses deux flancs. D’un côté, Chega le ronge sérieusement d’une partie de son électorat pour élire non plus le «Duce» à lui seul, mais 12 nouveaux Députés au Parlement.

Puis Iniciativa Liberal, nouveau parti de droite, jeune et clinquant, lui ronge un autre flanc sur la dynamique d’un libéralisme décomplexé (galvaudé mais dont l’incarnation renouvelée ringardise le PSD) pour élire 6 Députés.

Le PSD perd des Députés pour se retrouver au nombre de 76.

Circonscription après circonscription apurée, la joie grandit, les urnes sont de plus en plus limpides: majorité absolue pour le PS, sans connaître les résultats des deux circonscriptions de l’étranger: 117 Députés socialistes élus sur 230, en attendant le sort des 4 autres candidats dont je suis d’ici le dépouillement du 9 février prochain.

Soit humble, toujours, mais que la victoire est belle!

Au Portugal, la méthode de Hondt permet aux petits partis d’exister et de se faire élire, mais la répartition des votes ajoute force à la moyenne la plus haute et plusieurs sièges ont été gagné de quelques votes seulement par le PS.

Plus de PAN (6), les Verts disparaissent donc de l’Assemblée comme le centre CDS, né au lendemain de la Révolution des Œillets et s’éteint. Oui, les partis meurent aussi.

Dieu ne dort pas, dit un adage populaire portugais. Les Portugais non plus.

Sont-ils les mêmes à l’étranger? Le million et demi d’électeurs portugais habitant le monde a-t-il aussi donné une majorité éclatante au PS et à António Costa? Les 4 sièges sont-ils tombés dans l’escarcelle de cette majorité stable et prometteuse?

La cause politique des Portugais de l’étranger est une cause majeure car celle-ci pose sans cesse des questions nouvelles à la démocratie, à sa représentativité, à ses institutions, aux droits fondamentaux de chacun.e. L’existence de plusieurs millions d’entre eux ont encouragé des femmes et des hommes politiques à repenser l’envergure de leur propre pays, notamment en garantissant de nouveaux droits dont le recensement automatique et le droit de vote postal récemment. Mais encore? L’adage populaire français aura-t-il raison, cette fois-ci, de notre goût de l’universel: loin des yeux, loin du cœur?

Le degré de participation de ces «luso-multiples» de l’étranger à ce scrutin proportionnel, leur choix d’ici a couple of days seront décisifs et sans équivoque. Mieux, gageons qu’elle soit identique à celle des votes continentaux: donner une opportunité rare à António Costa de dépasser les mécaniques politiciennes pour ouvrir un horizon plus large à chaque membre de cette Nation éparse et cosmopolitique, de sortir de la pandémie et de faire en sorte que chacun.e saisisse, à nouveau, toutes les mêmes chances d’émancipation.

António Costa n’a jamais manqué aucun combat.

Rien ne devrait venir perturber la vision éclairée de l’avenir défendu par cet homme qui sait que «la majorité absolue n’est pas le pouvoir absolu», ni même la volonté populaire qui le confirme parfaitement dans ses responsabilités.

Séquence électorale exemplaire. Jour heureux. Que d’autres viennent au Portugal, et partout en Europe, chargés d’espoir, même celui de croire que Dieu ne dort pas.

 

Notes:

(1) En portugais: Dieu ne dort pas, adage populaire.

(2) Rejet du budget en portugais.

(3) Guerre éclair (en allemand), référence à un épisode de la II Guerre mondiale.

(4) Les yeux dans les yeux, en portugais.

(5) Littéralement: ça suffit! Parti portugais d’extrême droite.

(6) Le Parti des Animaux et de la Nature.

 

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