Opinion : Nos amours, les années 70, en France et «na Terrinha»

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J’ai eu 20 ans en 1972, après neuf ans de résidence en France.
Bien intégré, cela fait déjà neuf ans que je réside en France, sans oublier d’où je viens.

Je me rappelle qu’à ce moment-là, je pensais en français mais calculais encore en portugais.

Nos vacances au Portugal en août et chaque année, étaient régulières et la meilleure façon pour de «matar saudades da minha infancia» (tuer la nostalgie de mon enfance).

Dès que j’ai eu dix-sept ans, je me suis fixé comme objectif, de trouver une petite copine pour parfaire mon portugais autant que satisfaire mes envies amoureuses.

Mon petit regard de séducteur et mon sourire d’ange me facilitait amplement l’approche.

Hélas, dès que les premiers mots sortaient de ma bouche, les choses se compliquaient. Mon accent particulier provenant d’un mélange phonétique mixte, me trahissait autant qu’un oui lâché au début d’une réponse à une question.

A cela, je devais ajouter mon manque d’expérience concernant la technique utilisée pour la drague au Portugal.

Dans nos petites villes du nord, les sorties étaient possibles le samedi soir pour commencer de tourner en rond dans les noitadas de la romaria, ou encore pour une soirée dansante.

Ces soirées, souvent organisées dans une propriété privée, l’accès étant possible seulement sur invitation.

Mon jeune oncle, très complice, se débrouillait pour obtenir les invitations nécessaires, il était également intéressé pour ce type de sortie et me démontrer son talent de séducteur Maia, ce qui augmentait encore ma sensation d’handicap.

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Les filles présentes dans ces soirées étaient toutes issues de la bourgeoisie locale et fréquentaient les Universités de Porto ou de Braga.

Ma situation à moi, était celle du «francoguês» et ne me laissait aucune chance, sinon celle de frôler le ridicule.

Les filles, bien que méfiantes, étaient intriguées par ma tenue vestimentaire, assez inspirée de celles de Mike Brand, plus tard, de celles Joe Dassin.

Une fois l’échange engagé avec l’une de ces filles et un peu plus curieuses, j’avais toujours la même réaction avec le commentaire suivant :

– Je sais que dès ton retour en France, tu vas retrouver une fille française, plus libre que moi et que je devrai rester ici à t’attendre une année entière, donc pas pour moi, même si je dois avouer que je te trouve mignon.

Les années passant, je voyais se compliquer de plus en plus le projet élaboré pour trouver chaussure à mon pied et satisfaire le souhait inavoué de ma chère maman.

– Adeus minha linda Maria da Conceição, tant pis pour ma Maria Helena que je retrouve comme amies chaque été.

Il m’a fallu finalement, me faire à l’idée que ma seule chance pour trouver une âme sœur se trouvait dans mon pays d’accueil.

J’avais, avec un tel plan, plus d’expérience et issue de mes petites aventures amoureuses, soit derrière l’église, en plein milieu d’un champ de blé encore vert, ou encore au bord d’un de nos magnifiques lacs de Bourgogne.

Cette stratégie aurait dû me permettre une vie amoureuse plus facile, pour le court terme et avec du temps, enfin la rencontre idyllique, celle que je ne quitterais plus jamais. Hé bien, non !

Ma sensibilité mise à nu, dès que je déclarais mes origines, j’avais toujours ces deux réactions possibles :

– Tu dois avoir des idées un peu macho (pour ne pas dire de demeuré).

– Tu vas sortir avec moi pour t’amuser et un de ces jours, m’annoncer ton proche mariage avec une fille de ton pays.

Il me fallait donc améliorer ma stratégie pour éviter cette situation de plus en plus pénible à accepter.

N’ayant ni un accent marqué de bourguignon, ni celui d’un ibérique, j’ai opté pour me déclarer français et originaire du sud-ouest, mon nom hérité d’un grand-père arrivé avant la II Guerre mondiale.

Tout allait bien jusqu’au moment où ma copine devenait vraiment amoureuse et je devais lui avouer ma supercherie.

J’obtenais facilement le pardon et après cela, l’information de notre amour remontait rapidement jusqu’aux parents.

Je la retrouvais le samedi suivant, nous passions notre soirée sereinement, mais je relevais tout de même une légère tension…

Un échange douloureux allait se mettre en place :

– Il faut que je te dise quelque chose.

– Tu veux qu’on arrête ? lui répondais-je.

– Pas du tout, le problème est chez mes parents.

– Je leur ai expliqué qui tu étais, ta formation, ta façon de voir la vie, tes valeurs sur la famille.

– Et alors, où est le problème ?

– Ils ne comprennent pas que tu ne sois pas français. Que tu ne te sois pas naturalisé à dix-huit ans. Mon père ne supporte pas que tu n’aies pas fait le service militaire pour servir la France.

L’effet immédiat étant de provoquer moi-même la rupture pour ne pas semer la zizanie dans la famille et repousser mon engagement pour une vie à deux.

Je me suis marié avec une Espagnole et nous représentons, je pense, la réussite de cette mixité, si difficile pour cette période de mon récit et naturelle de nos jours.

Pourquoi une Espagnole ?

Amour, amour, quand tu me tiens…

Manuel Maia Teixeira

Mars 2023

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LusoJornal