Opinion: Message depuis mon jardin

En ce début de matinée, petits constats auxquels notre travail, nos occupations, ne nous permettaient pas d’observer habituellement.

J’ai ouvert la porte de ma véranda. Porte qui s’ouvre vers le monde, vers l’univers, vers la nature, vers mon cerisier. Le cerisier se couvre de fleurs, malgré un printemps timoré. Il se pare de blanc. Est-ce pour attirer et accueillir les abeilles, encore rares? Les pigeons, perruches et autres oiseaux s’activent déjà sur les fleurs à peine sorties. Le sol autour du cerisier commence à se tapir de blanc.

Cette année j’ai du temps et pour qu’on puisse – «le temps des cerises» – les goûter, je rassure Yves Montand, je vais taper dans les mains pour éloigner les volatiles.

«Mon petit oiseau» vous en veut, il vous envie votre liberté, vous qui nous observez de là-haut et qui vous demandez: les hommes ont-ils changé en nous laissant autant d’espace, autant de liberté pour choisir l’emplacement du nid?

L’envie m’est venue de partager avec vous les photos que je joins. Le cerisier s’est couvert de blanc. Le blanc symbole d’espoir, de bonheur, de joie, de pureté, de lumière, purification, virginité, innocence, simplicité, connaissance… Le blanc me fait penser à ma jeunesse et au conte que nous avons tous entendu: Blanche Neige.

L’historien médiéval français Michel Pastoureau, disait à propos du blanc: «le blanc est la couleur qui donne l’équilibre, leur valeur et leur beauté à toutes les autres».

La pie voleuse vient de prendre des branchages au fond du jardin. Elle n’a même pas demandé la permission. Elle est en train de faire un nid tout là-haut de l’arbre. Pas le plus beaux des nids! J’espère que le vent ne fasse pas des siennes.

Le couple de tourterelles ne se quitte plus. On entend leur roucoulement. Dans l’arbre du voisin, le nid de l’année passée est prêt pour accueillir les petits.

Les marguerites envahissent le jardin, cela me fait penser à l’une des chansons que j’écoute presque tous les jours: Marguerite, de Richard Cocciante.

Le lilas commence à fleurir. De toutes petites feuilles comment à sortir sur le figuier. Nous accueillons quelques roses jaunes. Le muguet commence à sortir de terre. Sait-il que cette année il va peut-être moins circuler? Que le monde peut être beau, parfois même à notre porte! Et pourtant je me pose des questions, on se pose des questions. J’ai l’impression d’être un grain de sable sur une grande plage. Comment stoppez-la marrée?

On commence tous à être atteints par cette mort qui rode: j’ai deux connaissances qui sont parties cette semaine. Comment leur rendre hommage? Essayons de nous préserver et gardons, coûte que coûte, un peu de moral. C’est une façon de rendre déjà, je pense, hommage à ceux qui partent et qui auraient souhaité continuer à partager avec nous.

Mon jardin est bien petit. Je le fréquente depuis 22 ans… et pourtant je n’ai pas encore fait le tour… comme le tour je n’ai fait, nous n’avons pas fait, de l’homme, de l’humanité… il reste tant à découvrir.

Je viens de profiter pour refaire un tour sur mon jardin… et là, je suis surpris! Je tombe sur une œuvre d’art… qu’elle toile… quelle belle toile mon araignée m’a construite, m’a peint.

En ce début de matinée, j’ai envie de partager ma découverte. Elle est fragile, on prévoit de la pluie pour cette après-midi… j’admire la toile de mon araignée… quel travail, quelle patience et pourtant l’artiste sait que le travail sera éphémère.

Je me rends compte à quel point la beauté est juste là, juste ici. La toile de l’araignée me fait penser à ce mal qui se développe sur notre terre; l’araignée tissant sa toile à partir d’Wuhan, ne faisant pas de discrimination; tous les pays sont atteints, toutes les classes sociales. Quand va-t-elle se rompre la toile faisant?

Beaucoup d’efforts nous restent à faire. L’écrivain québecois a raison quand il dit «la discipline est la toile de fond de tous les exploits».

Que dire au muguet qui est en train de sortir de terre? Doit-on lui dire ce qui se passe? Je pense que non.

Il est fragile. Il vient à peine de sortir de terre. Il va grandir… laissons faire le temps.

Muguet fait nous de jolies clochettes… quelles sentent bon. Mon cher muguet, on t’adore, toi qui pousses pour circuler de main en main. Les hommes espèrent pouvoir partager le bonheur de te prendre et offrir à l’autre pour lui dire qu’on l’aime, qu’on lui souhaite «tout le bonheur du monde» comme si bien le chante le groupe Sinsemilia.

Jamais, le besoin de partager, le besoin de souhaiter du bonheur, n’a été aussi intense.

L’invisible va-t-il être vaincu?

A défaut de le fêter, nous aimerions pouvoir souhaiter le bonheur avec quelques-uns de tes petits brins, cher muguet.

Muguet, pour l’amour de l’homme, donne-nous l’exemple… ne mue pas, reste gai. Mon petit muguet, n’abandonne pas. Le 1er mai… si loin et si près à la fois.

Le 1er mai, jour de la Fête du travail. Jour où l’on aimerait chanter comme Salvador (le sauveur, en portugais): «Le travail c’est la santé».

Est-ce un rêve?

 

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