LusoJornal / António Marrucho

Opinion: L’autre Portugal: le Portugal qui se meurt, le Portugal qui résiste (2)

Nous y revenons. La fin de l’année approche… moment festif pour tous?

Cela fait quatre dizaines d’années que nous ne visitions le Portugal en cette période de l’année.

Le «matar saudades» pour cueillir une dernière fois les olives, nos olives…

L’olivier est considéré par beaucoup de Portugais comme étant un arbre sacré, un arbre qui peut compter au-delà de 1.000 ans de vie. On le célèbre le dimanche des Rameaux. Ça rappelle le Jeudi Saint, le Mont des Oliviers, là où Pierre dira 3 fois non.

Il y a bien des exceptions, toutefois cela devient rare. L’huile d’olive qu’on récupère dans les «lagares», les moulins à huile, ne provient plus de nos propres oliviers, ce bien et goût suprême qui arrosera bien des plats de morues, choux et pommes de terre dans la nuit de Noël.

Du coté de Fundao, il fallait en ce début décembre, 15 kilos d’olives pour récupérer 1 litre d’huile, la maturation étant très en retard cette année, sinon on peut prétendre cueillir autour de 7 kilos pour récupérer un litre d’huile. Il y a un dicton qui dit: «les olives c’est Dieu qui les donne… l’huile c’est le propriétaire du moulin qui le donne»… c’est parfois à son bon vouloir.

La cueillette des olives se fait de plus en plus à l’aide de compresseurs reliés à une espèce de palmes, les «lagares» acceptant, désormais, des olives avec quelques branchages, des ventilateurs séparant les olives des petits branchages.

Même en utilisant cette méthode dans des oliviers anciens, cueillir l’olivie reste monétairement pas rentable. Cueillir à la main encore moins, quand en sait que pour avoir un litre d’huile il faut faire travailler une personne entre 2 à 3 heures… faites les comptes… quand on sait que l’huile d’olive L…… coûte entre 6 à 7 euros le litre.

Oui, il est bien différent quand c’est notre huile que l’on consomme, n’est-ce pas? Cela n’a pas de prix, on est dans le domaine de la nostalgie… l’expression de notre «saudade».

Cueillir pour soi, en prenant son temps reste encore pour beaucoup (ou plutôt pour quelques-uns) des plus âgées, une façon de revivre, de se maintenir encore, ou symbole d’être encore en relative bonne forme.

Des Brésiliens, Chinois, Espagnols, ont fleuré le filon. Ils achètent d’énormes propriétés, ils nettoient terrains pour y planter des oliviers à hauteur d’homme, qui pourront être cueillies de façon industrielle.

 

L’autre Portugal, le Portugal qui se meurt, le Portugal qui résiste.

Il faut des lois, cela doit régler, toutefois quelques règles, quelques réformes, provoquent l’abandon, l’arrêt d’initiatives. Prenons comme exemple les vignes, les petites vignes tenues parfois par des émigrés.

La coopérative de Fundão a annoncé payer les raisins de la cueillette 2018 en moyenne à 25 centimes le kilo. Va-t-on comprendre pourquoi elle a reçu en 2013, 2,6 millions de kilos de raisins et cette année que 700 mil kilos?

Cultiver une vigne demande beaucoup d’attention, différents travaux se succèdent tout le long de l’année, cela engendre un coût.

Beaucoup de producteurs commencent à arracher des vignes ou laissent les raisins sur la plante.

En plus des dépenses pour envoyer le vin à la Coopérative, il faut s’inscrire comme artisan, effectuer une facturation, déclarer aux impôts. Pour les petits producteurs, le jeu «prix» n’en vaut pas la chandelle.

Résultats: Bacchus règne de moins en moins dans l’intérieur du Portugal, d’autant plus que la consommation de son breuvage se voit dépassé par la bière chez les jeunes et pas seulement. Vendre son propre vin devient passible d’amende.

Le Portugal qui nous questionne et qui a du mal à comprendre: «Vous êtes dans une région de France où il y a des bagarres, pillages?»

Il est parfois riche, agréable, confortable, de se dire, avoir les deux nationalités, française et portugaise. Mais est-ce si confortable qu’il y paraît, à l’image, au dessin de Plantu, dans le journal Le Monde à la fin des années 70, montrant, nous montrant, assis avec notre cul entre deux chaises?

Nos parents, originaires du Portugal qui se meurt, le Portugal qui résiste, ont travaillé dur pour acheter terrains, construire maisons, pensant à un retour rapide au pays ou alors pour la retraite… un rêve qui souvent fuit, qui se transforme… des maisons qui deviennent trop grandes, des ronces qui envahissent les terrains.

Que faire?

Dans l’autre Portugal, les plaques d’Era se multiplient, quelques-unes perdent de leurs couleurs, étés et hivers se succédant. Parfois des négociations aboutissent et l’on voit le «Já Era» collé sur le «Era». À quel prix «Já Era», «Vendu»? L’inflation des prix étant plutôt une courbe descendante depuis une dizaine d’années, même si ici et là nous voyons des exceptions.

La baisse y est le fruit d’une conjugaison de: trop d’offres, peu de demande, maisons achetés à crédit par des personnes actuellement en situation de surendettement, drames familiaux, séparations…

Que faire de tous ces terrains et maisons achetées par nos parents au fin fond du Portugal ou plutôt, dans le Portugal qu’on dit de l’intérieur?

Enfants et petits-enfants y font de rares visites, de plus en plus courtes. On préfère la plage, de moins en moins d’attachement, les grands-parents ne faisant plus partie de ce monde.

Maintenir terrains et maison coûte parfois cher pour l’utilisation que l’on fait. Que faire? Question posée maintes fois et pourtant… c’est là qui sont les racines, c’est là que les parents ont demandé à qu’on honore leur mémoire et pas seulement le 1er novembre. La relève n’est plus souvent assurée, l’histoire trace d’autres chemins, d’autres lignes, d’autres après…

Et pourtant!

Qu’il était beau notre intérieur… de magnifiques couleurs d’automne égaillent le paysage, les villes et villages s’illuminent, les chants rappellent que Noël est proche.

Le Portugal vient d’être désigné, pour la deuxième année consécutive, la destination préférée pour le tourisme au niveau mondial.

Des raisons d’espérer?

Oui, il y en a, à l’exemple du plus vieux canton du Portugal et peut-être de l’Europe: Penamacor.

Merci le Brexit. Les terrains ne sont pas chers à Penamacor, les gens sont très accueillants, on y a ouvert une École internationale avec 33 enfants, la plupart d’origine britannique. On voit y arriver des jeunes parents souvent hyper diplomes, qui fuient un pays qui veut quitter l’Europe, des jeunes qui veulent vivre, revivre, éduquer leurs enfants, loin du stress. Et aussi des gens de la classe moyenne qui a peur de la sortie de l’Angleterre de l’Union Européenne, qui sent qu’elle s’appauvrit.

Penamacor du presque 0 étrangers, a vu ceux-ci la peupler, de sorte qu’ils représentent déjà 10% de la population en seulement 2 ans.

L’autre Portugal: le Portugal qui se meurt, le Portugal qui résiste.