LusoJornal / António Marrucho

Opinion: Allons, chantons les «Janeiras»

Que de souvenirs!

Le moment présent sera dans quelques années des souvenirs.

Souvenirs de traditions. Traditions qui se maintiennent ici et là encore de nos jours.

Nos souvenirs évoqués dans les lignes qui suivent datent des années 70. Nous étions scouts. En cette période de l’année nous parcourions les rues de Manteigas et Covilhã pour chanter «as Janeiras». Pas besoin d’avoir une voix digne «the voice»… Plus on était nombreux, moins on se rendait compte que je chantais très mal, quoique… avec un peu d’anis, la voix s’améliorait parfois… L’intérêt était d’être dans l’ambiance, dans le prolongement de la fête de Noël et du Nouvel An, de faire partie d’un groupe connu ou méconnu.

Chanter «as Janeiras» était le moment privilégié pour nos patrouilles de se faire un petit pactole d’argent pour les activités de l’année ou pour acheter des cabas de nourriture que nous allions distribuer chez les plus nécessiteux.

Comme son nom l’indique, les «Janeiras» sont en rapport avec le moment présent, le mois de janvier.

En quoi consiste donc «as Janeiras»?

Les «Janeiras» est une tradition du Portugal qui anime les rues entre la tombée du jour et la nuit et ce du 1er et le 6 janvier, jour des Rois, jour de l’Épiphanie. De nos jours la tradition se prolonge, parfois, bien au-delà du 6 janvier.

Des groupes organisés, parfois plus au moins informels, parcourent les rues en s’arrêtant à chaque maison pour chanter un air, une complainte, dont l’origine remonte dans la nuit des temps.

Les «Janeiras» annoncent la naissance de Jésus et permettent de souhaiter une bonne année.

Le but de cette tradition était de récupérer des surplus, des aliments après les fêtes. De nos jours cela se fait plutôt avec le but de récupérer de l’argent.

Il n’est pas rare de voir parcourir, se croiser dans les rues; un groupe de scouts, un groupe de pompiers, une philharmonie… ou de se partager la ville par institution.

On se donne parfois rendez-vous sur la place du village où le «Madeiro» brûle encore pour aller ensuite de maison en maison… Pas évidemment de rester sobre.

Aux résidents généreux de la maison, des chansons sont entonnées pour remercier.

Si l’on sait qu’à l’intérieur d’une autre demeure il y a quelqu’un, avec un peu des moyens et qui ne donne rien, le chant peut avoir des paroles adaptées un peu moins agréables.

Il peut y avoir quelques variantes d’une région à l’autre du Portugal, d’un village à un autre, avec quelques changements des termes utilisés pour une même chanson.

Les «Janeiras» remontent selon la tradition au temps des Romains. À l’époque c’était déjà l’occasion de recevoir des dons matériels mais aussi l’occasion de célébrer les dieux et des divinités païennes. C’était donnant-donnant: pour celui qui donne… il espère recevoir des dons des dieux. Pour celui qui reçoit, c’est l’occasion de dire d’une façon ou d’une autre merci.

Peut-être moins qu’au Portugal, même si la tradition a tendance à se perdre là aussi, les «Janeiras» ont été chantées dans bonne partie de l’Europe: de la France à l’Italie, en passant par Espagne et même Allemagne, pays non latin.

Au Portugal il y a a une chanson qui est devenue le symbole des «Janeiras». Il s’agit de celle écrite et interprétée par Zeca Afonso:

«Vamos cantar as Janeiras

Vamos cantar as Janeiras

Por esses quintais adentro vamos

Às raparigas solteiras…»

 

Si vous êtes du Nord du Portugal, vous allez plutôt chanter:

«Inda agora aqui cheguei

Mal pus o pé nesta escada

Logo o meu coração disse

Qu’aqui mora gente honrada».

 

Si vous êtes de l’Algarve, cela sera plutôt:

«Levante-se daí Senhora

Do seu banco de cortiça

Venha-nos dar as Janeiras

Ou de carne ou de chouriça…»

 

Soyez attentifs… qui sait?

Peut-être aurez-vous droit cette année aux «Janeiras».

 

 

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