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Opinion : Portugal, de pays d’émigration à pays d’immigration

Illusion ou réalité ? Objectif ou subjectif ?

À chaque nouveau voyage au Portugal, nouvelle vision, nouvelles découvertes.

Départ de l’aéroport de Lille-Lesquin, temps pluvieux, 15 degrés. Arrivée à Porto, nous nous disons : tient, tient, le soleil existe toujours, à la sortie de l’avion, le choc thermique, 29 degrés. Il nous faudra quelques minutes pour que notre organisme s’adapte.

Le premier contact personnel au Portugal, nous l’avons eu avec un Brésilien. Il nous conduit à l’agence de location de voitures.

Au restaurant, c’est un serveur asiatique qui prendra commande.

C’est ça aussi, le Portugal d’aujourd’hui, un pays d’accueil, un pays qui attire, un pays où, aussi, une poignée exploitent, abusent… Cela nous fait reculer de 60 ans, au début de l’émigration portugaise, le ‘chercher ailleurs’, l’arrivée en France.

En route. Arrivé à Fundão, dimanche, jour du Seigneur, jour non travaillé. Des groupes d’asiatiques sont réunis, se parlent à la sortie des supermarchés, cela nous rappelle les sorties de l’église des années 1970, en France, les moments de rencontre avec des compatriotes, avec des familiers, une pause entre deux semaines de labeur, un recueil d’informations, un tel ou autre ayant reçu une lettre de son épouse, de ses parents, avec des nouvelles du village.

L’émigration portugaise vers la France a eu lieu, essentiellement, pendant «les trente glorieuses» qui ont suivi le post II Guerre mondiale, avec la mise en place de plans de reconstruction. L’autre révolution industrielle.

Le Portugais des bidonvilles se libère de celui-ci, en construisant des HLM, son propre logement, plus décent. Les Portugais construisaient des routes, ils travaillaient chez Peugeot, Renault, marques de voitures avec lesquelles ils reviendront au pays, des constructeurs aussi de leur propre route. D’autres routes s’ouvriront pour eux et pour ceux restés au Portugal : la Revolution des Œillets, l’Armée et ses Capitaines libèrent un peuple, un pays qui vivait sur le passé, coupé du monde, qui finira par intégrer l’Europe.

Qu’en est-il de l’immigration actuelle au Portugal ?

Il y a eu une première vague, moins nombreuse, mais fortunée, débutée il y a de cela une quinzaine d’années. Vague qui va avoir des répercussions sur la crise actuelle de l’immobilier au Portugal. On vient chercher au Portugal une retraite paisible, le soleil, la paix, la culture, la gastronomie, une fiscalité généreuse pendant au moins 10 ans.

La deuxième vague d’immigration est plus récente, plus nombreuse.

On se disait que le Brésil était en train de devenir une grande puissance, début de notre siècle, grâce à ses richesses, à son pétrole en mer. En crise, le Brésil exporte une partie de sa main-d’œuvre, ils deviennent dentistes au Portugal, commerçants, serveurs dans les cafés, dans les restaurants…

D’autres immigrés viennent de pays asiatiques pour travailler occasionnellement, voir définitivement, à l’exemple de Fundão, venus ici pour cueillir ce qui fait sa réputation : les cerises.

Pourquoi une telle immigration ? Il n’y a pas une seule réponse, elles sont multiples et variées : le Portugais délaisse certaines activités, on vit les conséquences d’une faible natalité depuis 30 ans, expliquant le manque d’entrées dans le marché du travail, au Portugal on obtient, théoriquement, plus facilement des documents, une ouverture pour l’Europe pour quelques-uns. Il y a ici, aussi, des personnes, des réseaux, qui exploitent la faiblesse de leurs semblables êtres humains : les clandestins, la domination par la peur.

De tout cela, les organes de communication en font parfois la une, en dénonçant l’exploitation humaine, thème qui revient régulièrement dans le débat pour les européennes.

Il y a aussi le manque d’organisation de la AIMA, Agência para Integração Migração e Asilo. Prendre un rendez-vous pour régulariser la situation de clandestin, c’est presque du domaine de l’impossible, le rendez-vous devient possible, oui, si l’on donne de 200 à 600 euros à certains corrompus, le clandestin cherchant à se régulariser, ce qui lui permettrait de prétendre un éventuel logement, faire venir la famille.

Ne faudrait-il pas rappeler ici que, le Portugal a été un des premiers pays à abolir l’esclavage, même s’il a été un des premiers à la promouvoir, à l’exploiter, transportant des êtres humains d’un continent à un autre ?

C’était quoi la notion de clandestin jusqu’à ce début juin 2024 au Portugal ? Le législateur vient tout juste de décréter que le Portugal n’accepte désormais plus que des immigrés qui viennent pour y travailler, qui ont un contrat, condition nécessaire pour être régularisés… des notions qui évoluent au gré de la nécessité, selon le débat politique, selon l’élection en vue ?

Les migrations, un thème récurrent depuis la nuit des temps, depuis le temps des Découvertes. Un thème qui, selon la sociologue, chercheuse, Maria Beatriz Rocha Trindade, devrait être traité, enseigné à part au Portugal, comme une discipline, en dehors de la classique histoire.

Les migrations, un thème d’actualité d’aujourd’hui mais aussi de demain, provoqué par l’augmentation des inégalités, le progrès à différentes vitesses, la démographie, la différence des taux de natalité, la corruption de personnes, du pays, des dirigeants, l’exploitation humaine, les crises climatiques… Tout cela conduit à chercher ailleurs ce qu’on n’a pas chez soi.

Le Portugal, un pays du sud, du sud de l’Europe, continuera-t-il à attirer des populations du sud de la planète ?

Les migrations, un problème ou une solution ?

La réponse n’est pas simple, n’est pas unique. Pour un problème complexe il n’y a pas de solution simple, même si de nouveaux politiciens se prétendent magiciens.

En 1980, il n’y avait pas de réseaux sociaux, la télévision était le moyen de communication par excellence. Le magicien de l’époque, Garcimore, était plus marrant que certains politiciens/magiciens actuels. Lui, il faisait semblant de rater ces trucs et pourtant il les réussissait toujours. Des promesses sont faites dans des campagnes électorales, de nombreuses ne sont pas tenues, des trucs sont ratés, parfois pour des raisons matérielles. Faut-il pour autant se tourner vers les politiciens / magiciens / illusionnistes ? Le risque que les choses se passent mal est grand.

Oui à la politique et aux politiciens, non aux faux magiciens.